Marc
BENAVIDES, inspecteur principal des finances publiques.
SP 1990
Marc, selon la légende, tu as voulu devenir inspecteur des impôts à 5 ans ?
C’est un peu exagéré, j’avais
7 ans en fait ! Non, j’avais une vraie vocation à cet âge
là : devenir cheminot. J’ai dû l’abandonner vers
15 ans en raison d’une vue insuffisante pour conduire des locomotives.
Je n’avais pas d’autre vocation. J’ai donc poursuivi
mes études sans idée précise de ce que je voulais
faire. C’est sans doute pour cela que j’ai toujours privilégié
des filières assez générales, pour ne pas avoir à
choisir trop vite en risquant de m’enfermer dans quelque chose qui
ne me convenait pas. Après un bac B (ES aujourd’hui), j’ai
fait l’IUT GEA (Gestion des Entreprises et des Administrations)
à Grenoble. C’est à partir de ce moment là
que j’ai envisagé sérieusement de travailler pour
le service public d’Etat.
La 2ème année proposait une section service public, que
j’ai intégrée, et qui constituait déjà
une 1ère préparation aux concours. Je suis ensuite rentré
à l’IEPG directement en 2ème année, toujours
dans la section service public.
Diplômé en 1990, j’ai fait une brève apparition
à la Prép’ENA. Dans un éclair de lucidité,
j’ai vite senti que j’étais un peu juste, et j’ai
passé alors quelques mois au CPAG, avant de m’inscrire aux
concours d’inspecteur des impôts, du trésor, et des
douanes en 1991. En raison de problèmes de santé, je n’ai
pu passer que celui des impôts, que j’ai réussi.en
1991.
Parle-nous de la Direction générale des finances publiques
(DGFIP).
C’est une administration toute jeune, encore un
peu méconnue sous ce nom. Elle est née de la fusion en 2008
de deux administrations en revanche séculaires, complémentaires
et que tout le monde connaît : la direction générale
des impôts (DGI) c'est-à-dire l’administration fiscale
d’une part, et la direction générale de la comptabilité
publique (DGCP), plus connue sous le nom de « Trésor Public
» d’autre part.
Cette nouvelle entité a repris l’intégralité
des missions des deux administrations fusionnées, à savoir
:
- pour la filière fiscale : l’établissement, l’encaissement
et le contrôle et le contentieux de l’impôt, auprès
des contribuables particuliers et professionnels ;
- pour la filière gestion publique : le contrôle et le paiement
des dépenses de l’Etat et des collectivités locales,
la tenue de la comptabilité publique, ainsi que le conseil financier
et fiscal aux collectivités locales.
Comme la plupart des réformes de l’Etat depuis 10 ans, la
mise en place de la DGFIP avait pour double objectif d’améliorer
le service rendu aux usagers, tout en maîtrisant les coûts.
Il s’agissait d’une part d’offrir un guichet fiscal
unique (déclaration, paiement, réclamations) aux particuliers,
de proposer de nouveaux services financiers et fiscaux aux collectivités
locales, et d’autre part de réduire les dépenses,
notamment par des suppressions d’emplois, en remplaçant deux
administrations par une seule.
Ces deux objectifs ont été atteints, Le deuxième
est d’ailleurs reconduit chaque année, de manière
légitime au regard de la situation actuelle des finances publiques,
même si l’on se peut se demander où se situent les
limites des réductions d’effectifs, à périmètre
d’action constant.
En définitive, la DGFIP demeure aujourd’hui la plus grande direction du Ministère de l’Economie et des Finances, et regroupe un peu moins de 120 000 agents dans 5 000 services répartis sur l’ensemble du territoire. Elle emploie également des agents en missions à l’étranger dans le cadre de mission de coopération notamment.
Explique-nous un peu ton parcours.
Je suis un pur produit de l’ex direction générale
des impôts, et j’ai fait l’essentiel de mon parcours
dans le contrôle fiscal. D’abord comme inspecteur vérificateur,
pendant une dizaine d’année, en région parisienne
et à Lyon, puis comme chef d’une brigade régionale
de vérification pendant 4 ans lorsque je suis devenu inspecteur
principal.
