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« Maître de conférences - Responsable de Masters »

 

Laurence GIALDINI – Sciences Po Grenoble EF92
Maître de conférences - Responsable des Masters Gestion de Patrimoine et Desu Gestion d'actifs et fe gortune - Faculté d'Economie et de Gestion à Aix En Provence

Diplômée de l’IEP Grenoble, vous avez aussi divers autres diplômes et un doctorat, pouvez-vous nous expliquer ce parcours académique non linéaire ?

En fait, c’est un parcours académique en deux phases dont, pour chacune d’elle, les fils conducteurs communs ont été d’abord la curiosité et l’engagement tout en veillant à conserver un libre arbitre ! Deux phases qui, loin d’être scindées, se sont parfaitement articulées.

La première phase a débuté au tournant des années 1980/90 sous le signe de l’Italie et de l’Europe. Dès le lycée, j’avais le projet de travailler à l’international. Élevée dans la richesse d’une double culture franco-italienne et européenne convaincue, je souhaitais concilier ceci avec mon avenir professionnel. Très curieuse donc, j’ai d’abord recherché une formation pluridisciplinaire qui puisse nourrir cette curiosité et m’ouvrir un large champ de possibles. Après un bac scientifique et une prépa Hypokhâgne/Khâgne moderne (« ancêtre » des actuelles B/L), j’ai intégré Sciences Po Grenoble en Eco-Fi. Comme à l’époque les IEP étaient équivalentes à un Bac+4, j’ai complété mon projet par un DESS (maintenant on dirait un Master 2) en Commerce Extérieur et un DU en Management International dans le cadre de l’accord Centre Franco-italien de l’IAE Lyon et Scuola di Amministrazione di Torino. Avant la fin de mes études, j’ai été contacté par la branche activité des marchés financiers de la banque d’affaire anglaise Barings. Ils montaient à Paris une équipe de jeunes brokers, tous pluriculturels, en vue de développer le suivi des actions européennes pour des fonds d’investissements institutionnels internationaux. Par l’intermédiaire d’une amie étudiante en stage chez eux (il faut noter ici combien est importante la solidarité entre diplômés, pensez-y et n’hésitez pas à jouer collectif !), ils avaient pensé à moi pour l’Europe du Sud du fait de ma maîtrise de l’italien et de l’espagnol outre l’anglais (j’en profite pour dire aux étudiants qu’aujourd’hui encore plus qu’alors, l’anglais devenu un langage standard à maîtriser ne suffit plus ; il convient de se démarquer avec d’autres langues si possible rares). Face à cette proposition, j’ai d’abord hésité car j’avais en tête l’imaginaire collectif sur les traders et leurs semblables (Voir à ce propos le chapitre co-rédigé avec Marc Lenglet dans L’Encyclopédie de la Stratégie chez Vuibert). Cependant, l’envie de connaître un univers nouveau au cœur de la réalité économique et financière mondiale m’a fait accepter cette voie plutôt que celle du commerce et du marketing dans le textile- habillement ou le luxe, secteurs auxquels se limitent trop souvent les étudiantes. Je me suis dit que dans le pire des cas, je pourrai n’y rester que quelques mois pour avoir une première expérience internationale ; je refusais aussi que certains métiers puissent être plus masculins que d’autres, c’était je crois ma façon de faire un pied de nez aux idées reçues. Finalement, je suis restée sur les marchés financiers jusqu’au milieu des années 2000 avec un rythme de vie à 300km/h, des découvertes et des rencontres extraordinaires !

C’est alors que s’est ouvert la deuxième phase de mon cursus universitaire. En parallèle de mon activité professionnelle, j’avais gardé contact avec certains de mes anciens professeurs sur Grenoble et Lyon. Toujours par curiosité, je lisais beaucoup d’ouvrages ou articles de recherche concernant mon domaine d’activités ou ceux parallèles – économie, sociologie, stratégie... J’étais ce qu’on appelle un praticien réflexif m’interrogeant sur le sens de mes actions, leur pourquoi et leur comment ; ce positionnement est d’autant plus important que j’évoluais dans un champ particulièrement sensible qui semblait alors connaître les prémices d’une crise que personne ne voulait entrevoir. Mes professeurs m’ayant parfois invitée à donner des conférences pour partager mon expérience, je trouvais beaucoup de plaisir à échanger avec les étudiants. J’avais à chaque fois le sentiment de revenir chez moi et de m’y sentir très bien comme lorsqu’on revient d’un long périple. Il est important dans sa carrière de savoir comprendre ce qui nous correspond et d’y trouver un sens ; c’est le plaisir et le sentiment d’être à sa juste place qui nous font avancer dans de bonnes conditions. J’ai alors décidé de boire la coupe jusqu’à la lie et de quitter les marchés financiers non pas pour les oublier mais pour y consacrer mes propres recherches et enseigner une finance responsable. J’ai suivi un master 2 orienté recherche en stratégie et finance organisationnelle à Lyon afin de me mettre à jour en épistémologie et méthodologie, puis je suis revenue à l’Université de Grenoble pour préparer et soutenir une thèse en sciences de gestion au CERAG. Ce fût une période très dense d’autant plus que j’avais un poste d’enseignant-chercheur à plein temps en parallèle dans une école de commerce et une famille, mais ce fût une période intellectuellement féconde avec, là aussi, de stimulants échanges avec ceux qui sont devenus mes confrères !


