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Un pont entre journalisme et traduction

 

Isabelle VULLIARD (1985 PS), Traductrice Rédactrice

Pour Isabelle Vulliard, diplômée en 1985, section politique et sociale, Sciences Po Grenoble devait être un tremplin pour le journalisme. Ce sera chose faite en 1988 avant, des années plus tard, de prendre le virage de la traduction. Un métier aujourd’hui impacté de plein fouet par l’arrivée de l’Intelligence artificielle.

Pourquoi avoir choisi Sciences Po Grenoble et quels souvenirs en gardes-tu ?

Mon rêve premier était d’entrer à Sciences Po Lyon où l’on pouvait intégrer la section Relations internationales. La façon dont tourne le monde m’a toujours fascinée. Pour diverses raisons, je n’y suis pas allée et j’ai intégré Grenoble, sans pour autant faire la fine bouche. J’y apprends alors le raisonnement, la synthèse (évidemment), la curiosité surtout, et au contact des étudiants étrangers, je prends connaissance d’un autre univers : c’est l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud, et je découvre Breyten Breytenbach, qui vient d’être libéré des geôles sud-africaines grâce au soutien de François Mitterrand ; je rencontre des étudiants « soviétiques », j’apprends le russe et avec des étudiants, nous leur donnons en cachette les polycopiés de Pierre Broué et sa vision trotskiste de l’histoire de l’URSS ; j’écoute l’indignation de Martina, étudiante allemande, qui nous reproche d’assimiler les cours magistraux de nos enseignants sans broncher, sans esprit critique ; et j’écoute les contes et légendes de Madagascar, racontées par les étudiants malgaches. Bref, je vis ma meilleure vie d’étudiante. La politique, en général, est entrée dans ma vie à Sciences Po Grenoble et ne m’a pas quittée, je suis conseillère municipale depuis 2001.

Sciences Po est un tremplin vers le journalisme ?

Oui, je voulais devenir journaliste, et après Sciences Po, j’ai intégré l’école de journalisme de Strasbourg, le CUEJ, dont je suis sortie diplômée en 1988. Après un premier voyage de six mois autour du monde en 1989 au cours duquel j’apprends l’espagnol sur le terrain, je repars un an en 1991, et entre-temps, j’écris pour de multiples journaux et revues, en free-lance. C’est un statut que j’affectionne. Malgré l’incertitude et la flexibilité totale qui le caractérisent, il me donne toute la liberté dont j’ai besoin.

En 1999, je quitte Paris pour le Bassin d’Arcachon, et petit à petit, à reculons, je quitte le journalisme et je deviens traductrice. Il est bien connu que « le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir ». Aujourd’hui, je n’ai plus (trop) de regrets et j’ai surtout profité d’opportunités pour traduire dans le domaine du journalisme, de la communication et des organisations internationales. La traduction est un art, une activité qui permet une grande créativité dans l’écriture, pourvu qu’on respecte les règles fondamentales. Je suis toujours indépendante, libre de traduire un jour l’analyse d’une personnalité de l’ONU, le lendemain un rapport d’une grande organisation internationale et le surlendemain, un dossier de presse sur une nouvelle thérapie ou le lancement d’un produit. Comme le journalisme, la traduction est passionnante car elle ouvre les portes vers de nouvelles connaissances. C’est pourquoi il existe un pont entre ces deux professions, qu’il est possible de traverser en des allers-retours enrichissants.

Le métier de traducteur est aujourd’hui menacé par l’arrivée de l’intelligence artificielle ?

C’est une réalité, les traducteurs sont dans la tourmente. La traduction automatique, apparue dès 2016, s’est aujourd’hui perfectionnée, et nombreux sont les entreprises, les organisations ou les particuliers qui ont déjà, un jour, fait appel à Deepl, ChatGPT ou Mistral, le dernier-né français, pour traduire un texte. Pourquoi payer 500 euros une traduction alors qu’un outil d’intelligence artificiel peut le faire gratuitement en quelques minutes ? Les outils d’IA étant encore perfectibles, on demande maintenant aux traducteurs de relire les traductions générées automatiquement. L’exercice est ingrat, dévalorisant et mal rémunéré. Je ne sais pas si l’IA signera la disparition des traducteurs, comme elle a déjà signé la disparition de plusieurs fonctions et métiers. Mais il faudra du temps et de la ténacité pour se maintenir à flot, et expliquer pourquoi une traduction générée par l’IA n’est pas toujours aussi performante qu’une traduction humaine. Un outil d’IA produit des traductions peu chères, voire gratuites, mais la qualité finale, j’en suis convaincue, ne sera jamais aussi bonne, et la confidentialité des données et des informations traduites automatiquement n’est pas encore garantie.

Les traductions générées automatiquement sont correctes, mais il ne s’agit ni plus ni moins que de phrases préexistantes qui lui ont été enseignées. Pas de créativité, pas d’originalité, pas de sortie du cadre.

Sans compter que l’outil d’IA est plus performant pour certaines langues couramment utilisées, comme l’anglais, l’espagnol, l’allemand. Mais essayez de traduire un texte d’hébreu en français avec un outil de traduction automatique grand public : vous obtiendrez un texte truffé d’erreurs !

Même les traducteurs littéraires sont touchés par cette folie de l’IA. La traduction de romans par l’intelligence artificielle est envisagée, mais pour l’instant, la machine bute devant les figures de style et la capacité à retranscrire le style d’un auteur. Certains livres scientifiques peuvent correctement être traduits par IA. Comme demain, ils pourront être entièrement rédigés par un outil d’écriture automatique.

J’en suis persuadée (ou est-ce un mantra ?) : les entreprises vont utiliser l’IA et l’expérimenter, mais à moyen terme, elles reviendront, au moins partiellement, à la traduction humaine. J’espère qu’à ce moment-là, il existera encore de bons traducteurs, qui n’auront pas été laminés par cette nouvelle révolution industrielle et l’automatisation du travail. En ce qui me concerne, je m’accroche. Mon défi à venir : persuader mes clients actuels et potentiels que la traduction humaine n’est pas encore remplaçable en termes de qualité et de confidentialité des données.

Alea jacta est. Ave Cesar, morituri te salutant. Deus ex machina. Veto. Audaces fortuna juvat.
Je vous laisse traduire avec ChatGPT !

Isabelle VULLIARD
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16/02/2025

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