Diplômé en 1993 (section Service
public), Jean-François Ducoing est maintenant directeur de la régulation
de SNCF Réseau.
SPG : Jean-François, Sciences Po Grenoble pour toi, ça remonte au tout début des années 1990. Un peu loin déjà donc mais peux-tu nous dire quelques points qui t'ont marqué de ces trois années de scolarité ?
JFD : c'était trois années intenses côté
scolarité, avec beaucoup de choses à apprendre et à
découvrir, notamment en culture générale et histoire
: je n'avais pas fait de prépa et sortait directement d'un petit
lycée ardéchois, qui "fournissait" peu de candidats
aux concours des IEP. J'étais d'ailleurs le seul de ce lycée
à avoir passé (et réussi) le concours d'entrée
à un IEP. Ce furent donc beaucoup de découvertes, aussi
en termes de méthodes de travail. Je me souviens aussi et bien
sûr de professeur(e)s marquants ; je garderai pour moi les noms,
sauf celui de Roland Lewin, professeur d'histoire contemporaine, maintenant
décédé et dont tous les étudiants de la première
année se souviennent certainement : un cours passionnant sur la
montée du nazisme en Allemagne, un engagement total !
Et trois années très riches aussi en découvertes
amicales, que j'ai conservées pour certaines.
Ce qui faisait le tout, c'est la très forte politisation qui entourait
les études et les relations d'amitié. Peu de temps après
la chute du mur de Berlin et la fin du bloc soviétique, au moment
de la première guerre internationale contre l'Irak puis du référendum
sur le traité de Maastricht, les occasions de débat, de
conflit ou de convergence entre élèves, professeurs et amis
ne manquaient pas !
SPG : beaucoup de politique alors ! Pourquoi donc avoir choisi la section Service public puis une entreprise publique ?
JFD : le droit public entrait bien dans mes cordes professionnelles,
je laissais les sujets politiques à mes activités personnelles...
Et puis, la haute administration et le service public m'ont toujours attiré,
probablement parce que c'est une façon plus discrète que
la politique de participer activement à la "chose publique",
ce qui est une vocation chez moi.
La suite était "sans surprise" : une Prépa ENA,
à Sciences Po Paris, avec d'ailleurs trois amies de Sciences Po
Grenoble (encore de belles années étudiantes), mais un échec
au concours d'entrée à l'ENA (je n'en n'ai pas tenté
d'autres). Puis le service militaire, un DESS et la recherche d'un poste,
dans le secteur public de préférence donc.
Je suis entré à RFF (Réseau ferré de France,
aujourd'hui nommé SNCF Réseau), en 1999, à la faveur
d'un stage au Conseil général des ponts et chaussées,
auprès d'un ingénieur général qui m'a ouvert
les portes vers RFF : une preuve de l'importance des stages et des opportunités
qu'ils offrent !
SPG : RFF, la SNCF, le chemin de fer en général, c'est beaucoup de techniques et donc d'ingénieurs. Quel a été ta motivation pour tenir aussi longtemps dans ce milieu ?
JFD : le chemin de fer et sa technicité, c'est
justement, avec le service rendu à la société, ce
qui m’attire et me plaît : un univers de complexité,
dans tous les domaines et à tous les niveaux de l'organisation,
mais pas que dans la technique justement : l'économie et le droit
des chemins de fer par exemple sont assez difficiles à comprendre
et à faire évoluer, surtout dans un contexte d'ouverture
du réseau à la concurrence. Ça ouvre l'appétit
aux curieux et donne des chances à ceux à qui ont appris
à prendre du recul et à regarder les sujets avec de plus
larges perspectives ; et c'est quand même bien ce que l'on apprend
à Sciences Po.
La motivation vient de là et de la diversité des dossiers
et projets auxquels j'ai participé, depuis 18 ans maintenant :
projets et organisations internationales, grands projets d'infrastructures,
ouverture à la concurrence, relations "fraternelles et fratricides"
avec la SNCF, réforme ferroviaire de 2014 qui a complètement
transformé la vieille et bien connue SNCF, qui en réalité
n'existe plus...
SPG : et maintenant, en quoi consiste ta fonction de directeur de la régulation à SNCF Réseau ?
JFD : c'est une fonction généraliste, consistant à organiser les relations entre SNCF Réseau et l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Cette autorité, assez jeune, contrôle toute l'activité de l'entreprise (elle-même assez jeune dans sa forme actuelle d'ailleurs), ce qui nécessite de bien la connaître et de comprendre et maîtriser les dimensions techniques, économiques et juridiques de notre activité de gestionnaire d'infrastructure ferroviaire pour pouvoir les exprimer auprès du régulateur.
Cette fonction est très liée à la direction générale de SNCF Réseau, les sujets de régulation (tarification de l'usage du réseau, financement du réseau, modalités d'accès au réseau et aux diverses installations...) touchant directement à la stratégie économique, commerciale et industrielle de SNCF Réseau. Le président de SNCF Réseau a d'ailleurs récemment instauré un comité de la régulation, qui réunit autour de lui les principaux dirigeants de l'entreprise pour instruire et décider sur ces sujets ; et je suis par exemple chargé de préparer les séances de ce comité auquel je participe. Toujours sur un plan concret, je dirige une petite entité d'une vingtaine de personnes, des économistes (la fonction économique participe au largement à la stratégie d'une entreprise), des juristes et des profils plus généralistes. J'assure aussi les relations avec les directions de l'Arafer, prépare les auditions devant le régulateur avec les dirigeants concernés de SNCF Réseau et y participe également.
C'est un travail très riche, avec un champ de vue assez large, mais assez difficile : le régulateur n'est pas là pour nous "donner des bons points" et il est bien au contraire très (trop ?) sévère avec nous. C'est parfois assez rude, mais on arrive à faire la part des choses...
SPG : Jean-François, des conseils pour les étudiants jeunes diplômés (ou en passe de l'être) ?
JFD : je leur aurais surtout conseillé de consacrer
une partie de leurs études à une ou deux années à
l'étranger, mais je crois que c'est intégré dans
la scolarité pour tous maintenant. C'est une chance que je n'ai
pas eue...
Sinon, je dirais surtout de la ténacité et de la persévérance
dans leurs envies. Entre ma première candidature et mon recrutement
à RFF, il y a eu deux ans, après un premier échec,
la reprise d'études, puis ma nouvelle demande, appuyée cette
fois par l'ingénieur dont je parlais au début. Cela a payé,
deux ans après, ma première candidature n'avait pas été
oubliée... Après bien sûr, il ne faut pas s'obstiner,
le diplôme de Sciences Po offre beaucoup d'opportunités !
Jean-Francois DUCOING
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