Peut-on parler de reconversion ? Quelles sont les raisons qui peuvent conduire à suivre deux voies professionnelles distinctes mais qui restent, dans votre cas, sous le signe d’un domaine : la finance ?

A dire vrai, même si dans le regard des autres, il s’agit d’une reconversion et que l’on doit souvent revenir sur certaines bases pour être crédible face à ses pairs, je n’ai pas le sentiment d’avoir changé de vie, elle a juste évolué « chemin faisant ». Je reste convaincue que nous sommes engagés dans une « complexité » morinienne où vie professionnelle comme personnelle ne peuvent pas être d’une linéarité parfaite. Elles se « construisent » dans le faire, les échanges, la diversité et bien d’autres choses que l’on tisse sans relâche et qui sont interdépendantes, oscillant dans des rapports dialogiques.

Si j’analyse mon parcours professionnel, je suis entrée en finance sur une opportunité liée à mon profil international mais finalement, comme vous le remarquez, j’y suis encore ; j’ai certes changé de métier mais je n’ai pas changé d’univers. Je le regarde juste à travers d’autres prismes pour y participer d’une façon renouvelée et éventuellement contribuer même modestement à une évolution qui me tient à cœur. Le monde de la finance par les expériences que j’ai pu avoir dans diverses institutions comme Barings mais aussi la Caisse des Dépôts ou BNP Paribas, s’est avéré passionnant et la plupart du temps bien différent des idées simplificatrices qui peuvent circuler. Bien sûr, il peut être impitoyable et déconnecté d’une certaine réalité mais j’ai pu, comme beaucoup de mes anciens collègues, y pratiquer une approche fondamentale de la finance à savoir une finance au service de l’économie et non l’inverse. Lorsque j’ai ressenti qu’un tournant se mettait en place, qu’une finance plus standardisée semblait être mise en avant tout en se révélant un colosse aux pieds d’argile, j’ai estimé qu’il existait un espace pour réfléchir à une évolution future plus soutenable et j’ai donc décidé d’y contribuer. Je refusais, comme d’autres d’ailleurs, que le système fasse de moi une machine à sou décérébrée, un agent passif et déterminé mécaniquement même si cela m’apportait des facilités matérielles. J’ai ainsi choisi de m’engager par le biais de la recherche, puisque ma thèse traite de la formation et de l’évolution des pratiques sur les marchés financiers tout en intégrant les questions de leur structuration et régulation. Mes travaux actuels portent sur ces thèmes comme sur ceux de la gouvernance et de la finance éthiques, du financement de l’économie réelle et plus particulièrement celui des PME-ETI. Je pense également être un vecteur en transmettant à mes étudiants une approche alternative.
Aujourd’hui, en tant qu’enseignant-chercheur en finance à la Faculté d’Economie-Gestion d’Aix-Marseille, je joue un rôle différent vis-à-vis de ce domaine puisque passée de praticien à académique, mais je tisse toujours la même étoffe en restant en corrélation avec mes convictions.


Quel a été l’apport spécifique de Sciences Po Grenoble dans votre parcours ?

Je pense que ce qui me caractérise le plus est, comme me l’a fait remarquer un de mes anciens professeurs Alain-Charles Martinet, un esprit éclectique. C’est là que Sciences Po Grenoble tient un rôle central puisque c’est en effet dans cette formation que j’ai reçu la plus grande variété de connaissances, ceci avec l’incroyable chance de pouvoir composer les menus qui me plaisaient par le biais des options, des cours d’ouverture et des approfondissements personnels. On nous y donne des tas de clés différentes qui ouvrent tout autant de portes et c’est à nous d’aller au delà. Sciences Po offre vraiment l’opportunité de se construire dans la transversalité, ce qui me paraît essentiel, tout en dessinant sa singularité dans une ébauche de projet propre. Je garde un profond attachement à ces années particulièrement heureuses avec des professeurs engagés et passionnants qui restent des modèles ainsi que d’autres étudiants tout aussi curieux que moi et dont certains font encore partie de ma vie actuellement ce qui nous donne l’opportunité de prolonger le dialogue, même si nous avons suivi des parcours très différents et des convictions variées.

