Emeline BESSET (2015 POL) est Substitut du Procureur - Tribunal Judiciaire de Paris.
D’un BAC Scientifique Mention « Sciences de l’ingénieur,
Mécanique et Electronique » à Sciences Po Grenoble
Emeline Besset a grandi dans un village du département de l’Ain. Elle a obtenu un Bac S mention Sciences de l’ingénieur, Mécanique et Electronique. Cela ne correspondait pas du tout à ses centres d’intérêt mais, comme elle était très incertaine de son orientation, on lui avait dit que c’était une des voies qui ouvraient le plus de portes. « Avec le recul, je ne considère pas cela comme une erreur, car c’étaient de belles années. Même si un bac L aurait peut-être mieux correspondu à mes attentes et à mes centres d’intérêt. »
À la fin du lycée, Emeline Besset a « procrastiné » pour se décider quant à son orientation. Elle a donc fait une prépa en économie au lycée Saint-Just de Lyon. Il y avait des matières assez variées, notamment des maths. Mais c’était plutôt pour s’orienter vers une Ecole de Commerce. « Cela permettait de rebondir vers une voie que je n’avais pas encore choisie. »
Cependant, ce n’était pas un cursus qui aurait pu lui correspondre, contrairement à Sciences Po. Les disciplines enseignées présentaient une plus grande variété, une plus grande compréhension de la société dans ses structures et ses différents ressorts ainsi qu’une orientation professionnelle vers l’intérêt général, à l’inverse des possibilités dans une entreprise. Elle a alors préparé le concours de Sciences Po Grenoble pour entrer en A2, car l’IEP grenoblois était le seul à proposer d’entrer à ce niveau. Elle a été sélectionnée et s’est orientée vers le domaine Politique.
Les débuts à Sciences Po Grenoble
Au début du cursus, elle a perçu un changement
de rythme qui était moins soutenu qu’en prépa. Les
cours étaient « incroyablement enrichissants ».
« À Sciences Po, la variété des enseignements
permet de comprendre les rouages de la société, le décryptage
de l’actualité et la place des individus dans la société
». Elle a particulièrement aimé les cours de sociologie
pour « comprendre les individus à partir du caractère
de leur environnement socio-professionnel ». Cela lui a permis
de « comprendre le rôle de l’Etat et de s’interroger
sur le rôle qu’elle pourrait jouer dans la machine étatique
».
En parallèle, elle a suivi une licence d’économie.
Elle a été motivée par un fort intérêt
personnel mais pas forcément dans une perspective professionnelle.
Elle se sentait capable de mener les deux de front.
Un séminaire marquant
En troisième année, Emeline Besset avait choisi le séminaire Crimes et châtiments, conduit par Jean-Charles Froment et une autre prof ?. Un exposé réalisé dans le cadre de ce séminaire l’a particulièrement marquée. Le sujet portait sur « La peine de mort dans le monde ». Un aspect fût soulevé, qui l’intéresse encore particulièrement aujourd’hui : « ce n’est pas la sévérité de la peine qui permet de réduire le taux de criminalité mais sinon la certitude d’être puni ». « Cette question a continué à me passionner. » Dans le cadre de ce séminaire, elle a réalisé son mémoire sur le Mandat d’arrêt européen, au travers du cas de l’Affaire Aurore Martin. Elle n’avait toujours aucune idée de l’emploi qu’elle aimerait exercer mais « l’idée était là ».
L’intérêt pour le droit et ses enjeux
Elle a donc validé sa licence d’économie,
puis a entamé une licence de droit à distance. «
J’avais adoré même si c’était rude d’arriver
en L3 avec certaines matières. Mais j’ai adoré le
droit pénal ».
Elle n’avait pas aimé le droit public dans son application
alors qu’elle l’avait apprécié dans son enseignement.
« Il y a pour moi moins de sens à s’occuper des
groupes d’individus que des individus eux-mêmes ».
Ce qui l’anime aujourd’hui au quotidien, c’est «
le lien entre les trajectoires individuelles et les grandes notions,
les valeurs qui dépassent les individus, notamment dans les passages
à l’acte. Le magistrat tranche des situations individuelles
diverses au travers de grands principes dans le respect de l’Etat
de droit, de la démocratie et de la justice ». «
C’est finalement une ébullition intellectuelle constante.
» Il existe une vraie réflexion sur les enjeux majeurs pour
les individus et la place de la Justice dans la société.
Trouver sa voie : l’appel de l’intérêt général !
Pour trouver sa voie, Emeline Besset a hésité entre un Master de Recherche de Sciences po, le Master OIG ONG, et le Master Carrières publiques. Elle a choisi ce dernier car l’intérêt général fût pour elle une évidence.
Les stages de Master 1 l’ont particulièrement
marquée et aidée à se projeter. Cela ne s’est
pas fait sans sacrifice : renoncer à partir 6 mois à l’étranger.
