Thomas RIBEMONT, 1997 EPS
Maître de conférences à Science politique et Directeur de l’Institut d’Etudes
Européennes de l’Université Sorbonne Nouvelle – Président d’honneur de
l’ONG Action Contre la Faim
Quel a été ton parcours ?
J’ai obtenu un bac A1 (Lettres mathématiques), en 1993, au Lycée Pothier d’Orléans. Puis, dans le même établissement, j’ai effectué une hypokhâgne option « Lettres modernes » à l’issue de laquelle j’ai présenté les concours des Instituts d’Etudes Politiques. J’ai intégré l’I.E.P. de Grenoble en 1994 dans la section Economie et Politiques Sociales, et j’en suis sorti diplômé en 1997, tout en faisant en parallèle une Licence d’histoire à l’Université Stendhal.
Pour être honnête, je ne savais pas trop ce que je voulais faire en entrant à l’IEP : éventuellement du journalisme, mais tout cela était très flou. Néanmoins, l’IEP m’a apporté un grand enrichissement : de part la variété des cours, l’ouverture d’esprit de nombre d’enseignantes et d’enseignants – j’ai toujours un souvenir ému de Jean-Pierre Bernard, notamment -, la possibilité de travailler sur des sujets assez libres (j’ai par exemple pu faire mon mémoire sur la bande dessinée avec Olivier Ihl), etc. Surtout, je me suis épanoui grâce à la vie associative de l’établissement, en particulier l’équipe de foot du « Lokomotiv IEPG » dont nous sommes encore certains à toujours jouer ensemble dans un championnat à Paris. J’ai aussi adoré ma vie à Grenoble : nous avions un groupe de rock avec lequel nous tournions un peu, j’ai pu y pratiquer le karaté, le ski. Bref, tout en étant relativement sérieux, j’ai pleinement profité de la vie étudiante et des amis !
Comme je ne savais toujours pas trop vers quoi me tourner, j’ai intégré un D.E.A très large intitulé « Science politique, sociologie et communication » à l’Université Paris 9 Dauphine en 1997 au terme duquel j’ai obtenu une bourse pour faire une thèse de doctorat portant sur l’expertise historienne en France de la fin du 19e siècle à la fin du 20e siècle, thèse que j’ai réalisée sous la direction de Dominique Damamme. Cela a été déterminant dans mon parcours et a définitivement orienté mon avenir professionnel.
Pendant ma thèse, j’ai commencé à enseigner à l’Université d’Orléans, comme chargé de Travaux Dirigés en philosophie politique, puis comme Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Université Paris 13 (désormais Université Sorbonne Nord). J’ai aussi intégré des projets de recherche, publié mes premiers articles, coordonné une collection scientifique et participé à divers colloques. La thèse n’a cependant pas été pour moi « un long fleuve tranquille » puisqu’il m’a fallu huit années pour parvenir a enfin formaliser quelque chose. En revanche, par chance, j’ai obtenu dans la foulée de ma soutenance de thèse, un poste de Maître de conférences (MCF) en science politique.
Je suis donc entré dans mes fonctions de MCF en 2007 à l’Université Paris 13, université dans laquelle j’ai pu assurer la responsabilité du Master 1 de relations internationales et du Master 2 « Coopération internationale et ONG », tout en étant, un temps, assesseur du Doyen de ma faculté. Après dix années passées eu sein de cet établissement, j’ai intégré en 2018 l’Université Sorbonne Nouvelle où je dirige, depuis 4 ans, l’Institut d’Etudes Européennes. J’enseigne par ailleurs dans d’autres institutions, comme l’I.E.P. de Paris, l’INALCO, l’I.E.P de Saint-Germain-en-Laye… et, last but not least, depuis 3 ans maintenant, l’I.E.P de Grenoble dans le Master attaché au parcours Politiques et Pratiques des Organisations Internationales. C’est un peu ma madeleine de Proust et l’occasion, toujours heureuse, de revoir Franck Petiteville avec qui j’ai eu l’opportunité de travailler à l’Université Paris 13.
Tu as aussi de nombreux engagements, dans l’humanitaire notamment. Peux-tu nous en dire plus ?