En outre, Sciences Po Grenoble m’a offert une première expérience de la vie associative, engagement qui ne m’a plus quitté. Là aussi, presque par hasard, à un moment où le BDE était en déshérence car tiraillé par des batailles idéologiques à la clochemerle et dans une situation financière difficile, je me suis retrouvée avec quelques camarades face à un choix, il fallait que quelques uns assurent ne serait-ce qu’un « minimum » de vie sociale à tous, Sciences Po Grenoble ne pouvait pas exister sans BDE ! Nous avions tous des profils très divers mais nous étions mus par la même volonté de sauver ce qui pouvait l’être et de le faire dans l’intérêt de tous par le dialogue. Nous nous y sommes donc mis et le « minimum » a bien rempli nos vies avec l’organisation de moments festifs, mais pas seulement ! L’idée était de dépasser les conflits, d’offrir un vrai espace de vie en commun avec des implications intelligentes, du contenu. Nous ne voulions pas seulement amuser la galerie mais créer du sens à long terme pour tous les étudiants. Nous avons par exemple mis en place divers services étudiants, organisé des conférences avec des personnalités de tous les bords (à titre emblématique, nous pouvions inviter aussi bien Marie-France Garaud, Raymond Barre ou Georges Marchais que Sœur Emmanuelle) ainsi que des jurys littéraires ou des prix journalistiques, tenté de faire appel au cerveau non-reptilien des nouveaux entrants pour des journées d’intégration inoubliables loin de certaines dérives humiliantes. J’en passe bien sûr mais que de souvenirs ! Il est vraiment capital que les associations qui font Sciences Po, et qui du coup nous font, puissent perdurer. C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’ai répondu à l’appel de Stéphane Pusateri pour ce portrait et renouer un dialogue ; je tiens ici à le remercier pour tout le travail remarquable qu’il fait avec son équipe depuis de nombreuses années pour l’association des diplômés et par là même pour ceux en passe de le devenir.


Quelles sont aujourd’hui les passions ou engagements qui vous tiennent à cœur ?

Comme vous l’avez probablement compris, mon engagement principal tient aujourd’hui dans une approche de la finance renouvelée et plus responsable qui suppose un retour aux fondamentaux c’est-à-dire un financement légitime des économies. Du fait de mes expériences, je peux lier connaissances empiriques et conceptualisations. Avec un groupe d’autres acteurs, praticiens et académiques, engagés dans la vie économique et sociale, nous avons créé une association type Living Lab appelée « Le DoTank des entreprises moyennes ». Il s’agit d’une initiative consacrée exclusivement aux entreprises moyennes, pour contribuer à les sortir de l’invisibilité car nous avons tous constaté dans nos champs disciplinaires respectifs que ces entreprises, garantes de l’innovation et de l’emploi sur nos territoires, sont méconnues et comme impensées au profit des multinationales. Lorsqu’on parle entreprises, ces dernières sont l’arbre qui cachent la forêt, pire elles s’imposent comme étalon universel. En ce qui concerne plus particulièrement le volet finance, les marchés, les banques ou autres institutions financières ne jouent pas toujours un rôle adéquat pour apporter aux entreprises moyennes un financement pourtant justifié, nécessaire à leur fonctionnement et à la survie d’un système qui peut être vertueux. Ce projet est d’intérêt général, il nous est apparu évident – à l’instar de la reprise du BDE en d’autres temps pour ce qui me concerne et sur une autre échelle – qu’il fallait bien que quelques uns s’y attellent !

Le temps est limité et ne me permet pas beaucoup d’autres engagements. Cependant, je me sens concernée par d’autres questions comme celle d’une éducation accessible à tous. C’est d’ailleurs ce qui me fait apprécier d’appartenir aujourd’hui à l’université publique française et me conduit souvent à intervenir dans certains pays en particulier en Asie du Sud-Est, une région que j’apprécie énormément même si mon cœur continue à battre pour notre Europe où il reste encore tant à faire pour avancer ensemble et se construire, au delà du passé, un avenir.

Tous ces engagements me semblent passer par le dialogue qui seul permet de mettre en forme action et réflexion dans une boucle récursive. Je travaille d’ailleurs actuellement sur un ouvrage collectif à paraître réunissant praticiens et chercheurs et qui traite de l’importance du principe dialogique formalisé par le dialogue et appliqué aux sciences de gestion - plus précisément à la stratégie. Le champ est réduit mais les propositions restent génériques pour établir des ponts.


Pour le mot de la fin, que souhaiteriez vous dire aux jeunes diplômés de Sciences Po Grenoble ?

Croire en ses rêves et se donner les moyens de leur donner une forme ; Chercher sans relâche à voir au delà du visible ; Toujours échanger et dialoguer de tout et avec tous ; Savoir donner et recevoir ; Entretenir un esprit d’ouverture et d’adaptation ; Savoir être avec les autres tout en assumant ses différences ; Avoir des valeurs humanistes, toujours s’en souvenir pour garder un juste cap et ne jamais se perdre soi-même… Et alors : Bon vent sur le chemin passionnant de la vie !

Laurence GIALDINI
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29/08/2017


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