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« Léa Lejeune : une journaliste et citoyenne engagée »

 

Lea LEJEUNE (2010 PES), Journaliste chez Challenges

Dior, Zara, H&M, Zadig et Voltaire… Toutes ces marques revendiquent récemment sur leurs t-shirts des slogans féministes : « We should all be feminist », « The future is female », « Girls can do anything »… Pourtant, ces grandes marques sont-elles vraiment si féministes qu’elles l’affichent ? C’est la question que Léa LEJEUNE, 34 ans, journaliste économique à Challenges, s’est posée au travers d’une enquête approfondie publiée aux éditions du Seuil en mars dernier : « Féminisme washing. Quand les entreprises récupèrent la cause des femmes ».

Devenir journaliste : une véritable ambition

Diplômée en 2010 de Sciences Po Grenoble du Master Journalisme (formation qui n’existe aujourd’hui plus), cette jeune femme dynamique a toujours écrit depuis son plus jeune âge. Déjà, dans la cour récréation de son école primaire, elle bidouillait son premier « journal pirate » : « quand j’avais 8 ans, on a refusé l’un de mes articles dans le journal de l’école, j’avais trouvé ça injuste. J’avais donc lancé mon journal pirate. Je l’écrivais à la main et le photocopiais sur l’imprimante de mes parents. J’y racontais évidemment, les potins de stars et ceuxdes profs et élèves. C’est la première fois de ma vie où je me suis dit que je voulais devenir journaliste. Plus tard, à 14 ans, quand j’ai interviewé Jean-Gabriel Cohn-Bendit, le grand-frère de Daniel Cohn-Bendit, qui se présentait aux élections locales pour les verts dans la circonscription de Bagnères-de-Bigorre. J’ai trouvé ça impressionnant et je me suis intéressée à ce métier ».

Après deux années de licence de philosophie à Toulouse, elle rentre à Sciences Po Grenoble en deuxième annéeavec l’ambition de devenir journaliste à Libération « comme j’étais très fan de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre ». Durant ses années à Sciences Po, pour approcher le journalisme, elle écrit de nombreux portraits de diplômé.e.s, mais aussi écrit des articles pour Les Caribous libérés, «  la feuille de choux de gauche de l’IEP ». Consciente de la concurrence au sein du journalisme, pendant son Master, elle a entrepris plus de douze stages : « des petits stages, parfois d’observation très courts à France 3 et puis des gros stages, au Dauphiné Libéré, Libération, Télérama…. Pour apprendre sur le tas et augmenter mes chances ». Au sein de son Master Journalisme, elle se souvient d’une promotion très soudée, loin de la concurrence du métier. Par ailleurs, l’IEP grenoblois lui aura permis de gagner en aisance à l’oral, chose essentielle dans ses activités aujourd’hui.

Après deux ans de freelance pour la presse économique et féministe, notamment pour L’Expansion et Causette, elle travaille pendant deux ans à Libération. « C’est une profession dure quand on démarre, car il faut souvent passer par le freelance et c’est très mal rémunéré. Et moi je venais d’une famille du bas de la classe moyenne alors c’était très difficile, au départ il faut se loger à Paris… Cela favorise les gens qui ont déjà un pied-à-terre à Paris ou suffisamment d’argent pour s’en sortir pendant plusieurs mois ». Puis, elle décroche un poste à Challenges, où elle est journaliste depuis 6 ans aujourd’hui traitant des nouvelles technologies, de l’industrie des médias et des liens entre économie et femmes.

