Thierry Repentin, 1986 SP
La com’ c’est son affaire. Et le logement son combat.
Thierry Repentin, jeune sénateur de Savoie, sait exactement ce
qu’il a à dire lorsqu’on l’interviewe pour
l’association des anciens élèves. Il reçoit
dans le bar du Sénat, à la sortie d’une réunion
du collectif budgétaire sur la loi de finance rectificative.
Il s’assoie d’abord très droit. Au fur et à
mesure de l’interview, il se détend complètement
et on le découvre souriant, la jambe droite repliée sur
le genou, enfoncé dans le canapé de velours. Il s’applique
à prendre la pause pour la photo. Ou à raconter une anecdote
sur les lions de pierre du Sénat pour améliorer l’ambiance.
Il s’adonne même à un bilan de l’entretien.
Peut-être d’autres journalistes l’auraient coincé
sur tel ou tel point technique... Mais ici, il s’agit surtout
de parler du parcours d’un ancien de Sciences Po Grenoble (SP
86) qui s’est démarqué dans la politique locale,
puis nationale, grâce à un intérêt porté
à une question : le logement.
Quelle est votre dernière réussite politique ?
Je viens d’être élu président de l’Union
sociale pour l’habitat (USH), le 10 décembre 2008, avec
33 voix pour et 30 contre. Les pronostics indiquaient que la candidate
Marie-Noëlle Lienemann était la favorite, étant donné
son engagement et son appartenance à l’ancien gouvernement
Jospin. C’est une élection importante pour moi car je tenais
à continuer sous une autre forme mon engagement sur les politiques
de l’habitat.
Comment vous êtes-vous distingué des autres sur
les questions de logement ?
Mon engagement sur le terrain m’a permis de porter au regard des
autres des attentes, comme les corrections à faire dans le domaine
du bouclage financier, les questions administratives, ou les difficultés
dans le droit de l’urbanisme. Il est possible de trouver des solutions
à travers les textes de loi. Aux élections de l’USH,
j’ai donné le sentiment d’avoir une approche concrète.
Le sentiment que bien que la gauche soit minoritaire au Sénat,
nous pouvions avancer dans le domaine des HLM.
Dans tous les votes du Sénat des quatre dernières années
sur le logement, j’ai fait passer des amendements. Pour la Loi
Borloo sur l’engament national, la Loi sur la cohésion
sociale dite loi Debré et la Loi DALO (Droit au logement opposable)
surtout, j’ai proposé 50 à 60 amendements, dont
la plupart se sont transformés en articles. J’ai aussi
impulsé le vote de certaines dispositions en loi de finances,
mais cela passe plus inaperçu. J’ai encouragé la
revalorisation des aides personnalisées au logement – dont
l’APL que touchent beaucoup d’étudiants – alors
que ça n’avait pas été fait depuis quatre
ans. On a fait inscrire dans la loi DALO la revalorisation automatique
de ces aides à chaque premier janvier, alors même que l’arbitrage
ministériel était défavorable à cette mesure.
Il est dommage que la grande presse n’en parle pas, parce que
ça c’est du pouvoir d’achat.
En ce qui concerne la loi Borloo, l’assemblée nationale
avait votée une disposition qui visait à faire entrer
l’accession sociale à la propriété parmi
les 20% de logements HLM (Ndlr : article 55 de la loi relative à
la solidarité et au renouvellement urbains). Même l’Abbé
Pierre, figure hautement symbolique sur ce dossier, était venu
au Sénat pour se prononcer contre cette modification. Contre
toute attente, le Sénat avait rétabli l’article
55 pour 4 voix de plus. Je me souviens même de la date : c’était
le 5 avril 2006. Un vrai succès politique. C’était
aussi le jour de mon anniversaire, quel beau cadeau le Sénat
m’a fait !
Comment avez-vous choisi ce dossier à l’origine
?
C’est un dossier que j’ai approché grâce à
deux opportunités qui m’ont été données.
Une locale en premier lieu : j’ai été nommé
« adjoint chargé de l’urbanisme et de la politique
de la ville » à Chambéry. J’ y ai été
confronté d’emblée car le logement est une des premières
questions que nos concitoyens doivent affronter, juste après
l’emploi et avant même le politique. En second lieu, j’ai
approché ce dossier dans le cabinet parlementaire du ministre
Louis Besson. Si je suis devenu un vrai « spécialiste »,
c’est parce que c’est un sujet d’une telle complexité
que peu d’élus acceptent d’y consacrer le temps nécessaire.
J’ai pu m’imposer grâce à la sincérité
de mon engagement et mon opiniâtreté. Mais ce n’est
pas mon seul domaine de prédilection. Je m’intéresse
aussi particulièrement aux questions de développement
durable et à la montagne bien sûr. C’est un peu parce
que je suis un ancien élève de Sciences Po Grenoble. J’ai
choisi mes domaines de prédilection en fonction de ce que je
vis sur le terrain, donc en Savoie. Mes pratiques influencent mes convictions
et inversement. Je milite donc pour que les parlementaires aient un
mandat local de manière à ce qu’ils soient en prise
directe avec les citoyens.
En situation de crise économique et au regard des positions
du gouvernement, pensez-vous que le logement soit encore un dossier
prioritaire ?
Oui, il peut l’être. En décembre dernier, j’ai
défendu de mon mieux six amendements à la loi Boutin :
un sur l’accession sociale à la propriété,
un sur la TVA dans le secteur du bâtiment au bénéfice
des primo-accédants, un pour la baisse du chauffage urbain, etc…
Quel que soit le contexte, il y a encore des marges de manoeuvre et
des marges financières pour le législatif et l’exécutif.
Le problème, ce n’est pas les fonds disponibles, mais les
postes de dépenses auxquels on choisit de les attribuer. Le gouvernement
a choisi de faire voter la loi TEPA par exemple (Ndlr : Loi en faveur
du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat », adoptée
en 2007 sous le gouvernement Fillon), elle représente un budget
important de 11 milliards d’euros et n’a pas fait ses preuves.
En comparaison, le budget voté pour le logement n’est que
de 50 000 millions d’euros, cela fait une vraie différence
! En matière de chiffres et de choix. Ce qui me motive en politique,
ce sont ces injustices frappantes que je cherche à corriger quand
je le peux.
Léa LEJEUNE
IEP : 2010 PES - Journalisme
Interview tirée du Magazine n°42 (Juin 2009)