Lise COUEFFEUR (2010 SP - Carrières publiques)
Je ne cache pas qu’on est venu me chercher pour écrire mon portrait et que, spontanément, l’idée d’exposer mon parcours ne me paraît pas passionnant. Cependant, dans la foulée de cette demande j’ai étudié les statistiques relatives aux dernières promotions (la « radiographie des diplômés de l’IEP – promotions 1970-2013 »), et le faible nombre de directeurs exerçant dans la fonction publique hospitalière au sein d’établissements médico-sociaux a fait ressurgir ma fierté professionnelle… Cela m’a poussée à prendre ma plume pour présenter mon métier et, qui sait, peut-être amener quelques étudiants à ne pas passer leur chemin quand ils entendent parler d’établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Quand je regarde en arrière, je réalise qu’en réalité je me suis finalement orientée vers ce qui m’attirait déjà lorsque j’étais en début de lycée. Mon choix s’est porté très tôt sur un métier mêlant gestion administrative et secteur sanitaire, social et médico-social, mais je n’arrivais pas à mettre un intitulé exact sur la profession que je souhaitais exercer. Je savais que j’avais envie d’être dans l’action, sur le terrain, et que j’avais un goût particulier pour l’écrit et la gestion de projets. Je ne me suis pas réveillée un matin en décidant de tenter Sciences Po ou en affirmant que je serai directrice, c’est progressivement que j’ai esquissé le projet de passer après le bac plusieurs concours IEP et, pourquoi pas, par la suite tenter les concours du corps de direction fonction publique hospitalière ; à l’époque, c’était plutôt le concours directeur d’hôpital (DH) qui m’intéressait.
Pourquoi un IEP ? Ce n’est pas un passage obligé pour exercer des fonctions de direction dans le secteur sanitaire, social et médico-social. Bien que mon choix fût déjà plus ou moins fixé sur ce secteur, ma curiosité naturelle pour de nombreux sujets (histoire, langues, économie, sciences sociales) m’a poussée à ne pas me spécialiser tout de suite et à aller vers une formation généraliste. Sur ce point, mes motivations rejoignent celles de la plupart des élèves d’hier comme d’aujourd’hui.
Après mon bac ES, j’ai fait ce qui constitue un parcours plutôt « classique » pour un étudiant IEP : j’ai commencé par un an en prépa lettres option Sciences Po à Rennes avant de tenter le concours en 2005. A l’époque, le concours était commun entre les IEP d’Aix-en-Provence, de Lyon et de Grenoble. Les candidats devaient classer les IEP par ordre de préférence. Mon premier choix était Grenoble, très honnêtement pour des raisons pratiques (bien que bretonne, j’avais un peu de famille dans la région), je n’avais pas de connaissances particulières de cet IEP et je n’avais jamais mis les pieds à Grenoble ou Saint-Martin-d’Hères avant l’épreuve écrite. Je n’ai jamais regretté ce choix.
Mon parcours une fois à l’IEPG a une nouvelle fois était assez classique pour un étudiant qui envisage les concours de la fonction publique, bien que les modalités soient quelque peu différentes aujourd’hui : après la première année je me suis orientée vers la filière Service Public (SP), avant d’intégrer en quatrième année le Master Carrières Publiques (CP).
Le point que je voudrais souligner est que j’ai réellement fixé mon objectif de concours sur celui de directeur d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S) suite au stage que j’ai effectué en début de 4ème année au sein du pôle « Personnes âgées » du centre hospitalier (CH) de Quimper. A cette occasion j’ai pu évidemment appréhender le secteur sanitaire. Cependant, la mission du pôle « Personnes âgées » était bien plus vaste et mêlait sanitaire et médico-social : gestion des 6 EHPAD rattachés au CH, gestion des diverses activités sanitaires du CH en lien avec le public âgé, mais également travail en réseau avec l’ensemble des acteurs publics et privés intervenant auprès des seniors… En trois mois, j’ai compris que c’était le milieu médico-social qui correspondait à mes attentes vis-à-vis de mon futur exercice professionnel. J’ai alors davantage considéré le concours de D3S à l’issue de ma formation. Mon stage au CH de Quimper m'avait permis de réaliser la richesse d’un poste de directeur en termes de domaines d’intervention, d’autonomie, de gestion de projets, de contacts professionnels variés et, évidemment, de proximité avec le public accueilli.