Depuis 2 ans, je me suis retiré de ce domaine passionnant mais
usant pour travailler en tant qu’adjoint de la directrice des affaires
juridiques à la Direction régionale des finances publiques
à Lyon, où j’ai découvert de nouveaux horizons.
Plus précisément, en quoi ont consisté tes différents emplois ?
J’ai commencé en 1994 en tant que vérificateur
en Direction de contrôle fiscal (DIRCOFI). Je réalisais des
contrôles sur place (vérifications de comptabilité)
d’entreprises régionales. Métier difficile mais passionnant,
qui impose de nombreux déplacements et la gestion de situations
potentiellement conflictuelles, une bonne organisation dans la mesure
où l’on réalise en général plusieurs
contrôle simultanément. Cette expérience m’a
beaucoup appris. Il faut avant tout faire preuve d’une grande rigueur
dans l’identification et l’examen des faits, avant d’entamer
une analyse juridique et fiscale des opérations présentant
potentiellement un risque fiscal (méconnaissance de la loi ou fraude
délibérée). Discernement, impartialité et
objectivité sont indispensables à tous les stades d’un
contrôle, en veillant à ne jamais perdre de vue les faits,
et à adapter son raisonnement à la réalité,
et non l’inverse. Le dialogue avec le contribuable est essentiel
pour recueillir les informations et documents permettant de valider ou
non la régularité des opérations examinées,
et le cas échéant pour expliquer les irrégularités
constatées qui donneront lieu à rectifications, et éventuellement
à sanctions. Enfin il faut également savoir faire preuve
d’une certaine autorité en présence d’attitudes
non coopératives, qu’il s’agisse de simples manœuvres
dilatoires ou de comportements agressifs, ces derniers étant au
demeurant plutôt rares.
Ensuite, je suis devenu chef d’une brigade régionale de vérifications,
où j’étais en charge de l’animation et de l’encadrement
d’une équipe d’inspecteurs vérificateurs. Concrètement
j’assurais le suivi de tous les contrôles fiscaux qu’ils
réalisaient, depuis les travaux préparatoires et la définition
des axes de contrôle, en passant par la supervision des interventions
sur place, jusqu’à la réception éventuelle
des contribuables vérifiés dans le cadre du recours hiérarchique.
Ce métier impliquait également un soutien technique et méthodologique
important auprès du service, et un gros travail de visa de toutes
les pièces de procédure du début à la fin
des contrôles, afin de sécuriser juridiquement les opérations
et garantir les droits des contribuables.
Aujourd’hui, je suis inspecteur principal des finances
publiques à Lyon, à la division des affaires juridiques
de la Direction régionale des finances publiques de Rhône-Alpes
et du Rhône.
Mes missions sont de trois ordres : le contentieux fiscal, notamment juridictionnel
avec le visa des mémoires devant le Tribunal administratif, le
rescrit, procédure en plein essor qui permet aux contribuables
d’interroger l’administration, avant la réalisation
d’une opération ayant des incidences fiscales, afin qu’elle
valide celles-ci et leur apporte une sécurité juridique
pour l’avenir, et enfin les questions complexes de fiscalité
commerciale des collectivités locales. Ce denier point est totalement
nouveau pour moi et résulte directement de la fusion et de la mise
en place de la DGFIP. Les collectivités locales sont demandeuses
de conseils sur les règles fiscales applicables à certaines
des opérations qu’elles envisagent de réaliser, notamment
en matière de TVA immobilière, du fait de leur complexité.
Enfin, je donne également des cours de fiscalité à
l’Université Lyon III.
Que dirais-tu à un étudiant qui serait tenté par une carrière à la DGFIP ?
Tout simplement que c’est une administration qui
propose une variété de métiers, d’implantation
géographique et d’évolutions professionnelle qu’à
mon avis peu d’administrations d’Etat peuvent offrir.