Oui en effet. Au cours ma thèse, déjà, par l’intermédiaire d’une ami, Annick Kayitési, j’ai été pendant deux ans, un compagnon de route du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR), une association, dirigée à l’époque par Alain et Dafroza Gauthier, ayant pour objectif de déférer devant la justice française les personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide contre les Tutsi et qui ont trouvé un accueil sur le sol français.
En 2011, J’ai ensuite été élu au Conseil d’Administration d’une ONG dont j’étais adhérent, Action Contre la Faim (ACF). Dans ce cadre, j’ai d’abord appris à me familiariser avec le travail d’un CA d’une ONG de cette envergure, et j’ai rédigé des rapports, en particulier un, portant sur le lien social au sein de l’association. J’ai ensuite intégré le Comité d’audit et des risques de l’organisation, puis suis devenu président de son Comité éthique. En 2014, j’ai été élu Secrétaire général de l’ONG, fonction que j’ai exercée deux années durant. In fine, je suis passé par un peu toutes les strates de gouvernance de l’ONG si bien, si tu me passes l’expression, que je suis devenu un candidat « naturel » à la présidence de l’ONG. J’ai été élu Président d’Action contre la Faim en 2016, en m’appuyant sur une équipe et un Vice-Président, Pierre Micheletti, lui-même actuel Président de l’ONG. J’ai exercé cette fonction, de manière bénévole, pendant 3 ans. Cela a parfois été difficile mais toujours passionnant. Dans ce cadre, j’assurais les fonctions de représentation de l’ONG auprès de différents acteurs comme l’Elysée, le Ministère de l’Europe des Affaires Etrangères ou d’autre ministères, des Organisations internationales, des autorités locales, ou encore auprès des médias. Mais, comme beaucoup de personnes évoluant dans ce milieu, ce sont les missions de terrain qui ont toujours eu ma priorité. J’ai ainsi pu me rendre dans différents pays d’intervention d’ACF, comme le Bengladesh dans le cadre de la crise des Rohingya, le Tchad, Haïti, le Burkina Faso, etc.
Par ailleurs, toujours de façon bénévole, je suis membre du CA de Coordination Sud, dont j’ai été le Vice-Président de 2018 à 2020. Coordination Sud est la coordination nationale qui représente plus de 170 associations de solidarité internationale en France. Je suis aussi membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), commission pour laquelle je suis rapporteur pour le Droit International Humanitaire (DIH). Mon rôle est notamment de coordonner un groupe de travail dont l’objet est, pour le dire simplement, d’expertiser la stratégie française en matière d’application du DIH.
Enfin, depuis 2021, avec des personnalités comme Didier le Bret, Dorian Dreuil ou encore Lila Durix, nous avons fondé l’association « Rendez les doléances ! », dont j’assure la présidence et dont l’objectif est de pousser le gouvernement à numériser et rendre public l’ensemble des cahiers citoyens issus de Grand débat national.
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui souhaiterait s’engager dans une thèse de doctorat pour devenir enseignant-chercheur ?
Question compliquée… Il faut, en premier lieu, savoir
dans quoi l’on s’engage et pourquoi on le fait car il y a beaucoup d’appelés
et peu d’élus, ce qui peut parfois profondément atteindre psychologiquement
certaines personnes qui n’obtiennent pas de poste et/ou les maintenir
dans une forme de précarité longue. Pour te donner une idée, même si je
n’ai pas les chiffres exacts en tête, il y a environ entre 10 et 15 postes
de Maîtres de conférences publiés chaque année en science politique :
c’est très peu rapporté aux besoins et surtout au nombre d’excellents
docteurs sur le marché. Bref, si l’on se lance dans une thèse, il faut
avoir en tête qu’il faudra non seulement produire une très bonne thèse
mais aussi, dans le même temps, publier dans les bonnes revues, y compris
internationales, participer à des colloques et se forger une première
expérience d’enseignement conséquente. Or, peu de doctorants obtiennent
une bourse pour mener tout ce travail de front. Honnêtement, sans bourse,
cela complique singulièrement les choses. Il y a toujours la possibilité
d’être nommé à un poste d’Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche
mais cela est aussi extrêmement concurrentiel et ne garantit nullement
l’entrée dans la carrière. Reste que l’enseignement et la recherche peuvent
être passionnants. Mon propos n’est donc pas de décourager tes lecteurs
mais juste d’attirer leur attention sur les difficultés possibles d’entrée
dans la carrière universitaire.
Thomas RIBEMONT
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17/03/2022