Etienne-Jean DUBOIS (2010 PO - Master SGC), Chef de Cabinet du Préfet des Yvelines
Bonjour Etienne, qu’est-ce que qui a pu te conduire à l’IEP Grenoble ?
Un intérêt précoce pour l’Histoire et la politique puis une bonne année d’Hypokhâgne à Tours. J’avais passé le « tri-concours Bac 0 » commun avec Aix et Lyon, j’ai choisi Grenoble, en septembre 2005 c’était parti pour 5 années.
Quels souvenirs gardes-tu de ces années ?
Qu’il fait froid à Grenoble mais aussi très chaud, y compris politiquement ! CPE en 2006, autonomie des universités en 2007, les manifs étaient bouillantes ! Je garde en mémoire certains cours passionnants, beaucoup d’enrichissement intellectuel, l’esprit de camaraderie, les critérium (j’étais capitaine de l’équipe de tennis), quelques soirées assez hautes en couleur !… Beaucoup de bons souvenirs !
Qu’as-tu fait après ton IEP ?
Je voulais continuer à étudier et je rêvais ensuite de haute et grande diplomatie. En février 2003 j’avais allumé ma télévision par hasard et écouté Villepin à New-York au Conseil de Sécurité. Ça m’avait beaucoup impressionné, je voulais travailler aux Nations Unies. Après l’IEP je voulais donc rentrer à l’Institut des hautes études Internationales de Genève, comme Kofi Annan. Hubert Védrine pour qui j’avais un peu travaillé en stage m’a parrainé pour rentrer dans cette école. J’ai vécu 2 très bonnes années d’études en Suisse et puis j’ai eu justement cette première expérience onusienne tant attendue…et pourtant très mauvaise…. J’étais très déçu par « le machin » comme disait de Gaulle. Je me suis senti en fort décalage, ce n’était pas pour moi… Après une année de petits boulots et de chômage en Suisse, un ami d’enfance me propose un poste de contractuel au Ministère des Outre-mer à Paris. Sans trop savoir où je mets les pieds je me lance…
Qu’as-tu pu apprendre et découvrir là-bas ?
J’y ai découvert une administration petite par la taille (pas plus de 200 personnes) mais grande par le rayonnement. J’ai commencé à travailler pour la première fois avec des préfets, sous-préfets et leurs équipes. J’étais intrigué et très vite intéressé par les missions de l’administration préfectorale, encore plus particulières en outre-mer. Un préfet pour moi ce n’était que de vagues souvenirs d’amphi de droit à sciences po, quelqu’un qui ressemble à un amiral et qui porte des gants blancs, c’est tout ! La découverte véritable de leur métier de terrain m’a très vite plu. J’ai donc décidé de passer le concours des Instituts régionaux d’administration avec l’intention d’aller voir plus tard du côté des préfectures…
J’intègre donc l’IRA de Nantes et réalise un stage au cabinet du Préfet de Loire-Atlantique en charge des gens du voyage. Par chance, la titulaire du poste était en congé maternité, j’ai donc plongé dans le bain tout seul et je n’ai pas été déçu du déplacement ! J’ai vu à quel point le sujet était sensible, compris l’importance du rôle des élus, appris à négocier, à trouver des solutions. Une expérience de 2 mois passionnante ! Ça a été un vrai déclic, j’avais mordu à la préfectorale et j’avais l’intention d’y retourner.
Un grand écart entre les Nations-Unies à Genève puis les gens du voyage à Nantes ?
Rétrospectivement l’enchainement de tout ceci semble étonnant en effet pourtant tout s’est déroulé assez vite et naturellement !
A la sortie de l’IRA de Nantes je choisis donc le Ministère de l’Intérieur et les préfectures bien entendu. Je prends un poste en administration centrale pour être en charge du budget des préfectures dans une petite équipe de 4 personnes. Passionnant, mais un peu techno ! Le règne du tableau excel ! J’ai beaucoup appris mais pour moi les préfectures c’était avant tout le terrain, j’avais très envie d’y retourner. Par chance, mon chef de bureau était à l’ENA avec le Directeur de cabinet du Préfet des Yvelines qui cherchait un chef de cabinet.