J’ai passé 5 années très riches à l’IEPG et comme la plupart des autres diplômés, j’ai constaté les apports de la formation mis en application dans le monde professionnel : esprit de synthèse, adaptabilité, socle solide de culture générale. C’est évidemment 5 ans de ma vie, avec des événements personnels et un contexte plus global : lors de ma 1ère année, le mouvement contre le CPE a secoué le campus dont l’IEPG ; en 2007 ce furent les élections présidentielles, un moment forcément très intéressant à suivre pour tout étudiant. J’y ai surtout acquis des connaissances, et rencontré des amis qui le sont encore aujourd’hui.
Après l’obtention du master CP, j’ai
donc naturellement passé le concours de D3S. En janvier 2011, je
suis entrée à l’Ecole des Hautes Études en
Santé Publique (EHESP) pour 2 ans de formation. L’école
accueille différentes formations, initiales et continues, pour
les directeurs et cadres du secteur sanitaire, social et médico-social.
Elle partage donc avec l’IEP cette volonté de mélanger
les publics, de favoriser les échanges et les rencontres, et oblige
à ne pas être uniquement centré(e) sur sa propre formation.
Professionnalisante, la formation D3S fait la part belle aux périodes
de stage (dont un stage dit « extérieur », en dehors
des établissements que les élèves directeurs seront
amenés à gérer à la sortie de l’école
– stage qui peut être fait à l’étranger).
Les stages sont évidemment une condition indispensable pour se
préparer à la réalité de son exercice professionnel
à venir. Ceci dit, je crois que la fonction même de D3S est
par nature difficile à appréhender avant d’être
effectivement en poste. D’une part, en fonction du type d’établissement
et/ou de la taille de celui-ci, le D3S peut être directeur ou directeur-adjoint,
ce qui évidemment change les champs de compétences et de
responsabilités. D’autre part, le secteur médico-social
ne se résume pas aux seules personnes âgées : un D3S
peut être amené à gérer des EHPAD, que ce soit
des établissements autonomes ou des établissements rattachés
à un CH. Les fonctions peuvent pourtant également être
exercées :
- au sein d’établissements accueillants des personnes en
situation de handicap mental, physique, sensoriel ou polyhandicap (instituts
médico-éducatifs, établissements et services d’aide
par le travail, maison d’accueil spécialisées…)
- au sein d’établissements ou services accueillants des personnes
en difficulté sociale ou familiale (foyers de l’enfance,
maisons d’enfants à caractère social, centres d’hébergements
et de réinsertion sociale…).
Pour ma part, j’ai choisi à la fin de ma formation de m’orienter vers un poste de chef d’établissement en EHPAD autonome. Je suis restée 5 ans sur mon premier poste, une expérience passionnante. Lorsque j’ai décidé de changer de poste il y a quelques mois, j’ai repris à nouveau un établissement de taille un peu plus importante mais qui est également un EHPAD autonome. Ma vision du métier est donc largement influencée par le type de poste que j’ai choisi d’occuper jusqu’à maintenant. Un directeur-adjoint en CH, ou un chef d’établissement en maison d’accueil spécialisée par exemple peut, et aura sans aucun doute, un discours qui différera sur de nombreux points.
