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Chloé DEVIS (1998 PES) - Journaliste, photographe et artiste-intervenante, co-autrice de « Le portrait de presse au prisme des dominations » avec Marie Docher et Ingrid Milhaud

Qu’est-ce qui vous a amenée à Sciences Po Grenoble ?

Originaire de la Drôme, j’étais attirée, dès le plus jeune âge ou presque, par les métiers du journalisme. Les IEP étant considérés comme la « voie royale » vers les écoles de journalisme, tout en proposant un enseignement généraliste qui ne fermait aucune porte, j’ai tenté les concours de ceux de Lyon et de Grenoble. J’ai intégré le second après une année de lettres modernes. C’est pendant ce cursus que j’ai fait mes premières armes dans la presse, au Dauphiné Libéré, comme correspondante locale de presse, et en stage à la rédaction de Valence. Ayant décidé de consacrer mon mémoire au « journalisme rock », sous la direction de Claude Francillon, j’ai également passé une semaine à la rédaction de Rock & Folk.

Quel a été votre parcours ensuite ?

Une fois diplômée, en 1998, j’ai fait ma rentrée à l’Institut pratique de journalisme, à Paris. Dans ce cadre, j’ai effectué mon stage d’été au Dauphiné Libéré, mais cette fois au siège, à Veurey. Puis, à la rentrée 2000, j’ai intégré la rédaction du Figaro Eco. Pendant quatre ans, j’ai réalisé des interviews et rédigé des portraits de chefs d’entreprise pour la rubrique « Décideurs », une expérience formatrice bien que loin de mes aspirations initiales. Également passionnée de photo depuis l’adolescence, j’ai pris un congé formation pour faire une école de photo en 2003-4. Dans la foulée, j’ai quitté Le Figaro et commencé ma vie de free lance, un pied dans l’écrit et un autre dans l’image, en essayant de concilier mes multiples envies et centres d’intérêt ! Aujourd’hui, je continue à piger, plutôt pour des supports professionnels ou institutionnels, mais j’assure aussi des missions de relecture-réécriture. En parallèle, je poursuis des projets photographiques personnels, et j’anime des ateliers de pratique artistique et d’éducation à l’image. Je suis également membre d’un collectif artistique pluridisciplinaire, Tramages, et d’une chorale féministe et queer autogérée, Flying MINT.

Vous venez de publier « Le Portrait de presse au prisme des dominations », co-écrit avec Marie Docher et Ingrid Milhaud. Comment est né et s’est développé ce projet ?

Ma prise de conscience féministe a été progressive, et ce sont aussi des expériences et des rencontres dans le milieu de la photographie qui l’ont consolidée, et m’ont amenée à rejoindre un autre collectif, La Part des Femmes, engagé pour une plus grande pluralité des regards dans ce domaine, autour de la photographe et activiste Marie Docher. Celle-ci, depuis quelques années déjà, comptait le nombre de femmes représentées dans les grandes expositions et institutions du secteur. Notre premier coup d’éclat, en 2018, a été d’interpeller dans une lettre ouverte le directeur des Rencontres d’Arles, un des plus prestigieux festivals de photo au monde, au sujet de la faible proportion d’artistes femmes (20%) exposées. Résultat : l’année d’après et celles qui suivront, la programmation deviendra quasi-paritaire et plus ouverte à des catégories minorisées.


Ingrid Milhaud - Chloé Devis - Marie Docher

Quant à la genèse du livre, elle repose également sur un double constat initial fait par Marie Docher et Ingrid Milhaud (cheffe photo de la revue féministe La Déferlante), iconographe et également membre de la Part des Femmes : une sous-représentation des femmes parmi les photographes qui signent les portraits dans Libération, et certaines images problématiques dans leur façon de représenter les personnalités féminines. Elles ont alors voulu pousser plus loin l’analyse en s’intéressant également aux portraits produits par Télérama, et en constituant un véritable corpus, à partir de trois ans de portraits parus dans la « der » de Libération, et dans la rubrique l’Invité de Télérama. Ces pages ont pour point commun d’être illustrées par des photos commandées à des photographes par la rédaction. Par la suite, Ingrid et Marie m’ont sollicitée pour jeter un œil aux textes accompagnant ces images, et c’est ainsi que l’aventure a commencé… Un travail de longue haleine, et qui n’aurait pu aboutir sans le soutien de notre entourage, notamment les autres membres de La Part des Femmes, mais aussi une aide financière du ministère de la Culture.

Quel éclairage nouveau apporte cette « étude de cas » sur les pratiques médiatiques et les inégalités de traitement dont elles peuvent être vectrices ?

