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Guillaume SELLIER (1990 SP), Directeur à la Direction Interregionale de la Mer Nord Atlantique Manche Ouest à Nantes

Administration et stochastique

J'implore humblement le pardon de Stéphane pour ne pas avoir écrit plus tôt mon portrait malgré ses relances toujours sympathiques. Que celui ou celle qui se moque totalement de mon portrait (il a sans doute raison) passe directement à la fin de cette feuille.

C'était un soir pluvieux de janvier, j'étais en Prep ENA et je fouillais dans le réduit situé à l'étage, en face de la salle des profs, réduit qui ressemblait davantage à un placard à balais qu'à la salle des archives des concours administratifs.

C'est par le plus grand des hasards que j'ai découvert le concours d'administrateur des affaires maritimes dans une présentation vieillotte qui faisait davantage fuir qu'attirer les étudiants.

Mais bon, l'avantage du concours était sa similarité en tous points à celui de commissaire de la marine, ce que je voulais faire et qu'il se déroulait un mois avant. Bref un excellent galop d'essai.

J'y suis donc allé en mode relax puisqu'il n'y avait pas d'enjeu. Mais à l'oral un administrateur en poste m'a dit : « dans ce boulot, tu fais ce que tu veux, personne ira te chercher des poux dans la tête ». Abracadabra, la vocation était née. J'ai opté pour le corps des administrateurs des affaires maritimes et je ne suis pas allé à l'oral des commissaires aux armées.

Trois années de cours à Bordeaux. La première fut passionnante. C'était la découverte de l'univers maritime et des gens de mer. Stages au port de Bordeaux, cours de navigation astronomique...Embarquement comme lieutenant sur les cargos de la marine marchande, stage plongée, pêche...
La deuxième année : cours de droit, d'économie, de réglementation...j'ai fait je pense la plus longue sieste de ma vie.
Troisième année : embarquement sur le navire école de la Jeanne d'Arc où nous retrouvions les élèves de l'école navale.

1994-1997 Dunkerque, les premières armes
Tout d'abord, je me suis marié à une bordelaise, elle aussi administrateur des affaires maritimes. Première affectation comme directeur départemental adjoint des affaires maritimes. Mon prédécesseur que je n'ai vu que 10 jours m'a expliqué comment fonctionnait la machine à café, pour le reste « tu t'adapteras j'en suis sûr ». Le problème est que le directeur en titre était parti depuis 2 mois et que son successeur arrivait au mois de juillet. Bref, je me retrouve seul avec la bite et le couteau. J'ai appris à régler des conflits collectifs sur les ferries entre Dunkerque et l'Angleterre, des conflits à la pêche (quinze jours de blocage des ports français par les pêcheurs), construction d'un gazoduc entre la France et la Norvège par la mer et surtout la gestion d'une équipe d'une vingtaine de personnes. J'ai fait mes premières armes. C'était génial.

Au mois de mai 1994 nous sommes allés voir, l'inspecteur général des affaires maritimes, le chef de corps, le boss en quelque sorte, pour lui exprimer notre désir de ne surtout pas aller à Paris.
Quinze jours plus tard Bingo ! C'était Paris et on n'avait pas le choix. La GRH dans l'administration, un vrai bonheur ! (j'y reviendrai).

1997 – 2000 Le ministère de l'agriculture et de la pêche. Les négociations communautaires
En charge de l'encadrement de la flotte de pêche française au regard de la politique commune des pêches de l'Union européenne et des fonds européens dédiés à la mer et au monde maritime. J'ai été initié aux négociations communautaires ; les négos dans le souk d'Istanbul c'est à peu près la même chose. Sur la réforme des fonds structurels j'ai un excellent souvenir. Le projet de réforme présenté par la Commission européenne supprimait les aides au secteur de la pêche. Nous sommes partis en croisade, mon chef de bureau et moi pour restaurer la mesure. Cela supposait de faire tomber la proposition de la Commission (il fallait l'unanimité des Etats membres) et ensuite faire adopter la proposition française (il fallait 75% des voix). Nous avons réussi, la DG régions était folle de rage, la DG pêche est venue nous féliciter chaleureusement en précisant qu'on avait fait mieux que France-Brésil (la classe!). Très belle partie d'échecs.

2000-2004 Lorient, les commandos marine
Tout d'abord j'ai eu 5 minutes pour accepter la mutation sur Lorient (toujours cette GRH au top). J'avais en charge la planification spatiale maritime et la coordination des polices en mer. Au-delà du fait que j'ai pas mal chassé les braconniers de nuit dans le golfe du Morbihan, je retiens surtout de cette affectation le stage chez les commandos marine que nous avions monté de toute pièce avec un copain commando. Le stage en question s'appelait Contre Terrorisme Maritime, nous l'avons rebaptisé en Contrôle Technique en Mer, histoire de ne pas avoir d'ennuis avec l'administration parisienne.