Être D3S, c’est être dans tous les cas prêt à assumer l’ensemble des responsabilités qui vous sont confiées, qui sont objectivement nombreuses et variées. C’est bien entendu encore plus vrai pour le D3S chef d’établissement : l’intégralité des responsabilités est assumée par celui ou celle qui est, en réalité, à la fois directeur des ressources humaines, directeur financier, directeur qualité, directeur de la communication, directeur des services logistiques… pour ne citer que quelques domaines de compétences. Selon la définition réglementaire, et en tant que chef d’un établissement doté de la personnalité morale, le directeur est le représentant légal de celui-ci. Il met en œuvre le projet d’établissement et coordonne l’exécution des délibérations du conseil d’administration. Il est ordonnateur des dépenses et procède à la nomination du personnel. Cette description est très synthétique mais retranscrit très justement l’autonomie d’action dont bénéficie le chef d’établissement dans ce contexte. Il faut apprécier l’autonomie et l’indépendance : sinon, le métier n’est pas fait pour vous. On compare souvent le directeur à un chef d’orchestre, c’est une image que je trouve très juste et que j’emploie souvent avec les équipes. Rien ne peut être fait sans l’ensemble des agents de l’établissement, et le rôle du directeur est justement de coordonner le personnel et ainsi permettre à chaque professionnel d’exercer sa fonction au mieux.
C’est également un métier qui demande à accepter le plus souvent une certaine dose de solitude dans l’exercice de ses fonctions, le directeur étant souvent seul à exercer ses fonctions en établissements autonomes. Ce point sera peut-être amené à changer dans les années à venir, en fonction des rapprochements et/ou fusions d’établissements qui pourraient permettre la création d’équipes de direction sur plusieurs structures. Il faut aussi savoir que les chefs d’établissement seront en général appelés à exercer leurs fonctions en dehors des pôles urbains, de nombreux établissements publics situés dans des communes de taille importante étant souvent rattachés à des CH.
J’aime mon métier. Il est souvent difficile, mais toujours passionnant.
Si je devais donner des conseils aux étudiants
éventuellement intéressés par le métier de
D3S, mais aussi peut-être plus largement par les autres métiers
de gestion du secteur sanitaire, social et médico-social :
- profiter des ressources de l’IEPG pour s’intéresser
à l’actualité du secteur (presse, revues spécialisées,
droit de la santé/cursus proposé par l’IEPG). Lorsque
j’étais en master CP il y avait un module « Droit de
la santé » proposé aux élèves intéressés
afin de se préparer aux concours, ce qui permet d’être
dans le concret à l’écrit et à l’oral
et de se démarquer des autres. Rappelez-vous qu’il y aura
beaucoup de candidats qui seront issus des IEP et qui auront un socle
de compétences générales et techniques comparables
au vôtre
- profiter de toutes les opportunités de stages offertes lors du
cursus à l’IEPG pour aller sur le terrain au sein des établissements
et services, des autorités de tarification, ou tout autre acteur
du domaine médico-social ou sanitaire (ce qui peut éventuellement
amener à renoncer à une expérience à l’étranger)
;
- penser à un éventuel « plan B » après
le master : c’est une décision propre à chacun, cela
dépend beaucoup de votre caractère (besoin d’être
« rassuré(e) » en cas d’échec, sachant
qu’il y a un projet alternatif en place). Pour ma part j’avais
mal anticipé ce point. Après l’IEPG et les écrits
du concours (juin-juillet 2010) je m’étais inscrite dans
un master 1 « économie de la santé publique »
à Rennes, que j’ai au final peu suivi car j’ai fait
le choix de me focaliser essentiellement entre septembre et décembre
2010 sur la préparation des oraux. C’était un choix
assez audacieux par si j’avais raté les concours que j’avais
passé, j’aurais dû prendre mon mal en patience avant
de retenter les concours l’année suivante.
- si ce domaine d’activité vous tente, tenir bon ! Les concours
pour intégrer l’EHESP sont difficiles, mais étonnement
assez peu valorisés, en particulier celui de D3S. Peut-être
cela est dû au fait que les publics concernés (personnes
âgées, personnes en situation de handicap, personnes en difficulté
sociale) sont peu évoqués, y compris à l’IEPG.
C’est pourtant une source de richesse que de travailler dans la
branche que j’ai choisi. Et dans laquelle le terme « responsabilité
» prend tout son sens.
Lise COUEFFEUR
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