« Mais ça en valait la peine ». C’étaient
des stages séquençages. Elle a donc effectué 2 mois
de stage dans un cabinet d’avocat, 2 mois au parquet de Bobigny,
à la Cour d’Appel de Colmar et dans un Cabinet sénatorial
à Grenoble. Face aux trois possibilités - passer le Barreau,
l’ENA ou l’ENM -, elle a réalisé qu’elle
ne voulait pas du tout être avocate. Après ses stages, elle
était certaine de vouloir entrer à l’Ecole Nationale
de la Magistrature.
En 2e année de Master Carrières publiques, elle a entamé
une prépa IEJ. Ce fût pour elle un peu décevant. Pour
compenser, elle s’est investie dans des associations, est allée
effectuer des visites en prison ou elle partageait des moments avec des
détenus, au travers des jeux de société, par exemple.
Elle a aussi contribué à un journal de juriste et s’est
investie dans une ONG où elle a pu prendre la mesure de la diversité
à l’échelon européen. Elle a donc passé
le concours de l’ENM et n’a pas été admise,
« sans en être vraiment surprise ». «
Mais j’étais tout de même contente des résultats
obtenus ! ». L’année d’après, elle
a intégré une prépa de l’IEP de Paris. «
C’était très dur mais passionnant ! Il y avait
de la réflexion, notamment des interrogations sur le sens de la
peine, des procédures pénales ».
Les études à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM)
Elle a repassé le concours et a rejoint l’ENM avec succès. « C’était fantastique. J’étais heureuse d’effectuer un travail qui avait vraiment du sens. Tout le monde était enthousiaste, il y avait une volonté de se rencontrer, une atmosphère bienveillante et propice à l’échange et à la réflexion. » Les cours étaient divisés en deux parties. Certains avaient une dimension très pratique, où il fallait rédiger des rapports d’enquête ou apprendre à diriger une enquête. D’autres portaient sur la justice internationale, avec des thématiques transversales. Il y a eu de nombreuses périodes de stages qui permettent de faire le tour de l’institution judiciaire : trois mois dans un cabinet d’avocat, deux semaines en prison, deux semaines au sein des services d’enquête (police et gendarmerie), deux mois de stage à l’étranger au Pôle Justice du Ministère des Affaires étrangères ou encore dix mois en juridiction. « Le but étant de comprendre le rôle des différents acteurs et les contraintes liées au rôle de magistrat ».
Un début de carrière prometteur et plein de perspectives
Emeline Besset est sortie de l’ENM en septembre
2019. Son premier poste a été celui de Substitut placé,
rattaché à la Cour d’appel. Ce poste se caractérise
par le fait de changer de juridiction tous les quatre mois et de s’occuper
des contentieux. « Ce fût l’occasion de découvrir
des juridictions extrêmement différentes les unes des autres.
Les enjeux, les conditions de travail, les personnes côtoyées,
le quotidien sont vraiment divers en fonction de l’endroit.
»
Depuis un an, elle est en poste fixe à Paris, chargée des
crimes et délits de flagrance, c’est-à-dire de moins
de 48h. Elle occupe souvent des permanences délictuelles de comparutions
immédiates. Dans ce cadre, elle est aussi amenée à
prendre en charge les crimes ou délits sensibles (impliquant des
personnalités ou des lieux célèbres, ou encore des
actes terroristes) commis à Paris.
Plus tard, Émeline Besset aspire à intégrer une section
de crimes organisés. À l’inverse de son poste actuel,
ce sont des enquêtes au long cours. Le champ des contentieux est
également plus restreint. Il concerne essentiellement les filières
de grande ampleur en matière de traite d’êtres humains,
de fausse monnaie, de drogue…
Sa vision des études à Sciences Po Grenoble en tant que diplômée
Emeline Besset définirait les études à l’IEP comme « une culture profonde de l’esprit critique. Elles incitent à la curiosité intellectuelle pour comprendre le monde au travers des disciplines variées telles que l’économie, la sociologie et bien d’autres ». Cela contribue à « forger une ouverture d’esprit. » La culture générale est aussi renforcée, elle permet d’obtenir des « capacités fines de compréhension de la société et de ses rouages. Parfois, il est reproché à cette formation de ne pas être suffisamment professionnalisante. Pourtant, quand on voit les individus qui se sont construits au travers d’elle, c’est quand même beau ! ». Ses amis qu’elle a rencontrés à Sciences Po ont des profils et des professions très variés. « Finalement, tout le monde y trouve son compte. » C’est enfin « une formation très valorisée sur le marché du travail. »
Quelques conseils aux futurs étudiants
« Lire les lectures préconisées, suivre l’actualité, aller dans les associations, débattre dès que l’occasion se présente, et surtout vivre à fond ses années Sciences Po ! C’est l’occasion de rencontres entre des gens qui partagent un intérêt commun dans un cadre unique. Il ne faut pas hésiter à se questionner, s’écouter et avoir le courage de choisir une orientation portée sur la société. »
Portrait réalisé par Charles-Alexandre
FLEURY, étudiant
Afficher
leur courriel
05/12/2022