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« La passion du Service Public et de l’humain »

 

Pierre BISIAUX, IEP Grenoble 1979-1982 (filière service public)

Le choix de l’IEP de Grenoble ?

Quand je suis arrivé en 1979 à Grenoble pour suivre « la première femme de ma vie », prenant connaissance des différentes possibilités d’études supérieures, j’ai opté sans hésitation pour l’IEP en raison de la diversité des matières enseignées, une culture générale au sens large qui correspondait à mon besoin de mieux comprendre le monde et à cette possibilité grâce à la première année généraliste de ne pas choisir tout de suite une filière de spécialisation.

Le choix de la filière service public ?

Rêvant au départ de devenir journaliste, la naissance d’un premier enfant m’incita à choisir pour une voie plus raisonnable au plan matériel. J’abandonnais l’idée de suivre « politique et social » pour la filière « service public » sachant qu’une forte conviction me motivait dans le choix de travailler au service de l’intérêt général.

Le choix du CNESSS ?

La présentation du concours d’entrée au CNESSS (aujourd’hui l’ENSSS) m’incita à inscrire en priorité cette école de formation des cadres dirigeants de la « Sécu » dans mes choix de concours. Tout en assumant une mission de service public, le statut privé des organismes de sécurité sociale (pour les organismes locaux), la présence des usagers à travers les conseils d’administration, le champ des responsabilités et des initiatives me semblaient plus intéressants, en termes d’intérêt professionnel que de travailler dans les administrations d’Etat que je jugeais plus rigides, plus contraintes dans leur organisation jacobine.

Votre premier poste ?

Après le CNESSS, j’ai rejoint la CPAM de l’Eure en 1986 avec la responsabilité de la gestion du risque. C’était au moment du plan Seguin. Au-delà de sa mise en œuvre, de l’analyse des dépenses, de l’animation des instances conventionnelles, j’ai pu réfléchir avec les équipes du centre informatique national (CENTI) qui se trouvait à Evreux à une utilisation plus décisionnelle des informations disponibles dans les bases de données.

Après ce premier poste, vous êtes passé à la CNAMTS ?

Oui, j’ai rejoint la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAMTS) comme attaché de direction de François Poisneuf, responsable de l’ensemble de la gestion (budgets et informatique) des caisses d’assurance maladie. Un poste aux missions variées où je me suis occupé des journées nationales de l’Assurance Maladie, de coordonner la réponse au rapport de la Cour des Comptes sur la politique informatique de la branche maladie entre 1984 et 1988, réponse qui intégrait dans les choix futurs la mise en œuvre de la carte Vitale. Puis j’ai été chef de projet du schéma directeur stratégique informatique de l’Assurance Maladie en 1991, j’ai organisé l’assistance à la maîtrise d’ouvrage des projets informatiques nationaux avant de développer une fonction de conseil auprès des caisses primaires pour les aider, à partir de diagnostics, à améliorer leur fonctionnement (une cinquantaine de missions menées au total ). Enfin, j’ai animé toute la démarche visant à l’époque à engager ces organismes dans une logique de gestion par objectif à travers des projets de développement locaux qui visaient à décliner un projet de branche articulée autour de l’’évolution des missions, des métiers et des outils.

Quels enseignements de cette première période ?

En premier lieu, la conviction que la confiance, l’autonomie, l’esprit d’initiative et « l’amour des gens » sont des éléments clés pour manager une organisation. J’ai eu la chance avec François Poisneuf de travailler avec quelqu’un qui m’a constamment transmis ces valeurs dans son rapport de travail avec moi.
Et puis durant toutes ces années, j’ai travaillé avec plusieurs sociétés de conseils (en particulier KPMG), acquérant une culture, des outils et méthodes qui ont beaucoup complété mon bagage initial et forgé une conviction sur le fait que le service public devait évoluer, en gardant sa singularité, avec le meilleur de ce qui pouvait permettre à l’entreprise privée de gagner en performance sans sacrifier à l’humain. L’humain étant l’élément primordial, la cheville ouvrière d’une organisation. Cette conviction s’est renforcée en suivant, en cours du soir, un DESS à l’IAE de Paris sur le management des ressources humaines, sous l’autorité de Dimitri Weiss. En ne cessant de faire le lien avec ce que j’avais découvert à l’IEP de Grenoble, le fait que toute organisation qu’elle fut une société, une ville, une entreprise, une famille… demandait pour être comprise et transformée une approche systémique et qu’il ne fallait pas confondre les comportements, issus des interactions entre les acteurs et leur environnement, et ces acteurs eux-mêmes. Un cadre dirigeant doit acquérir une culture en ce sens, posséder des outils, lire, prendre le temps, surtout prendre le temps de réfléchir tout en étant réactif, et par-dessus tout avoir de l’humilité et un réel sens de l’humain, non dans un sens d’utilisation ou de manipulation, mais dans le sens de veille, à tous les niveaux, à humaniser pleinement la relation entre les membres de son organisation. Pour tirer le meilleur de chacun.

Après la CNAMTS, vous êtes revenu en Caisse primaire ?

