Alice PFEIFFER (2012 PO - Amérique Latine)
Fondatrice du Facteur urbain
Se présenter auprès des étudiant.e.s actuel.le.s de Sciences Po Grenoble, c’est se poser la question du « parcours »… ce fameux mot enivrant et angoissant à la fois !! Ça tombe bien, le mien est atypique et sinueux, mais source de beaucoup d’inspirations et de joies !
Sciences Po mon amour… Sortie en 2012, diplômée du Master « Amérique latine », et aujourd’hui fondatrice de mon entreprise en urbanisme participatif... Vous me direz… :
Pourquoi ne pas avoir fait le Master Ville, Territoires et Solidarités ?
Aaaaah bonne question !! Parce que ce fameux « parcours » est précisément un chemin, qui se réinvente à chaque pas ! Mon attachement pour l’Amérique latine m’a d’abord conduite à y vivre plus de trois ans, en Argentine et au Chili, en travaillant sur les thématiques des droits humains : coordination d’équipe et gestion de projets à Amnesty International Chili sur les droits des étrangers et réfugiés ; travail de recherche sur la jurisprudence relative aux violations massives des droits humains sous Pinochet à l’Universidad Diego Portales (Santiago) ; travail de recherche sur la justice et la mémoire de la dictature argentine à l’Instituto Espacio para la Memoria…
Donc en sortant de Sciences Po en 2012, tu savais déjà ce que tu voulais en faire ?
Loin de là ! Je savais ce que j’aimais, ce qui m’intéressait, et j’ai suivi ces intuitions ! J’avais fait un double cursus en Droit à l’UPMF durant mes deux premières années de Sciences Po, et je voulais boucler la boucle… J’ai donc intégré le Master « Droit et Pouvoirs Publics », spécialité Droits de l’Homme, à Paris X Nanterre. Une formation passionnante qui est venue m’outiller plus solidement sur le terrain juridique et la compréhension des mécanismes internationaux juridiques et politiques.
Sciences Po, Droit international public… et donc quel rapport avec ce que tu fais aujourd’hui ?!
Un tournant important a eu lieu en 2015 : après
plusieurs années à travailler au Chili dans le droit international
public et l’accès aux droits (des étrangers en particulier),
je suis rentrée en France pour reprendre mes études et «
bifurquer » vers l’urbanisme. Cette nouvelle direction peut
sembler étonnante, mais demeure pour moi très cohérente
: elle est issue d’une prise de conscience du fait que l’accès
aux droits et l’utilisation de l’espace des personnes étrangères
sur un territoire donné se matérialisent quotidiennement
sous la forme d’inégalités socio-spatiales. Plus généralement,
mes années passées à Santiago m’ont conduite
à adhérer à l’idée que « la ville
est un lieu de sédimentation, voire de fossilisation des inégalités,
qui inscrit dans sa structure et ses paysages le produit des rapports
sociaux auxquels elle sert de cadre et de miroir » (Michel Pinçon,
Monique Pinçon-Charlot, Les ghettos du gotha. Au cœur de la
grande bourgeoisie, Ed. Points, Coll. Enquêtes, 2010, p.42).
Agir sur cet état de fait insatisfaisant m’a conduite à
l’urbanisme, pour penser les territoires et réfléchir
à une fabrique de la ville démocratique et inclusive.
C’est tout d’abord au sein du Service Habitat de Rennes Métropole
que j’ai commencé à forger une approche solidaire
du territoire, via le prisme de l’habitat ; c’est aujourd’hui
à travers mon agence, le Facteur urbain que je développe
une approche inclusive, participative – et nécessairement
expérimentale.
Et le Facteur urbain, késako ?!
Le Facteur urbain est la synthèse de ce fameux « parcours » : à la confluence de l’urbanisme, la sociologie, la politologie, le droit public, la médiation et l’éducation populaire (si prégnantes en Amérique latine) !
Le Facteur urbain est spécialiste en ingénierie de la concertation et médiation de projet ; cela signifie qu’il accompagne la maîtrise d’ouvrage (commune, EPCI, aménageur, bailleur social, promoteur…) pour concevoir et réaliser des projets avec des acteurs du territoire trop rarement pris en compte (habitant.e.s, associations, entreprises, commerçant.e.s, institutions éducatives…). Quels types de projets ? Des projets urbains, des stratégies de territoire (telles que la revitalisation des bourgs, la prospective territoriale…), des conceptions d’équipements, des projets de renouvellement urbain, etc. En somme, tout ce qui a trait à la fabrique de la ville et des territoires, pour aboutir à des projets concertés, démocratiques et inclusifs.
Une précision pour les puristes : Le Facteur urbain fonde son accompagnement sur la compréhension de chacun des acteurs d’un projet et sur sa capacité à faire médiation entre eux ; convenons-le, articuler les points de vue et enjeux de l’ensemble des acteurs concernés par un projet et faire médiation entre eux pour faire aboutir des projets satisfaisants et inclusifs n’est pas une mince affaire ; mais ce sont précisément mes différentes casquettes – issues notamment de la conception généraliste de Sciences Po – qui m’aident à y parvenir. Urbaniste spécialiste du développement des territoires, formée à la politologie, la sociologie, le droit public, militante associative de longue date éprouvée au travail de terrain, médiatrice professionnelle spécialiste des conflits de voisinage et du vivre-ensemble, ancienne agente contractuelle dans la fonction publique territoriale, ancienne chercheuse universitaire… autant de casquettes qui fondent la capacité du Facteur urbain à saisir les enjeux politiques, sociaux, économiques, techniques et spatiaux de tout projet territorial, à l’échelle du quartier ou de la métropole.
La médiation de projet se situe donc au cœur
de l’action du Facteur urbain. Se trouve ainsi renouvelé
ce fameux « mode projet » plébiscité par le
monde de la fabrique de la ville, et compris comme allant de soi, mais
malheureusement trop souvent réduit à une discussion d’experts
inaccessible aux bénéficiaires de ces projets : les citoyen.ne.s
!
Ce « mode projet » est questionné et repensé
pour introduire, via la concertation, une maîtrise d’usage
légitime et indispensable, aux côtés des traditionnelles
maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre.
Pour en savoir plus : www.lefacteururbain.fr et « Le Facteur urbain » sur Facebook.
Un dernier message pour les étudiant.e.s ?
La question du choix se pose tout au long du parcours
de chacun.e ; tel cursus ou tel autre ? Tel Master ou tel autre ? Si je
ne rentre pas en « Master OIG/ONG » je ne pourrai pas faire
ce que je souhaite, etc. Je pense sincèrement qu’on est toujours
capable de donner un nouveau cap à nos parcours, à les réinspirer
avec ce qui nous tient à cœur et ce qui fait sens pour nous.
La formation qu’apporte Sciences Po Grenoble, très solide
du point de vue réflexif et critique, stimulant la curiosité
et l’engagement, est un atout majeur pour construire ce «
parcours ». Eclatez-vous dans ce que vous faites et donnez-vous
à fond, et le reste suivra… !
Alice PFEIFFER
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