Même si j’ai évoqué essentiellement le contrôle
fiscal, et le métier en brigade de vérifications, qui est
le domaine que je connais le mieux, je tiens à souligner qu’il
ne s’agit que d’une partie de l’action de la DGFIP.
Cette administration offre une large palette d’autres métiers
qui peuvent convenir à des profils très variés, tant
dans la filière fiscale (services des impôts des particuliers,
des entreprises, pôles de contrôle et d’expertises,
cadastre) que dans la filière gestion publique (services comptabilité
de l’Etat, dépenses de l’Etat, centre des finances
publiques en charge de l’animation et de l’expertise dans
le secteur public local ) sans oublier les fonctions dites « support
» (services des ressource humaines, de la formation professionnelle
ou du budget-logistique).
Quel souvenir gardes-tu de Sciences PO Grenoble ?
Je crois d’abord que j’ai eu une double chance
: celle d’avoir des parents qui m’ont permis de faire des
études, et celle d’avoir pu intégrer Sciences PO Grenoble.
Mon père a été le 1er de sa famille à savoir
lire et écrire. Issu d’un milieu très modeste, et
sans soutien, il n’a cependant pas pu poursuivre ses études.
Ca ne l’a pas empêché de réussir sa vie professionnelle,
et d’écrire des livres, mais il a gardé ce regret.
Avec ma mère, il a toujours veillé à ce que nous
puissions étudier dans les meilleures conditions, sans nous imposer
une filière, mais en m’évitant des erreurs d’aiguillages.
Je n’ai jamais autant travaillé au cours de mes études
que pour préparer le concours d’entrée en 2ème
année à Sciences PO Grenoble. Ce cursus à base d’histoire,
de droit public et d’économie, correspondait exactement aux
études que je souhaitais faire et je n’ai vraiment pas été
déçu.
L’acquisition d’une méthode de travail, le développement
de la culture générale, du sens critique, des aptitudes
à l’expression écrite et surtout orale, m’ont
beaucoup servis par la suite.
J’étais d’un naturel assez timide, et plutôt
angoissé à l’idée de faire un exposé,
et plus généralement de prendre la parole en public. Cela
me contraignait à un gros travail de préparation pour limiter
au maximum la place de l’improvisation et des aléas associés,
tout en ayant l’air naturel, alors qu’aucun exercice ne l’est
moins, en tous cas pour moi. C’en était même devenu
un sujet de plaisanterie.
Grâce à l’IEP j’ai beaucoup progressé
en la matière. Aujourd’hui à 45 ans, ça va
mieux et il m’arrive même de trouver ça agréable
!
Et puis bien sûr, au delà de la formation en elle-même,
je garde un excellent souvenir de mes groupes de la section service public
de 2ème et 3ème année. Même si les liens noués
à l’époque se sont distendus pour tout un tas de mauvaises
raisons (éloignement géographique, paresse à prendre
des nouvelles), je garde un souvenir très précis de chacun.
Depuis, j’ai toujours plaisir à suivre le parcours des uns
et des autres, grâce au journal de l’association notamment.
Je me souviens des discussions interminables dans le patio, au printemps
: on avait l’impression que tout était possible et c’était
très agréable.
Petit message personnel à celles (et aussi ceux) qui liraient ce
portrait : je ne vous ai pas oubliés !
Et en dehors du travail ?
Je m’impose une hygiène de vie rigoureuse : je m’astreins à ne pratiquer aucun sport, et je me consacre à l’étude, de la gastronomie lyonnaise notamment.
Ca ne se voit pas trop…
Merci !
Dernière question rituelle : si tu avais un seul message à adresser aux actuels étudiants de Sciences PO Grenoble ?
Comme l’IEP m’a aussi appris à savoir
sortir du cadre, j’en délivrerai deux :
PROFITEZ-EN… et CROYEZ EN VOUS !
Marc BENAVIDES
marc.benavides@dgfip.finances.gouv.fr
19/03/2013