Julia Maris, 1996 SP
A seulement 33 ans, le parcours de Julia Maris (SP 96) a déjà
de quoi faire pâlir. Cette jeune maman, multi-diplômée,
spécialiste des questions de défense et d'armement, vient
d'être nommée directrice du marketing du développement
et des relations extérieures à DCI (Défense Conseil
International). Retour sur l'ascension fulgurante d'une femme dans un
monde d'hommes.
Travailler pour une entreprise vendant le savoir faire des armées
françaises à l'étranger, Julia Maris, ne l'aurait
sans doute pas imaginé en entrant à Sciences Po Grenoble
en 1993. A l'époque, elle sait seulement qu'elle sera fonctionnaire,
comme l'étaient sa mère et sa grand-mère avant
elle. « Servir l'Etat avait pour moi une signification très
forte, se souvient-elle, comme une sorte de vocation ». C'est
donc tout naturellement qu'elle choisit la filière SP.
Quand compétence rime avec chance
Elle décide ensuite d'entrer à Sciences Po Paris pour
compléter sa formation. Trois ans plus tard, son diplôme
en poche, elle décroche un poste à la direction des ressources
humaines de la délégation générale pour
l'armement (DGA). Une nomination plutôt inattendue pour la jeune
femme âgée alors de seulement 22 ans. Elle raconte : «
je n'avais pas le profil de l'emploi. J'étais une jeune femme,
civile, de catégorie A, qui arrivait dans un milieu d'hommes,
militaires et relativement âgés. En plus, je ne m'y connaissais
pas vraiment en ressources humaines car j'étais spécialisée
dans l'international. Alors j'ai fait contre mauvaise fortune bon coeur
et chaque fois que l'occasion se présentait, j'essayais de montrer
mes compétences ailleurs ».
Une stratégie qui fonctionne puisque sa maîtrise de l'anglais
est vite remarquée et qu' Alain Richard, alors ministre de la
Défense, lui offre de donner des cours à son secrétariat
particulier. Julia saisit sa chance, fait parler d'elle, et de fil en
aiguille, obtient enfin un poste dans son domaine de compétence
comme chef du bureau union européenne à la direction de
la coopération et des affaires industrielles de la DGA. Un emploi
qu'elle conservera quatre ans avant de reprendre ses études en
entrant à l'ENA en 2003.
« Montrer de quoi on est capable »
C'est à ce moment, plutôt mal choisi du point de vue de
l'ENA, qu'elle attend un heureux événement. Loin de se
laisser décourager, la jeune femme devient même la première
élève enceinte dans l'histoire de l'école à
ne pas redoubler. Elle raconte en souriant : « J'ai repris les
cours six semaines après mon accouchement au lieu des dix réglementaires.
A l'époque, l'ENA était encore à moitié
à Paris, à moitié à Strasbourg. J'avais
donc tout acheté en double pour ma fille que j'emmenais avec
moi à Strasbourg et ramenais à Paris le weekend pour voir
son papa ». Julia Maris souligne d'ailleurs l'importance du soutien
de son mari, présent et associé à chacun de ses
choix. Et avoue que cette expérience intense l'a préparée
pour la suite.
Car après un passage de deux ans en tant que chef du bureau des
affaires juridiques du ministère de la Défense, Julia
est contactée pour devenir auprès de la Présidence
de la République, chargée de missionrapporteur de la commission
qui doit rédiger le livre blanc sur la Défense et la sécurité
nationale. « Tout s'est enchaîné très rapidement,
explique-t-elle. J'ai eu seulement quatre jours pour me décider
à être candidate. Le 17 août à 14h je passais
mon entretien d'embauche. Une heure plus tard, j'étais déjà
en réunion. Nous avons travaillé nuit et jour pendant
onze mois ». Quand on lui demande comment elle a réussi
à tenir face à une telle charge de travail dans un milieu
majoritairement masculin, elle répond avec une simplicité
déconcertante : « Il faut juste savoir faire preuve d'organisation
et de sang froid, d'humilité aussi: être irréprochable
sur ses dossiers et montrer de quoi on est capable ».
Un avenir prometteur
Suite à cette expérience, Julia Maris reçoit pas
moins de 20 propositions d'embauche, et, fidèle à son
goût du risque, choisit de travailler pour DCI, à un poste
tout nouvellement créé.
Elle accède ainsi au troisième rang de cette entreprise
semi-publique, spécialisée dans le transfert du savoir
des armées françaises à l'étranger. Aujourd'hui,
la trentenaire porte un regard lucide sur son parcours : « Je
suis arrivée là où je suis aujourd'hui par des
concours de circonstances, mais qui n'étaient pas totalement
fortuits. J'ai dû faire mes preuves et j'ai réussi à
me démarquer ».
Et lorsqu'on lui demande si elle compte rester longtemps à DCI,
elle répond sans détour : « au moins trois ou quatre
ans, le temps que le poste se consolide. Je n'exclus pas de retourner
au ministère de la Défense ou dans l'administration d'une
manière plus large ». C'est clair : Julia Maris n'a pas
encore fini de faire parler d'elle.
Eléonore Tournier
2009 PES - Journalisme : 2009
Interview tirée du Magazine n°42 (Juin 2009)