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« Fonction : Auteur - Producteur - Réalisateur »

 

Pascal FONTANILLE (1987 SP)

Sorti de Sciences Po Grenoble en 1987, vous avez démarré votre carrière dans la promotion immobilière. Un peu moins de 30 ans plus tard, vous êtes auteur et producteur de séries télé et de téléfilms à succès, comment en êtes-vous arrivé là ?

Par des rencontres. Elles m'ont permis de franchir des étapes, de comprendre ce que je voulais. Entre Sciences Po, la production et l'écriture, il n'y a toutefois pas tant d'écart que cela. C'est à Sciences Po que j'ai découvert mon goût pour l'écriture. Je me souviens, en première année, d'un mémoire demandé par mon professeur d'histoire, Monsieur Lewin, sur l'histoire des droites en France. J'ai travaillé sur Léon Daudet et l'Action française, ce fut un déclic : les heures en bibliothèque, le travail de recherche, la solitude face à l'écriture.

Pourquoi ne pas avoir cherché, en sortant de Sciences Po, un métier en lien avec l’écriture ?

En sortant de l’IEP, mon envie de travailler, de m’investir dans une voie bien définie n'était pas là. J'ai démarré un boulot au Palace. Après plusieurs mois, festifs..., j'ai senti le besoin de me recentrer, de retrouver un vrai boulot. Par un ami, j'ai intégré une société de promotion immobilière. La femme de mon employeur était d'ailleurs elle aussi issue de Sciences Po Grenoble.

Ah ce fameux réseau des anciens !

J'ai fait par ce biais beaucoup de rencontres constructives ! La promotion immobilière, puis hôtelière, m'a beaucoup intéressé, j'ai eu la chance de gérer rapidement de très gros projets, pesant jusqu'à plusieurs centaines de millions de francs, j'ai beaucoup voyagé aux États-Unis notamment. Puis l'arrivée d'un n+1 ne connaissant pas la promotion hôtelière, avec pour mission d'encadrer le junior que j'étais et à qui on confiait de très lourds projets, a compliqué la situation. J'ai alors décidé de quitter l'entreprise pour retrouver l'écriture que j'avais mise entre parenthèses jusqu'alors. C'est vite devenu vital. J'ai commencé chez moi, sans avoir d'idée sur la manière de faire, à qui m'adresser, etc. Encore une fois les rencontres ont été déterminantes : des comédiens, puis des agents, puis des personnes à qui j'ai pu proposer mon travail.

Quel fut votre premier scénario porté à l'écran ?

Une commande pour un long-métrage, que j'ai pu vendre très facilement, par chance, ce qui m'a permis de vivre confortablement pendant plus d'un an, et m'a surtout permis de faire de nouvelles rencontres, là encore. Le métier de scénariste est un vrai métier, pour lequel on n'était pas spécifiquement formé en France il y a 25 ans, contrairement à aujourd'hui où il existe des cursus, à la FEMIS, au Conservatoire Européen d’écriture Audioviselle, (Ceea) à la fac, avec un diplôme de scénariste à la clé. Le contexte professionnel était lui aussi différent : on était alors dans un vrai boum de l'audiovisuel, il y avait beaucoup de commandes. J'ai rencontré des co-auteurs – j'aime écrire à 2, à 3 - et j'ai fait un long-métrage, des dessins-animés, des séries télés, des sitcoms... beaucoup de formats différents !

Comment s'est manifestée votre envie de produire, en plus de l'écriture ?

J'ai découvert le métier de la production en tant que scénariste et directeur littéraire de Sous le soleil, série à travers laquelle j'ai beaucoup appris sur cet autre métier de producteur. Ce fut un second déclic. J'ai eu le désir de pouvoir assumer un projet de l'écriture à sa livraison aux diffuseurs, et producteur est le seul métier qui permet de suivre et de peser sur l'ensemble de la chaîne, le casting, les décors, le choix du réalisateur, du chef opérateur, etc. L'écriture reste un travail limité dans le temps. En France, c'est un héritage de la Nouvelle vague, les auteurs sont souvent les réalisateurs. Dans les pays anglo-saxons, les producteurs sont des scénaristes, davantage que des réalisateurs. Ce n'est que depuis quelques années que cette tradition évolue, sous l'influence des séries anglo-saxonnes. J'ai voulu créer ma société de production, Merlin production, avec mon associé, François Aramburu. On fut alors l’une des premières sociétés d'auteur-producteur.

Quel accueil vous a été fait par le milieu de la production ?

