Hélène BRAS (1985 SP)
J’ai fait la connaissance d’Hélène Bras à l’île de Pâques, dans un petit groupe de visiteurs un peu spécial. En effet, on ne se rend pas là-bas pour lézarder sur une plage ou passer ses nuits en boite. Ceux qui affrontent les 13 heures d’avion jusqu’à Santiago du Chili, suivies des 4 autres permettant de gagner le royaume des grandes statues en ont plutôt rêvé dès l’adolescence ou à des moments importants de leur vie. Face à nos premiers Moaïs, nous nous demandions : « Tu vois ce que je vois ? », « Tu veux bien me pincer ? Je ne suis pas sûr d’être éveillée ». Les papotages allant bon train, je découvre alors qu’Hélène a fait Sciences Po. Comme moi (à Grenoble, où j’ai suivi mon année préparatoire avant de migrer vers Paris). Qu’elle a eu comme maître de conférence Pascal Perrineau, un de mes amis qui a, par ailleurs, dirigé le Cevipof (laboratoire de Sciences Po Paris) où je suis toujours. J’apprends ensuite qu’elle a fréquenté le lycée de Bonneville (Haute-Savoie) où elle était en classe avec un de mes jeunes cousins. Elle s’y essayait au théâtre, avec Florent Pagny en personne. Comme quoi la Haute-Savoie n’a pas envoyé à la ville que des petits ramoneurs ou des Déménageurs de Drouot. Je découvre surtout, qu’à cette époque, elle habitait dans la commune où se trouve la maison de mes parents. Pendant les vacances, nous aurions pu nous y rencontrer…Mais il a fallu pour cela aller chez les Rapanui, en août 2015.
Hélène est alors avocate à Montpellier. Ce n’était pas sa vocation première. Après l’obtention du bac, en 1981 (« Tous les profs étaient joyeux » dit-elle aujourd’hui, on se demande pourquoi…), elle suit pendant un an, à Paris, des études d’architecture. Puis elle file à Grenoble à la conquête de Sciences Po et d’une licence d’histoire (elle sera doublement diplômée en 1985). Elle garde un très bon souvenir de Sciences Po Grenoble pour ses enseignements et, passionnée de littérature, elle soutient un mémoire sur Patrick Modiano sous la direction de Roland Lewin. Se décidant ensuite pour le droit public découvert à l’IEP, elle opte pour Montpellier où, avec son diplôme, elle entre directement en troisième année de licence. En 1996, elle soutient une thèse de droit public sur « L’évolution de la fonction préfectorale de 1982 à 1995 », dirigée par Dominique Rousseau. Récompensée par le prix de thèse de la Faculté de droit de Montpellier, elle se verra proposer (en raison de son sujet) un poste de sous-préfet. Mais, cette même année 1996, elle obtient le CAPA (Certificat d’aptitude à la profession d’avocat), prête serment et s’inscrit au barreau de Montpellier. Elle ne s’arrêtera plus. Malgré une activité soutenue, elle empile les diplômes, avec des spécialisations en droit public et en droit de l’environnement, jusqu’à un certificat en matière de produits phytopharmaceutiques pour prendre la mesure des pollutions chimiques (2015). Tout en intégrant un important cabinet d’avocats, elle enseigne, publie dans des revues de droit de l’environnement et de droit administratif, dans Mediapart, et participe à des colloques. Depuis 2018, elle exerce en solo à Montpellier. Informations qui ne rendent toutefois pas compte de la richesse et de la complexité de ses interventions illustrée par l’adage selon lequel « le droit mène à tout à condition d’en sortir ».
Pendant dix ans (2005-2015), elle a beaucoup exercéen Corse, s’occupant du droit de l’urbanisme, des marchés publics, du démontage des maisons bâties sur le littoral…inconstructible, ce qui lui a valu un temps de bénéficier d’une garde rapprochée. Un travail « un peu spécifique » reconnait-elle, car « le droit est perçu différemment selon les latitudes, il existe une approche régionaliste des normes juridiques ». Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites…
Hélène exerce aussi ses talents en Nouvelle-Calédonie. En tant qu’avocate des Kanaks, elle participe aux négociations pour l’échange de massifs miniers, ledit échange ayant été posé comme préalable par le FLNKS à la signature des accords de Nouméa (1998) et travaille à cette occasion avec Raphaël Pidjot (EF 1984) disparu trop tôt. Elle continue aujourd’hui à veiller sur les intérêts de collectivités territoriales calédoniennes.
Elle est également l’avocate de José Bové et des paysans du Larzac. Le Larzac, une vieille connaissance, car, en 1997, le cabinet dans lequel elle entre défend cet endroit mythique. Elle plonge dans le procès du démontage du MacDo de Millau en 1999. Elle est plus tard chargéedu dossier des gaz de schiste etobtient l’interdiction la fracturation hydraulique (2011) comme elle a obtenu la suspension des essaisd’OGM en plein champ dans le Gers et ailleurs quelques années plus tôt. Elle est encore l’avocate des riverains et pêcheurs des Calanques de Gardanne qui se battent contre la pollution résultantdes boues rouges déversées en Méditerranée et contre l’usine qui les déverse. Un autre combat présent et à venir.
Très sensible aux questions de santé publique avant même qu’elles accèdent au 1er plan de l’actualité et du débat public, elle a travaillé sur la problématique des désherbants et plus généralement de la chimie dans l’environnement et dans l’agriculture. Dans le même temps, elle a développé une expertise dans ledomainedes labels, des appellations d’origine et des indications géographiques, notamment dans le domaine du vin. Ce qui lui a permis de défendre les productions viticoles méridionales, mais également celles de la vallée du Rhône et de la Savoie.
Tout en poursuivant sa pratique du droit des collectivités
territoriales en métropole et en outre-mer, Hélène
Bras a ainsi développé une activité en droit de l’environnement
dans les domaines les plus variés et dans les lieux les plus inattendus,
ce qu’elle n’aurait pas soupçonné en entrant
à l’IEP. Bien des affrontements en perspective pour cette
avocate rencontrée à l’autre bout du monde. Mais que
cela soit dit, une fois pour toutes, en paraphrasant Charles Quint : «
Le soleil ne se couche jamais sur les terres de Sciences Po » .
Hélène BRAS (Interviewée par
Janine MOSSUZ-LAVAU)
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16/01/2020