Valentin PERNET (2016 EF), Deputy Head of ESG-Sustainability Research chez ODDO BHF Asset Management GmbH (Düsseldorf).
La crise de la covid-19 et son impact sur la vie des étudiants m’a replongé dans mes souvenirs grenoblois. J’ai ressenti une certaine nostalgie en me remémorant mes premiers pas et mes premières rencontres au sein de l’IEP. J’avais alors 19 ans et venait de terminer mon hypokhâgne à Nancy. J’ai toujours été passionné par les études littéraires souhaitais, au sortir du bac, continuer mes études dans un IEP pour avoir le temps d’esquisser mon projet professionnel. Je considérais mon parcours à l’IEP comme un tremplin futur vers une autre formation. Après une deuxième année partagée entre Grenoble et Constance, l’envie d’explorer un autre parcours académique s’est renforcée. J’étais alors dans la section économique et financière de l’IEP et souhaitais me spécialiser dans une formation plus axée sur les métiers bancaires. J’ai donc intégré le master de finance de l’université Paris-Dauphine après mes trois années grenobloises, dont je garde un agréable souvenir. Ce basculement a été éprouvant car je partais avec un handicap certain en matière de connaissances financières et comptables par rapport aux étudiants dauphinois. Mais c’est aussi dans ce nouvel environnement que j’ai pris conscience des atouts d’une formation à l’IEP : la curiosité intellectuelle et culturelle, le sens du débat d’idée, la structuration de la pensée, la capacité de synthèse de sujets complexes et protéiformes, l’entre-aide, la maîtrise de la langue française… Ma scolarité à Dauphine m’a permis d’acquérir des compétences techniques et informatiques qui ne rentraient pas directement dans le champ d’enseignement de l’IEP. Je considère aujourd’hui que cette double formation se complétait à merveille. J’ai toutefois souhaité retrouver une certaine pluridisciplinarité en master 2. Cette décision m’a conduit à intégrer le master en affaires internationales de Dauphine.
Même si le monde financier m’intéressait, je ne souhaitais pas travailler dans un contexte où les considérations sociales et environnementales étaient sinon bafouées, du moins occultées. J’ai donc exploré les métiers qui tentaient de réunir ces différentes dimensions. Suite à un mémoire sur les obligations vertes, j’ai intégré Mirova, une société de gestion d’actifs basée à Paris, afin de travailler comme analyste en investissement socialement responsable. Cette première expérience professionnelle dans le secteur m’a convaincu de la pertinence du chemin que j’empruntais. J’ai ensuite obtenu mon premier emploi chez ODDO BHF, une banque familiale franco-allemande. J’exerçais le métier d’analyste ESG (environnement, social et gouvernance). Il s’agissait de produire de la recherche sur des thématiques de développement durable et de leurs implications sur les marchés financiers, les secteurs économiques et les entreprises. Je devais ensuite présenter ces études à mes clients. Ces derniers étaient principalement des gestionnaires d’actifs basés en France, Allemagne, Belgique ou au Royaume-Uni et Canada. Ce travail m’a permis d’explorer de nombreux sujets au rang desquels figurent l’analyse de la crise climatique, la gestion des questions énergétiques, le respect des droits humains, la promotion de la diversité en entreprise, la structuration des politiques de rémunération en entreprise ou la définition d’une bonne gouvernance. J’avais par conséquent un champ d’analyse large et un lien avec l’actualité omniprésent.
Après près trois années à ce poste, je ressentais le besoin de vivre une expérience à l’étranger. J’ai profité de la culture franco-allemande de ma banque pour m’expatrier en Allemagne. J’ai rejoint le département gestion d’actifs du groupe et posé mes valises à Düsseldorf, l’un des trois bureaux principaux d’ODDO BHF pour cette activité. J’y exerce toujours comme analyste ESG, mais mon travail n’est plus réalisé pour des clients externes. Je me concentre uniquement sur l’impact des questions de développement durable sur la gestion de nos encours (le département de gestion d’actifs gère 60 milliards d’euros et le groupe 110 milliards au total). Je couvre principalement les secteurs de l’énergie, des matériaux et de l’immobilier et travaille sur différentes classes d’actifs comme les fonds actions et obligataires. Ce métier me permet de rencontrer les entreprises cotées régulièrement pour aborder leur gestion du développement durable. Je dois ensuite surveiller l’alignement de nos produits d’investissement avec une trajectoire bas-carbone et contribué à la bonne gestion des risques extra-financiers. Le métier que j’exerce connaît une croissance exponentielle depuis quelques années. La crise climatique, la pollution, le non-respect des droits humains et toutes les problématiques afférentes ne peuvent plus être occultées. Le changement est lent, mais je vois un point de bascule salutaire auprès des acteurs financiers depuis quelques mois.
Le métier d’analyste ISR/ESG ou en développement durable compte de nombreux étudiants d’IEP. Je pense que le mariage entre problématiques financières et les impacts socio-environnementaux permet à de nombreuses personnes de se reconnaître dans un métier pluriel et pluridisciplinaire. Dans un contexte de concurrence académique mondiale, je pense qu’une double formation académique est un atout indéniable pour commencer sa carrière professionnelle. Cela contribue à élargir le champ du possible. Cinq ans après la fin de mes études, je ne peux que me réjouir de ma vie à l’étranger, de cette culture franco-allemande qui m’a toujours aidé, du dynamisme de mon secteur d’activité et de mes choix académiques. Je n’ai pas remis les pieds à Grenoble depuis 2014, mais je suis toujours l’évolution de l’IEP. La mise en valeur de parcours internationaux, de la professionnalisation des étudiants, de la proximité avec les entreprises, organisations ou institutions, la maîtrise des outils informatiques, la culture du savoir-être et du savoir-faire et la valorisation du réseau personnel et professionel sont autant d’éléments essentiels pour maintenir l’excellence de l’IEP. En ce contexte difficile, je souhaite à chacun de ne pas lâcher prise et de conserver une lueur d’optimisme.
Valentin PERNET
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19/02/2021