Ça aide le réseau et les anciens élèves !
C’est certain ! On était 7 candidats mais j’ai eu un petit avantage c’est sûr.
Comment s’est passée ton arrivée à la préfecture des Yvelines et que fait un « chef de cabinet » ?
Je suis arrivé le 18 juin 2018, une belle date ! Un chef de cabinet de préfecture, habituellement, écrit beaucoup de discours, d’éléments de langage, rédige des synthèses, prépare de très nombreux dossiers pour le corps préfectoral, organise les visites ministérielles et s’occupe des médailles et décorations. Voici le poste sur le papier. Je réalise une bonne partie de ces missions avec mes équipes bien sûr mais finalement le style et les méthodes du préfet lui-même peuvent parfois influer sur le contenu du poste.
J’ai la chance d’avoir une excellente entente avec mon préfet, Jean-Jacques Brot. Dès mon arrivée le courant est très vite passé entre nous. Il m’a associé à de très nombreux déplacements dans un département très divers et très contrasté. La question des cultes est par exemple devenue assez centrale, nous avons visité de nombreuses mosquées et synagogues et rencontré de nombreux dignitaires religieux. Il donne aussi un tour un peu plus politique aux choses. Un Préfet n’est certainement pas « apolitique », il se doit d’avoir une impartialité dans son comportement et ses déclarations bien sûr mais il peut et doit à mon avis avoir un rôle très fort et très visible, ce n’est pas incompatible. Il sait très bien le faire !J’ai très vite adhéré à ce mode de faire axé sur le terrain, l’action, les échanges interpersonnels étroits et des prises de position parfois tranchées et détonantes. C’est une partition difficile à jouer, réservée aux meilleurs mais il est de cette trempe, ça m’inspire beaucoup au quotidien !
Sortir du cadre habituel de mes missions est une chance. Dans l’administration c’est en fait beaucoup plus facile qu’on peut le croire, on a des marges, on peut agir. Il faut une bonne impulsion et une volonté des chefs, un peu de débrouillardise des collaborateurs et l’on arrive souvent à de bons résultats même s’il y a tellement à faire… C’est vraiment cela que je retiens de mes bientôt presque 3 années à la préfecture des Yvelines et surtout auprès de mon préfet.
A titre d’exemple, Jean-Jacques Brot avait été en charge de l’accueil de réfugiés syriens et irakiens dans ses précédentes fonctions à la Direction générale des étrangers en France (DGEF) et avait également beaucoup fait pour aider les anciens interprètes afghans de l’armée française que la République a un peu laissé sur le bord du chemin entre 2012 et 2015/16… En 2019, un contact du Préfet nous signale le cas de l’un de ces interprètes dans une situation dramatique, SDF dans Paris. Nous l’avons aidé à trouver un logement et à retrouver un travail. Le Préfet lui a d’ailleurs remis quelques semaines plus tard officiellement à la Préfecture ses décorations que l’armée française lui avait attribuées. C’était une expérience forte et émouvante. C’est sûr que ce n’était pas dans ma fiche de poste au départ !
Quel regard portes-tu sur l’administration préfectorale en général et recommandes-tu aux jeunes diplômés de la rejoindre ?
Oui je recommanderais à plein de jeunes dynamiques et motivés de s’investir, ne serait-ce que pour quelques années, au profit des préfectures. Elles ont plus que jamais besoin de jeunes talents !
L’administration préfectorale est très diverse dans ses missions, dans le profil des gens qui la compose. Elle connait beaucoup de réformes et des réductions d’effectifs importantes qui parfois nous obligent à beaucoup de souplesse et de créativité. Ce n’est pas toujours facile mais ça reste un très beau défi au quotidien !
Etienne DUBOIS
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21/12/2020