Oui , c’était juste avant le lancement de la carte Vitale en 1997. Il y avait là une opportunité. Devenir directeur-adjoint auprès d’un directeur, Vincent Ravoux, qui avait une vision très « moderne » de l’action publique à un moment qui allait être une formidable occasion de transformation des caisses d’assurance maladie. Tout ce que j’avais appris et proposé au niveau national, surtout dans ma fonction de conseil, je souhaitais le mettre en application en assumant toutes les responsabilités opérationnelles (dans une position de conseil, on ne met pas en œuvre). J’ai pris la direction des prestations. Entre la promotion de la carte Vitale auprès des professionnels de santé, les évolutions dans l’organisation et le fonctionnement des services, la rénovation des modes de pilotage, les enjeux étaient considérables. A cela se sont ajoutées ensuite les mises en place de la Couverture Maladie Universelle, des Plateformes de service pour l’accueil téléphonique, des délégués-conseils auprès des professionnels de santé, de la démarche qualité avec l’objectif de la certification ISO. Autant de grands chantiers gérés en modes projets et sur un mode participatif qui ont été menés à bien en très grande partie avec les personnes qui étaient là à mon arrivée. Preuve que les agents du service public peuvent évoluer à condition d’être bien managés. Ce à quoi j’ai toujours été très attentif.

Et après la Caisse Primaire de Côte d’Or, comment êtes-vous arrivé à l’ARS de Bourgogne ?

J’ai eu des problèmes de santé assez sérieux en 2009 qui m’ont conduit à une longue période d’arrêt et la nécessité de changer de fonction. J’ai d’abord rejoint l’Urcam (organisme s’occupant au niveau régional de la gestion des risques pour les soins de ville, hors hôpitaux donc). Puis avec la loi Hôpital Patients Territoire Santé (HPST), les Urcam ont été intégrées dans les ARS nouvellement crées. Dans le cadre d’un examen de mes aspirations et de ce que j’avais fait jusque-là, on m’a proposé d’occuper une fonction de conseil interne en matière de qualité. Et c’est cette fonction que j’occupe encore aujourd’hui dans le cadre de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté. Avec une mission qui comporte deux dimensions : l’une de favoriser la définition et la mise en œuvre de lignes directrices en matière de fonctionnement général de l’ARS à partir d’écoutes internes, l’autre d’intervenir sur le terrain pour diagnostiquer des situations, préconiser des améliorations, accompagner le management. L’enjeu étant aujourd’hui à ces deux niveaux de bien comprendre que les leviers les plus productifs se trouvent moins dans les réaménagements de structures, l’utilisation d’outils et de méthodes, que dans la capacité à manager le travail et à véritablement développer la Qualité de Vie au Travail en mettant l’humain au cœur des préoccupations.

Toujours la question de l’humain ?

Oui plus que jamais. Dans un contexte d’évolutions, de changements, d’efforts dans la maîtrise de la dépense publique afin qu’elle soit plus efficace et plus efficiente, le facteur humain peut être à la fois un frein s’il n’est pas correctement appréhendé ou un levier notable de performance. Sans transformation en profondeur des modes de management en commençant par les plus élevés (à cet égard une attention accrue devrait être portée à la qualité de formation des cadres dirigeants dans le secteur public et à leurs modes de sélection, trop souvent encore dictés par des considérations politiques), le service public connaîtra de plus en plus de difficultés. Or les évolutions dans les pratiques passent par des évolutions dans les connaissances en ouvrant beaucoup plus à des dimensions autres que les dimensions techniques. Les ressorts psychologiques, sociologiques, la question de l’acteur et du système, l’analyse et la dynamique d’un système ne se traitent pas en une page recto-verso ou un tweet… Or nous sommes dans un contexte où l’immédiateté dans l’action et le résultat prime sur le temps long nécessaire pour appréhender l’humain dans son contexte et réussir à le faire bouger positivement. Je n’oublierai jamais les leçons que j’ai apprises sur les bancs de l’IEP de Grenoble dans les années 1979-1982 où des intervenants d’exception m’ont sensibilisé à tout ceci. Je les en remercie profondément ici. Sans eux, sans leur transmission, une bonne partie de ce que je suis devenu professionnellement n’aurait pu naître et se développer pour que je puisse considérer le travail accompli depuis mon premier poste comme plutôt satisfaisant. Mais j’ai parlé d’humilité tout à l’heure. Alors j’arrêterai là.

D’autres projets en dehors de l’ARS ?

Oui, à court terme un renforcement de mon bagage professionnel avec une formation d’une douzaine de jours sur le management du travail ; l’écriture (j’espère enfin écrire mon premier livre...) ; l’accompagnement de mes enfants vers leur vie d’adulte (mais là aussi en dehors des conditions matérielles, il faut être très humble), témoigner de ce qui m’a aidé dans la période la plus difficile de ma vie ; marcher de Vézelay à Assise et vivre chaque instant avec bonheur comme un moment d’éternité en sachant aimer sans dévorer… (et là c’est peut-être de tous les apprentissages le plus difficile…).

Pierre BISIAUX
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27/09/2017


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