Notre approche est hybride : elle conjugue nos regards de professionnelles de l’image et de l’écrit, nourris de pensée féministe, et des outils empruntés à la recherche – à titre personnel, j’ai convoqué mes souvenirs des cours de méthodologies de sciences sociales suivis à Sciences Po ! – pour exploiter un corpus de près de 1000 portraits photographiques.

Des regroupements ont été opérés selon telle ou telle modalité de mise en scène des personnes, qui permettent de montrer que ces modalités varient sensiblement selon le genre de la personne photographiée, et éventuellement d’autres paramètres, comme l’orientation sexuelle (quand elle est connue), l’origine sociale ou ethnique… Par exemple, la quasi-totalité des personnes que l’on fait poser allongées sont… des femmes. Mais certaines récurrences sont plus subtiles à percevoir, comme le fait d’être montrée assise quand on est une femme intellectuelle âgée (ce n’est quasiment pas le cas des hommes ayant le même profil). Nous nous sommes aussi penchées, entre autres, sur le traitement réservé à des « typologies » de femmes spécifiques, comme les sportives, les féministes… ou encore avons observé que certains schémas appliqués à la représentation de personnalités féminines l’étaient aussi à des personnes gays et/ou racisées. Ce qui permet de mettre en évidence, par opposition, les codes employés pour mettre en scène la « norme » invisible, à savoir les hommes hétérosexuels blancs. Catégorie qui est surreprésentée de l’autre côté de l’objectif, parmi les photographes sollicités par les deux rubriques, ce qui (re)pose la question de la soi-disant neutralité journalistique…

Pour mieux saisir la complexité de ce qui se joue entre les protagonistes d’une prise de vue, nous avons aussi interrogé des photographes et des personnes photographiées dont le portrait nous avait, pour une raison ou une autre, interpellé.

En parallèle, l’analyse des descriptions physiques dans les textes des portraits de der de Libé a aussi permis de débusquer des usages linguistiques, en termes de champs lexicaux, de registres de langage, de tournures syntaxiques… différenciés selon le genre, et tendant à conforter des stéréotypes en ce qui concerne les hommes et les femmes.

Qu’attendez-vous de la publication de cet ouvrage ?

Tout d’abord, notre travail n’est pas à charge : il ne s’agissait pas de dénoncer des photographes, des journalistes, ni même des médias en particulier. Nous avons choisi Libé et Télérama précisément parce que ces titres revendiquent une ligne éditoriale progressiste et un engagement dans la lutte contre les discriminations, ce qui devrait les rendre plus sensibles à notre propos et enclins à modifier leurs pratiques dès lors qu’on leur démontre que celles-ci ne sont pas exemptes de biais. Ce que nous souhaitons mettre en avant, c’est que ces biais sont largement inconscients, qu’ils sont de nature systémique, et que c’est toute une chaîne de fabrication des représentations qui est en cause. D’où l’intérêt d’une prise de conscience qui démarre dès la formation initiale et s’étende à tous les maillons, et plus largement d’une sensibilisation aussi large que possible à ces enjeux d’ampleur sociétale sur les visions du monde qui nous sont proposées, et par qui.

Notre étude se veut, en ce sens, un outil pour accompagner cette réflexion et une invitation à l’approfondir dans des directions que nous n’avons pu qu’ébaucher en ce qui concerne, par exemple, la représentation de différentes catégories minorisées. Elle par ailleurs déjà produit des effets : nous avions eu l’occasion de présenter ses premiers résultats dans le cadre de l’émission en ligne Arrêt sur images en septembre 2021, et dans les semaines qui ont suivi cette diffusion, le nombre de photographes femmes sollicitées pour la der de Libé a très visiblement augmenté. Preuve que celles-ci existent et sont prêtes à travailler !

Aujourd’hui, même si les deux rédactions concernées, informées de notre démarche, n’ont pas directement réagi, nous recevons des marques d’intérêt encourageantes de la part de publics très divers, et restons disponibles pour débattre avec qui le souhaite sur l’ensemble de ces questions.

Livres publiés :
- Le portrait de presse au prisme des dominations, La Part des Femmes, 2024
- Dans la bouche d’une fille, ouvrage collectif dirigé par Astrid Toulon, Albin Michel, 2021
- Voix de femmes, anthologie de femmes poètes et photographes,Turquoise, 2013
- Derrière l’objectif de Pierre et Gilles, propos recueillis par Chloé Devis, Hoebecke, 2013 - Le Goût de la photographie, textes choisis et présentés par Chloé Devis, Mercure de France, 2010, réédité en 2021

Chloé DEVIS
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08/05/2024

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