Cyril PETIT (2003 PO)
Passion journal(isme)
Tout a commencé par un coup de tonnerre. A la mairie de Saint-Martin d’Hères, rue Ambroise Croizat. Le 21 avril 2002. J’étais alors correspondant local du Dauphiné Libéré. Je couvrais la journée électorale dans les pas de René Proby, le maire de la ville. Il est bien avant 20 heures quand le téléphone de l’élu communiste sonne. Il pâlit. L’impensable s’est produit : Jean-Marie Le Pen sera au second tour face à Jacques Chirac. Ce moment-là est tragique pour moi, jeune étudiant de Sciences-Po, mais il faut faire le boulot. Reprendre ses esprits et raconter pour les lecteurs. Ce dimanche 21 avril 2002, j’en ai désormais la certitude : je serai journaliste. Pour informer.
Ma passion est d’abord celle des journaux (en papier, oui, oui), dont je découpais les articles concernant le club de football de ma jeunesse, le SO Châtellerault, dans la Vienne. Correspondant local de presse au Dauphiné (avec appareil photo argentique et pellicules à déposer au siège du DL dans le centre de Grenoble), j’ai écrit mon premier article (un test) sur le Salon du mariage, puis j’ai couvert des dizaines d’assemblées générales d’associations et autres kermesses. Et même quelques matchs du Grenoble Foot 38, dont je vécus la folle épopée du début des années 2000. Il deviendra mon deuxième club de coeur. Châtellerault, Grenoble, le football vrai, dis-je à mes collègues fans du PSG (quand il gagne).
Après Sciences Po, dont je fus diplômé en 2003 (section politique), j’ai étudié à l’Ecole de Journalisme de Lille, où j’appris le métier dans “la meilleure école de journalisme du monde” (citation de moi-même ;-). J’y ai rencontré mes mentors, mes meilleurs amis et ma future épouse, Soazig. Ce qui explique sans doute notre attachement à l’institution du Nord.
J’ai ensuite travaillé à La Voix du Nord, à Libération, à Jeune Afrique avant d’atterrir, en janvier 2011, au Journal du Dimanche. J’en suis aujourd’hui rédacteur en chef central et secrétaire général de la rédaction. Mes missions : coordonner la rédaction et piloter l’édition papier comme les supports numériques. Mener aussi plein de projets passionnants. Ce que je défends ? Le journal : qu’il soit imprimé, en PDF, ou sur smartphone, ce format a de l’avenir car il permet de hiérarchiser, de contextualiser, ce qui est plus compliqué sur le web et encore moins les réseaux sociaux où tout se vaut. A ce titre, les stories sur Facebook, Snapchat ou d’autres supports constituent une nouvelle forme de journal : le lecteur feuillette, il choisit de tourner la page, il est maître du temps, les infos sont dans un contexte. Ca se tient.
Fervent défenseur des marchands de presse sur qui repose une part de la démocratie, je me bats pour faire reconnaître la valeur de l’info y compris en numérique. Personne ne va dans une boulangerie demander une baguette sans payer. L’information coûte cher à produire, elle a une valeur et donc un coût. Une de mes passions : chasser les copies d’écran illégales d’articles de presse sur Twitter, où il décrypte les évolutions du journalisme et de la presse.
Le JDD est un journal tout particulier. Le seul quotidien qui n’est vendu qu’un jour par semaine. Bouclé dans la nuit du samedi au dimanche, il lance la semaine à venir. Ses lecteurs sont exigeants et accros, qui parcourent parfois plusieurs kilomètres pour acheter leur Journal du Dimanche. L’objectif : que ses infos soient reprises et créent une rupture dans l’actualité. J’en ai vécu des bouclages passionnants, euphoriques ou tragiques. L’adrénaline de l’actualité et la pression de la qualité. Car quand c’est imprimé, c’est imprimé...
Je suis également président de la Conférence nationale des métiers du journalisme car je pense que la formation à ce métier est en perpétuelle évolution et nécessite qu’on y réfléchisse. Même si la technique a de plus en plus d’importance, elle ne doit prendre le pas sur les fondamentaux du métier : culture générale, vérification, contextualisation, narration... J’écris sur les médias dans le JDD, et assure, de temps en temps, une chronique sur la presse (imprimée et numérique) dans “L’Instant M”, l’émission médias de France Inter. Je suis également secrétaire du bureau de l’ESJ Lille (je lui suis redevable pendant encore quelques années vu tout ce qu’elle m’a apporté). Passionné d’information locale, je suis formateur et parcours la France de la presse régionale pour le compte d’ESJ Pro. de Nice à Lille, en passant par Rennes ou Strasbourg, j’adore échanger avec les journalistes sur ce métier passionnant. Chaque année, je viens assurer des formations sur les terres de ma jeunesse, au Dauphiné Libéré à Veurey. L’occasion pour moi, qui cours, ni vite ni trop longtemps, de passer en petites foulées dans les rues de Saint-Martin d’Hères. Devant la mairie et devant l’IEP.
5 conseils à ceux qui veulent devenir journalistes :
- S'informer. Oui ça semble une évidence,
mais lisez, écoutez, regardez. Sur tous les supports, tous les
sujets. Le journaliste est avant tout curieux.
- Ecrire en français. La qualité de l'écriture, de
l'orthographe, de la grammaire ne sont pas négociables, notamment
pour entrer dans une des 14 écoles de journalisme reconnues par
la profession. Même pour ceux qui veulent faire de l'audiovisuel.
- Travailler. Devenez correspondant local de presse. Formez-vous sur le
terrain. Il n'y a pas de petit journalisme. Rien ne vaut l'actualité
locale pour apprendre. Et cela permet de gagner un peu d'argent. Faites
des stages autant que possible.
- Se maîtriser. Le journaliste est une personnalité publique,
notamment sur les réseaux sociaux. Si vous devenez étudiant
en journalisme, vous intégrez déjà le métier.
Vos tweets engagent aussi la crédibilité de votre (future)
profession. Ne partagez rien que vous n'aurez pas vérifié
ou qui ne vient pas d'une source fiable.
- Cultiver ses spécificités. Le journalisme n'est pas réservé
aux titulaires d'un bac L qui ont fait hypokhâgne puis Sciences
Po. Vous êtes spécialiste de sciences, de maths, d'une langue
rare, d'un pays : cultivez ces spécificités ; elles pourraient
vous ouvrir des portes
Crédit photo : Maëlle Fouquenet/ESJ Pro
Cyril PETIT
Afficher
son courriel