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« Réalisateur »

 

Michel DAERON (1982 PS)


En quittant Sciences Po en 1982 je choisis une formation cinéma en deux ans préparant au métier de chef-opérateur. Muni de ce bagage, j’obtiens mon premier emploi de pigiste Journaliste Reporter d’Images pour la télévision française et réalise mes premiers court-métrages documentaires notamment en Roumanie, au Sénégal et au Vietnam pour Médecins Sans Frontières. C’est sur mes propres deniers que je pars en Nouvelle-Calédonie tourner en 1989 mon premier documentaire Lune d’avril sur Canala. A ce titre je passe six mois dans une tribu de la côte Est. Réalisé dans un climat tendu opposant pro et anti-indépendantistes, ce film explore les bouleversements que génère la revendication d’indépendance sur les coutumes qui forgent l’identité kanak. Le montage se fera grâce au financement de la chaîne australienne ABC.

Je poursuis ce séjour dans le Pacifique par le tournage de Moruroa le grand secret, un film difficile où pour la première fois des Tahitiens évoquent les méfaits de la bombe. Au premier jour de tournage les services secrets français viennent à notre hôtel pour expulser mon assistant-réalisateur, citoyen australien. Les témoins recevaient souvent la visite de ces services peu avant notre arrivée. Et lors de sa diffusion sur Arte en novembre 1993, le film provoqua l’ire du gouvernement français, “une mauvaise action contre la France” dira le Ministre de la Défense. Le ministre de la Communication se plaindra directement auprès du président d’Arte.

Puis il y eut ce voyage revigorant de Papeete à Irkoutsk où la caméra est passée de +40 à -50°C pour le tournage de Contre-Jour de Sibérie. On y découvre la vie du photographe Vladimir Ablamsky déporté au Goulag pour sa francophilie. Il doit sa survie à cet appareil photo qu’il fabrique dans le camp et qui lui permet d’amadouer ses geôliers tout heureux de se retrouver photographiés. Je travaille en 35 mm chose rare dans le documentaire, avec une équipe entièrement “soviétique” et j’emploie les jours où le froid implacable nous empêche de sortir à écrire trois articles sur la Sibérie pour Les Temps Modernes et Autrement. France 3 diffuse le film dans une case mémorable Planète chaude qui radiographie le monde bouillonnant de la dernière décennie du XXème siècle.

L’année de la célébration du 50ème anniversaire de la Libération je choisis d’évoquer Les tondues de la Libération, et visite ainsi le sort de ces femmes, humiliées au plus profond d’elles-mêmes, parfois mises à mort, pour avoir selon leurs accusateurs, résistants de la veille si ce n’est du jour même, entretenu des relations avec l’ennemi. A cette occasion je retrouve Jean-Pierre Bernard, qui fut mon enseignant à Sciences Po et a marqué une génération entière d’anciens diplômés. Il évoque dans le film le sort d’une femme que la meute avait décidé de tondre, et qui cherche de l’aide en s’agrippant à la clôture du jardin familial. Sans succès. Cette séquence dans laquelle transparait la sensibilité de Jean-Pierre Bernard, est un précieux réconfort quand il me faut affronter ici un directeur de festival, là un diffuseur, jugeant le film comme révisionniste. Heureusement la chaîne Planète en fait un des premiers films qu’elle soutiendra en production.

Suivent notamment pour France Télévisions La Chaconne d’Auschwitz racontant l’histoire de l’orchestre des femmes d’Auschwitz et La dérive de l’Atlantic qui retrace la déportation par les Alliés de réfugiés juifs fuyant l’Allemagne nazie par le Danube ; l’occasion de découvrir l’oeuvre de Primo Levi et à travers le concept de zone grise ces liens contre-nature qui se tissent dans le monde concentrationnaire entre victimes et persécuteurs, et pour lesquels n’existe aucun film d’archive. Chaque entretien avec un témoin me rappelle l’aura” qu’évoque Walter Benjamin comme cet espace sensoriel unique liant l’acteur de théâtre à son public, et qui disparait avec la mécanisation cinématographique. “Ici gît l’aura” pourrait être le premier article d’un manifeste du documentaire historique et “la quête de l’aura perdue”, le second.

“Il était une ile Diego Garcia et Chagos ou la mémoire des îles”, que je réalise respectivement pour France Télévisions et la Mauritius Broadcasting Corporation, évoquent le sort des déracinés chagossiens de l’Océan Indien. Ils ont tout perdu : leur île, leur habitat, leurs animaux, leur identité même. Ces réfugiés créés de toute pièce au milieu des années 70 par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour l’édification d’une base militaire à Diego Garcia, vivent aujourd’hui dans l’unique obsession du retour. Huit années furent nécessaires pour achever la production qui fut un calvaire, certes si dérisoire face au leur.

Quel fil d’Ariane conduit aux aspirations indépendantistes kanak, aux questions obsédantes des travailleurs tahitiens de Moruroa, aux traces de déportés du Goulag, au sort des femmes tondues, à celui des femmes musiciennes que la mémoire continue de torturer, aux réfugiés de l’Atlantic ou aux déracinés de Diego Garcia ? Tous sont des humiliés de l’histoire. Victimes du colonialisme, du nazisme, de la répression concentrationnaire, de la guerre, du sexisme, le monde moderne ne cesse de sécréter son lot d’humiliés. Les maux sont multiples mais l’histoire de ceux qui les subissent, bien que commune, reste unique. Au documentaire le défi de la raconter.

Michel DAERON
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PS La majeure partie des films mentionnés est disponible en streaming sur le site www.idylikfilms.fr

19/12/2016


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