Personne ne nous attendait. "Encore des nouveaux producteurs, vous n'existerez plus dans deux ans !" a-t-on entendu. Mais on a gagné la confiance de TF1 pour une série de 26 fois 52 minutes, et on a appris beaucoup. Puis la commande d'un téléfilm pour France 2 en prime time, qui a rencontré un certain succès, nous a permis d'ouvrir de nouvelles portes et de se lancer dans de nouveaux projets. Proposer le bon projet, au bon diffuseur, au bon moment, c'est toute la difficulté de notre métier.

Parlez-nous de quelques projets marquants que vous avez écrits et produits.

On peut parler d'Un amour à taire, première fiction sur la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le film a rencontré un succès critique et populaire, il a notamment été primé deux fois par HBO aux États-Unis (meilleur film et meilleur scénario), ainsi que dans de nombreux festivals juifs. C'est ainsi que nous l'avons pensé et c'est ainsi qu'il a été reçu : non comme une concurrence des mémoires, mais comme une partie d'une mémoire plurielle, multiple. Le succès rencontré par le film fut une grande satisfaction. On peut aussi parler de Délit de fuite, avec Éric Cantonna, film primé récemment, il a reçu le Laurier 2014 de la télévision et de la radio catégorie Civisme et Grandes causes. Et puis bien sûr, il y a la série Clem, dont l'aventure a débuté en 2008 et la diffusion en 2010. C'était au départ un film, sur une adolescente qui tombe enceinte. On a travaillé avec l’Éducation Nationale, pour mieux cerner le phénomène, beaucoup plus fréquent qu'on ne l'imagine, et qui touche tous les milieux sociaux. C'est devenu une série, avec un message clair, qui n'est pas d'inciter les adolescentes à tomber enceinte précocement, au contraire ! A partir du 2 mars seront diffusés les épisodes 16 à 20. Et on est en développement des épisodes 21 à 25. La série rencontre un vrai succès chez les ados, on le voit notamment à travers les réseaux sociaux. Par une suite de hasards heureux, on finit par toucher du doigt une problématique qui touche les spectateurs et dont ils s'emparent. C'est le bonheur de ce métier, et il n'y a pas de recette pour "fabriquer" un succès.

Et pour la suite, avez-vous des projets en cours, et peut-être l'envie de retenter l'expérience du grand écran ?

Une nouvelle aventure débute, à travers une nouvelle société de production, ayant cédé la précédente au groupe Lagardère. Pourquoi créer une nouvelle société de production ? Pour rester éveillé je crois, pour retrouver des challenges qu'on ne vit plus de la même façon quand on est à la tête d'une société reconnue et prospère. Les clients eux, à savoir les diffuseurs, sont les mêmes. Ils sont 5 ou 6 à pouvoir financer des fictions, car c'est un produit cher pour la télévision. L’éventail des possibilités artistiques est grand, celui des clients est restreint. Quant à l'éventualité du cinéma, quand on a eu la chance en abordant à la télévision des sujets personnels, des sujets pas forcément mainstream, de rencontrer de vrais succès - jusqu'à 9,5 millions de téléspectateurs - on peut s'interroger sur le sens d'écrire et de produire pour le cinéma. Mais encore une fois, c'est une question de rencontres, peut-être qu'une rencontre avec un acteur ou un réalisateur rendra la voie du cinéma évidente.

Ce souci de toucher un large public, c'est d'abord une volonté de l'auteur ou du producteur ?

Je n'ai pas cette vocation d'auteur à écrire pour lui, à ne pas montrer, au contraire. Je veux toucher les gens, rencontrer un public. En tant que producteur, je m'interroge sur le client, quel sera le diffuseur intéressé. Ils sont peu nombreux, mais avec une identité très forte, donc en construisant un projet, on sait qu'il va potentiellement intéresser une chaîne plutôt qu'une autre. Et tous les diffuseurs veulent que leur fiction soit regardée par le plus grand nombre. Cela reste une industrie, il ne faut jamais l'oublier.

Pour finir, avez-vous un souvenir, une anecdote vécue à Sciences Po qui a trouvé une place dans un scénario ?

Il y a en plein ! Mais beaucoup ne sont pas racontable... Ah, on pourrait parler de mon premier film à Sciences Po, en tant qu'acteur. C'est là que j'ai compris que je ne serai jamais comédien. J'ai pris conscience de l'apport de ces études, dans ma vie professionnelle comme en dehors, longtemps après mon diplôme. Je m'en aperçois encore récemment, en tant que président d'une association de protection de l'environnement, je suis content d'avoir fait du droit administratif ! Et il y a tellement d'autres choses. Si ces études ne m'avez pas façonné profondément, je n'en parlerais pas 30 ans après !

Pascal FONTANILLE
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11/02/2015


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