Dominique Gerbaud,
1971 PS
A peine quitté son poste de rédacteur en chef à
la Croix, Dominique Gerbaud se lance un nouveau défi, histoire
de défendre son métier de journaliste. Une passion restée
intacte qui le guidera dans sa toute nouvelle mission à la présidence
de l’association Reporters sans Frontières.
L'air bonhomme, sous ses épaisses moustaches grises,
Dominique Gerbaud se prête volontiers à l’exercice
biographique, sans jamais être avare de souvenirs. Et il en aurait
à raconter. Comme son entrée à l’école
de journalisme de Lille, le bac en poche : arrivé bon dernier au
concours, il termine major de promo. La raison ? « J’étais
fait pour ce métier, voilà tout ». Le ton est donné.
Passionné de politique, à petite et grande échelle,
il devient conseiller municipal en 1971 tout en menant de front ses études
à l’IEP de Grenoble, intégré après l’ESJ.
Objecteur de conscience qui refuse le service militaire, il intègre
les Amis du Témoignage Chrétien, une association d’intérêt
général. Partageant ses convictions et son engagement social,
il est embauché par le journal du même nom, mais voit les
limites du journalisme militant, trop orienté. Il lui préfère
un journalisme indépendant, qui n’hésite pas à
voir du pays et aller sur le terrain. Trois ans plus tard, Dominique Gerbaud
s’exile alors vers le service politique de la Croix, sa maison de
prédilection pendant quinze ans. L’Express le débauche
pendant deux ans, lui offrant une chronique hebdomadaire, un exercice
de style qui ne lui plaît qu’un temps. « Au fond, je
suis un homme de quotidien » assure le tout nouveau président
de RSF.
Autre expérience forte : son passage à la Presse Présidentielle,
chargée de gérer les journalistes lors des déplacements
du président de la République, ce qui lui laisse de nombreux
souvenirs. Comme le fameux coup de sang du président Chirac lors
de son séjour à Jérusalem Est, Dominique Gerbaud
ayant dû colmater les brèches d’un incident diplomatique
avorté. Mais agacé de Paris, le journaliste retourne aux
sources dans sa région natale des Deux-Sèvres pour intégrer
la Nouvelle République du Centre-Ouest, où il reste dix
ans. « J’aime les gens de la campagne, j’aime la ruralité.
Quand j’écris, je ne pense ni à mon patron ni à
celui qui m’a donné une information, je pense avant tout
au lecteur » raconte-t-il avec tendresse. Mais il se lasse de cette
presse peu novatrice. Après un détour par la Vie Catholique,
c’est le grand retour à la Croix en 2000, comme grand reporter.
Une véritable bouffée d’air frais. « C’est
le plus beau métier du monde » confie-t-il, sourire aux lèvres.
Devenu rédacteur en chef du quotidien en 2001, il continue le grand
reportage, parcourant le monde de l’Afghanistan à la Somalie,
en passant par le Pérou et le Mali, ses deux derniers voyages marquants.
Alors qu’il prend sa retraite à la Croix en juillet dernier,
le journaliste s’engage pour ouvrir ce métier qu’il
aime tant à des jeunes de banlieue : avec le concours d’Harry
Roselmack, il crée l’association « Médias et
diversité ». Le but : donner une chance aux jeunes d’accéder
aux écoles de journalisme.
Et pour couronner en beauté ce riche parcours, il est élu
président de RSF en septembre 2009, « une occasion pour moi
de rendre au métier tout ce qu’il m’a donné
». Sa politique ? Défendre avant tout la liberté de
la presse, et non les journalistes. Dans ses bagages, un projet de comité
consultatif d’éthique. Avec en filigrane la volonté
de redéfinir les frontières devenues floues entre journalistes,
bloggeurs ou simples agitateurs. Une tâche subtile qui s’annonce
compliquée, au vu des nombreuses atteintes à la liberté
d’information en Erythrée, au Sri Lanka, en Iran ou en Tunisie.
Mais gageons que Dominique Gerbaud saura promouvoir et protéger
ce métier qui l’a tant inspiré.
Estelle FAURE
2011 PO - Journalisme
Interview tirée du Magazine n°44 (Décembre 2010)