Eric Peigné (EF 1989)
Est-on un OVNI dans le transport routier et la logistique après
avoir fait Sciences Po ?
Il y a 20 ans le secteur attirait assez peu les diplômés
et ceux de Sciences Po encore moins. Le gros des troupes opérationnelles
des sociétés de transport et de logistique étaitprincipalement
des autodidactes et je reconnais avoir été observé
de façon amusée et curieuse par certains collègues,
promus cadres après une dure et longue expérience du terrain.
Cela signifie donc que ta progression a été
moins dure grâce à ta formation ?
Mon évolution a assurément été plus rapide
mais peut-être pas moins difficile car j’avais à la
fois à légitimer ma position de jeune cadre et à
passer par des missions très terrain pour acquérir les bases
et prouver que je n’avais aucune aversion à « fréquenter
les quais ». Ces expériences de terrain m’ont été
très profitables d’un point de vue technique mais aussi et
surtout dans la découverte que la « bonne fabrication »
des activités de services repose avant tout sur un fort engagement
des hommes, à tous les niveaux de l’organisation.
Comment es-tu donc arrivé dans ce secteur
?
Pas complètement par hasard. Une formation en logistique avant
l’IEP m’avait fait découvrir ce secteur passionnant
dont on disait qu’il serait de plus en plus considéré
comme une fonction stratégique pour les entreprises, qu’il
était promis à une forte croissance et qu’il connaîtrait
une phase de concentration et d’industrialisation. Il se trouve
qu’un séminaire sur l’industrie automobile était
créé à l’IEP quand j’y suis arrivé.
J’avais déjà fait quelques expériences de stagiaire
en logistique dans cette industrie, la passerelle était donc toute
trouvée pour intégrer un groupe de prestations logistiques
filialed’un constructeur automobile. La vie est aussi faite de rencontres
et j’ai eu la chance de croiserquelques personnes clés, enseignants
et praticiens, qui m’ont transmis le virus de l’aventure logistique.
La situation est-elle toujours la même
quant aux formations ?
Les choses ont beaucoup changé, cette branche d’activité
a pris conscience de la nécessité d’intégrer
des profils adaptés à la complexité de ce secteur
qui développe des réseaux à l’échelle
planétaire et qui peut contribuer de façon significative
à la compétitivité des groupes industriels et commerciaux.
Il existe désormais de nombreuses formations supérieures
spécialisées en transport et logistique ainsi que des spécialisations
post-école d’ingénieurs, école de commerce
ou IEP.Il ne peut être que conseillé à un diplômé
de Sciences Po qui souhaiterait faire carrière dans ce secteur
de suivre une formation spécialisée afin de se donner des
chances d’intégrer la profession et d’y réussir.
En quoi la formation IEP Eco-Fi a été
profitable dans ton parcours dans le transport et la logistique ?
J’ai débuté en Allemagne et la condition première
de survie était la pratique intense des langues étrangères,
une discipline qui compte à l’IEP ! Vivre à l’étranger,
même dans un contexte aussi peu exotique que l’Europe, requiert
aussi de la curiosité, il faut faire preuve d’autonomie,
d’initiative et de débrouillardise, la formation à
l’IEP est certainement une très bonne école pour cela.
J’ai travaillé en ex-Allemagne de l’Est, peu de temps
après la chute du mur de Berlin, je représentais là-bas
un groupe français de transport, la sensibilité aux sujets
géopolitiques développée à Sciences Po a sans
doute contribué à me passionner pour cette expérience
« live » de la réunification allemande et de ses conséquences
économiques. A mon retour en France, j’ai participé
activement à des projets de développement de réseaux
européens de transport terrestre par croissance externe. Pour ces
sujets, la formation en finances et en droit de l’IEP m’a
été d’une aide précieuse.
En quoi consistent concrètement tes missions
dans la logistique ?
Mes missions sont très variées. Elles couvrent à
la fois un volet commercial, il s’agit de comprendre les besoins
logistiques d’un client de façon à y apporter la meilleure
solution, cela passe par des rencontres avec les directions supplychain
des clients et prospects et par l’étude des appels d’offres.
Les solutions offertes s’appuient le plus souvent sur nos propres
capacités de production mais aussi sur des prestations complémentaires
d’autres acteurs spécialisés sur une zone géographique
ou savoir-faire particuliers. Le deuxième volet de mes missions
consiste ainsi à travailler sur l’amélioration de
l’outil de production, qui se traduit par la croissance des réseaux
et plans de transport, l’accroissement des surfaces logistiques,
la mise en place de système d’information permettant la traçabilité
et l’amélioration de la productivité, par la constitution
de solutions logistiques globales permettant l’optimisation de la
supplychain de bout en bout. Il faut ajouter que la gestion est un point
essentiel pour un manager dans la logistique, la concurrence est forte
et le faible niveau de rentabilité ne laisse pas beaucoup de marge
de manœuvre !
Quelle sera la prochaine étape ?
Je compte bien participer activement aux futures mutations du secteur
et elles seront nombreuses. Les défis pour les prochaines années
seront de différentes natures, ils toucheront aux évolutions
des lieux de production et de consommation des marchandises sur la planète,
ils seront fortement marqués par la nécessité de
réduire l’empreinte carbone des opérations de transport,
ce qui passera par des solutions innovantes favorisant notamment le report
modal. Ils seront liés au développement des ventes par internet
qui requièrent de nouveaux canaux de distribution. Ils évolueront
enfin au rythme des innovations des systèmes d’information
qui sont très structurants pour nos opérations. Sans compter
que de nouvelles lois viendront très probablement aussi modifier
nos environnements. En résumé, la logistique offrebeaucoup
d’opportunités d’innovation, c’est extrêmement
stimulant.
Quels conseils donner aux étudiants de
l’IEP qui envisageraient une carrière dans la logistique
?
Soyez curieux de ce qui se passe dans le monde, la logistique est au service
de toutes les industries et de tous les continents.Soyez internationaux,
travailler les langues étrangères et confrontez-vous à
d’autres cultures.Soyez créatifs mais sachez compter et aimer
les chiffres.Comprenez que le succès des opérations logistiques
repose beaucoup sur les hommes, il faut donc apprendre à écouter.
Soyez prêts à travailler beaucoup et toujours en lien avec
le « terrain ». Enfin n’oubliez jamais de prendre beaucoup
de plaisir à ce que vous faites, mais là c’est un
conseil général qui dépasse la logistique et que
les étudiants auront découvert d’eux-mêmes pendant
leur cursus à l’IEP…
Eric Peigné (EF 1989)
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25/11/13