Œuvrer avec Prenons la Une dans la lutte féministe

Léa Lejeune a toujours été convaincue par la lutte féministe, elle a commencé à s’engager au travers de sa plume en tant que freelance. Elle faitle choix de ne pas rejoindre d’associationclassique pour garder le recul nécessaire en tant que journaliste. En 2014, avec la journaliste Claire Alet, elle se rend compte que le fait que les femmes soient sous-représentées dans la presse est très fortement lié au traitement sexiste des sujets qui traitent des femmes dans les médias. Elles créaient alors un collectif « Prenons la Une », qui est, depuis 2018, une association, de plus de 300 membres, et aide les femmes victimes de sexisme et de cyberharcèlement dans la presse. Léa Lejeune en est Présidente depuis maintenant trois ans. Par ailleurs, elle siège au Haut Conseil Égalité Femmes/Hommes (instance nommée par le Premier Ministre afin de faire des rapports critiques) où elle participe à l’élaboration de rapports sur la parité et diversité dans les médias, recherchant alors des solutions concrètes. Pour Prenons la Une, elle a eu l’occasion de faire des auditions au Sénat, à l’Assemblée Nationale, à la Commission Européenne…

Féminisme Washing : un petit manuel pour mieux consommer

Travaillant à l’intersection entre l’économie et les femmes, elle s’est rendu compte que «  le féminisme est devenu à la mode, c’est un produit marketing ». Pour son enquête sur le « féminisme washing », dérivé du « green washing », elle a donc cherché à comprendre « comment les entreprises se sont saisies de ces valeurs féministes pour vendre mieux, plus de produit ou attirer les candidates de talent. Je dénonce le double discours : celui de façade et celui de ne pas changer leurs pratiques ou de ne pas bien traiter les femmes en interne ». Ainsi, elle décrypte avec précisions les stratégies de certaines grandes entreprises qui vendent des produits aux slogans féministes, des poupées dérivées mais sans réellement avoir de réelles convictions politiques derrières les étiquettes. En effet, avec 58% des Français qui se revendiquent comme féministes et 77% chez les très jeunes femmes (15-25 ans). Ainsi les grandes marques ont compris l’intérêt économique d’afficher une image féministe pour attirer les consommateurs et consommatrices. Cependant, sous cette belle image, les engagements envers les femmes sont très peu nombreux : parfois même concernant leurs propres employées. « Tout le projet du livre, c’est d’essayer d’expliquer comment on repère le féminisme washing, je décrypte dedans toutes les méthodes qui sont utilisées : la publicité, slogans réducteurs, le marketing… ». Ce livre est un véritable petit guide, un petit manuel pour que nous, consommateurs et consommatrices, puissions changer nos pratiques, « décrypter les étiquettes et lire entre les lignes des communiqués de presse ».

Si vous n’êtes toujours pas convaincu.e par cette lecture, l’auteure a trois derniers arguments pour vous persuader : « C’est un manifeste, il y a un projet politique derrière : d’améliorer le capitalisme, les entreprises, de replacer l’humain et plus précisément les humaines au centre de l’entreprise ». Construit avec de nombreuses anecdotes, par la narration d’histoires ou de petits faits à apprendre, sa lecture en est très agréable. Enfin, «  Il se termine par un petit manuel d’action pour interpeller les entreprises sur les réseaux sociaux et les règles à suivre ».

Le journalisme, un métier compliqué, favorable aux plus motivés

L’entrée dans la carrière de journaliste est complexe, étant donné que d’un point de vue économique les choses sont de plus en plus compliquées, ainsi : «  il faut être sûr de soi, apprendre vite, trouver des solutions pour démarrer avec des salaires très faibles… Surtout aujourd’hui, il faut être capable de s’adapter aux nouveaux médias, aux nouveaux formats notamment sur les réseaux sociaux, et surtout ne pas rester dans une idée précise de ce que l’on voudrait faire dans l’idéal mais plutôt de s’adapter aux évolutions du secteur ». Elle ajoute : «  il faut faire partie des plus motivés. Le réseau est primordial, il peut se construire avec des stages ou des pistes pendant ses études même lorsque l’on ne vient pas de ce milieu social ».

Les lectures féministes à lire selon Léa LEJEUNE, à lire à tout prix :

 

Interview réalisée par Clémence MONVILLE (étudiante 3ème année)
Léa LEJEUNE

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31/03/2021