Léa DOUHARD, CPI (2014).
Fraîchement diplômée du master Communication Politique et Institutionnelle, Léa travaille depuis 1 an au Conseil National du Numérique (CNNum), commission consultative indépendante ayant pour mission de formuler et de rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie. Il peut être consulté par le Gouvernement sur tout projet de disposition législative ou réglementaire dans le domaine du numérique, ou bien s’autosaisir.
Startup administrative
Bercy, cet immense complexe formé de sombres dédales de couloirs en moquette verte ou bleue; et perdu au milieu de ce labyrinthe austère, une porte maculée de stickers de la FrenchTech, de la concertation numérique, du SXSW, de soutien à Edward Snowden… Bienvenue au Conseil national du numérique ! Cela fait un peu plus d’un an que j’ai posé mes affaires dans cet open space joyeux où la moyenne d’âge ne dépasse pas 25 ans et où l’organisation est horizontale, participative, agile, bien loin de ce qu’on pourrait imaginer d’une administration « classique ».
Lors de mon entretien de stage on m’avait bien prévenue : « ici, il faut sans cesse être force de propositions, aller à la rencontre du terrain, identifier et solliciter des experts, entrepreneurs, acteurs de la société civile, savoir travailler vite, dans l’urgence, tard… On fonctionne un peu comme dans une startup ! ». Ce fut l’élément déterminant dans le choix de mon stage de fin d’études : un stage « challenging », dans une jeune administration (1er CNNum crée par N. Sarkozy en 2011, renouvelé par F. Hollande dans sa version 2 en décembre 2012) libérée du poids de la hiérarchie, qui me permettrait d’avoir de vraies responsabilités, d’exprimer mes idées et de me construire un vrai réseau.
Après six mois de stage intensifs, mon diplôme de master en poche, on m’a proposé de rester travailler dans l’équipe. Ma mission en tant que rapporteur au Conseil national du numérique est très protéiforme. Dans la même journée je peux passer de la gestion d’un événement à une réunion avec des cabinets ministériels en passant par la rédaction d’articles, éléments de langage, notes techniques. Il m’arrive même de taper quelques lignes de code ! Une startup administrative on m’avait dit...
Pour des politiques publiques et des décideurs connectés (à la réalité)
Avec un peu de recul, je réalise que cette mission découle des motivations développées tout au long de mon parcours. Lorsque j’étais au lycée, en ZEP, j’ai vu arriver les réformes d’éducation prioritaire, la discrimination positive, le fossé des inégalités sociales, la réalité du décrochage scolaire… Mon très fort intérêt pour ces questions d’éducation que je vivais au quotidien m’a poussé à passer le concours d’entrée à Sciences Po Grenoble en “accès direct” après une année en Hypokhâgne B/L où certaines absurdités de notre système scolaire et universitaire m’avaient encore davantage frappée... Lorsque j’ai postulé pour le stage au CNNum, je savais que des travaux sur l’éducation étaient en cours. J’ai donc eu la chance de travailler pendant 10 mois sur le rapport “Jules Ferry 3.0 : bâtir une école créative et juste dans une monde numérique”. A cette occasion, j’ai rencontré plus de 150 acteurs tout milieu confondu mais tous acteurs de la révolution numérique de et par l’école (enseignants innovants, industriels, startups, administrations, chercheurs, étudiants…).
C’est justement l’une des missions du CNNum : pousser les différentes parties prenantes à communiquer, à collaborer, à co-créer des solutions. A cette fin, nous organisons des concertations régulières, au niveau national et territorial, avec les élus, la société civile et le monde économique. Car c’est bien cela que le numérique met en exergue : l’explosion des frontières, des disciplines, des barrières idéologiques entre public, privé; business, social; entreprise, université, grandes écoles…Ce monde en silos est bouleversé par le numérique qui permet le croisement des savoirs, des compétences, des projets, des informations, ce qui stimule l’innovation et la prise de risque.
Arrêter le Grenoble-bashing
Comme la plupart des grandes écoles, Sciences Po n’échappe pas à la règle de ce monde en silos. A l’heure où nous, étudiants et jeunes diplômés, passons “en mode agile”, pouvant suivre les plus prestigieux cours de Harvard ou de Standford gratuitement en ligne via des MOOCs, s’engageant en parallèle de nos activités (études ou travail) dans des startups, flânant dans les espaces de coworking et les fablabs, créant notre propre réseau grâce aux plateformes sociales sur le web, etc., il est frustrant de ne pas retrouver dans notre environnement scolaire cet appel à l’innovation, au partage, aux projets communs, bref, à l’ouverture au-delà des murs de Sciences Po…
Pourtant, Grenoble est un territoire exemplaire en termes d’innovation. Berceau de la démocratie participative, pôle d’excellence technologique, pôle universitaire et de recherche renommé, et aujourd’hui labellisé “métropole FrenchTech” dès la première vague! C’est en quittant Grenoble que j’ai réalisé toutes ces opportunités, dont on ne profite pas assez à l’IEP alors qu’il y aurait énormément de projets motivants à monter. Dans le cadre de la concertation nationale sur le numérique que le CNNum anime depuis octobre dernier sous l’impulsion du Premier Ministre, j’ai donc repris contact avec Grenoble via cet écosystème innovant regroupé sous les couleurs de “Digital Grenoble”, qui a d’ailleurs mené en dupex d’un de nos événements organisé au Conseil de l’Europe le 9 janvier dernier, un atelier sur le cyberterrorisme.
Cette concertation organisée autour de 4 thèmes (Croissance, innovation et disruption, Loyauté dans l’environnement numérique, Transformation numérique de l’action publique, La société face à la métamorphose numérique), vise à nourrir le futur projet de loi numérique, renforcer la feuille de route numérique européenne et notre stratégie à l’international. Elle s’articule autour d’un débat contributif en ligne ouvert à tous, de rencontres en présentiel et d’ateliers-relais organisés partout en France. Déjà beaucoup d’écoles contribuent (TelecomParisTech, Sciences Po Lille, ESSEC, les universités de Perpignan, de Nantes, de Paris Ouest Nanterre et même la Conférence des Présidents d’Université…). Et je suis sûre que Sciences Po Grenoble, ses étudiants, ses enseignants, ses chercheurs, ont également leur mot à dire!
Sources :
Site du Conseil national
du numérique
Site de la
plateforme de consultation pour l’ambition numérique de la
France
Rapport
Jules Ferry 3.0, bâtir une école créative et juste
dans un monde numérique
Léa DOUHARD
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