2004-2006 L'inspection générale des Finances
Des personnes bien intentionnées m'ont indiqué un jour que je pouvais tenter le concours d'inspecteur des finances au tour extérieur. Une centaine de candidats pour une à deux places par an. Mieux vaut jouer au loto.
J'y ai appris la rigueur. Je suis tombé dans une tournée de l'ENA très sympa, très loin des clichés que l'on véhicule sur l'IGF.
J'y ai surtout appris que le pouvoir, la carrière ne m'intéressait pas et que je préférais privilégier ma vie de famille à une hypothétique brillante carrière. Bref, j'ai démissionné et je suis retourné dans mon administration d'origine.
Un truc que j'ai gardé : rapporteur à la commission des marchés du CNES. Bien qu'ayant démissionné de l'IGF, le CNES souhaitait me conserver comme rapporteur. 11 ans de bonheur, j'ai étudié tous les programmes spatiaux. Une question que nous nous posions et que je n'ai pas encore totalement résolue : les mathématiques existeraient-elles sans l'homme. (Attention il y a un piège dans la question).

2006-2016 Toulon, l'ouverture à la complexité du monde et aux mathématiques
D'abord comme directeur départemental des affaires maritimes puis comme directeur du parc national de Port-Cros. Je passe très rapidement sur le poste de DDAM, rien de particulier.
En revanche sur Port Cros, il y avait un sacré challenge à relever : comment multiplier par 80 la surface du Parc national dans un département où l'environnement et l'urbanisme ne font pas bon ménage. Alors qu'en 2011 les varois manifestaient contre le parc national, en 2015, 90% d'entre eux se déclaraient favorables au nouveau projet du parc. Nous avions réussi à concilier l'homme et l'environnement. De toute manière comme l'écrivait Platon, l'homme est un être consubstantiel de la nature. Malheureusement dans notre administration de tous les jours, pour sauver la nature on exclut l'homme ce qui est tout simplement idiot.
Nous avons également relancé l'activité littéraire sur Port Cros. Les cahiers de la NRF sont nés à Port Cros pendant l'entre-deux guerres. J'ai proposé à Antoine Gallimard de relancer une activité littéraire, il a accepté. Nous avons accueilli des écrivains sur l'île. Le patrimoine immatériel. J'ai travaillé également sur des programmes de recherche scientifique assez pointus en matière de bioacoustique et de mathématiques. J'étais loin d'imaginer tout cela au début de ma carrière.
Cette affectation fut aussi pour moi l'occasion de faire des rencontres fabuleuses notamment avec un ancien élève devenu collaborateur d'Alexandre Grothendieck, un des plus grands mathématiciens du XXème siècle, au moment où je me suis remis aux mathématiques. Ces mathématiques m'ont aidé à mieux comprendre la nature qui était mon fonds de commerce.

Ma femme étant mutée sur Nantes, je devais me trouver un poste. Je me tourne vers le grand timonier (inspection générale) pour savoir s'ils avaient quelque chose. Réponse : avec tout ce que tu as fait tu trouveras bien quelque chose (sacrée GRH!). Le préfet de région des Pays de la Loire que j'ai vu pour un poste de SGAR adjoint m'a indiqué que je risquerai rapidement de m'ennuyer mais qu'en revanche il avait besoin d'un directeur interrégional de la mer, poste vacant depuis 15 mois !
C'est comme cela que j'ai été nommé directeur interrégional (Bretagne Pays de la Loire) de la mer à Nantes depuis janvier 2017.
Je gère une assez grosse machine (500 agents) et nous nous préparons aux changements AP 2022, je les prépare surtout à évoluer dans un monde administratif en perpétuel changement. Je fais beaucoup de route (j'ai pas un bilan carbone folichon).


Quel bilan tires-tu de tout cela ?

J'ai 51 ans, je ne peux plus guère avancer dans le corps des administrateurs (j'ai un super uniforme de général) et il me reste douze ans à tirer !
Dans une vision déterministe et linéaire des choses je suis dans une voie sans issue.

Mais si je fais un premier bilan de ma carrière (je commence eh oui à rentrer dans la catégorie des vétérans) je me rends compte que ma carrière administrative a été tout sauf linéaire. J'ai toujours fait ce qui me plaisait, ce que j'avais envie de faire. Comme je ne suis pas carriériste, je n'ai jamais succombé au mirage de l'avancement, des médailles ou des postes prestigieux, cette course à l'échalote qui à mon point de vue ne conduit à rien.
Je retiens de ces premières 25 années de carrière la passion de monter des projets et surtout de travailler en équipe, de motiver ses collaborateurs, c'est çà à mon sens les ressources humaines.
Ma carrière fut essentiellement faite d'opportunités. Il est vrai que l'absence totale d'ambition et la seule motivation du plaisir intellectuel m'ont ouvert très largement le spectre des possibilités.
Bref une belle aventure humaine et intellectuelle.

Que m'a apporté l'IEP ?

La diversité des enseignements de l'IEP nous apprend à nous adapter à un monde en constante évolution. La vie n'est pas régie selon un mode déterministe mais plutôt probabiliste.
De Gaulle écrivait dans « Vers l'armée de métier » que la véritable école du commandement c'est la culture générale. Oui en ce sens qu'elle vous impose de comprendre le monde et non pas de l'apprendre par cœur et comprendre le monde, ses mécanismes, c'est en partie trouver les solutions les plus propices tout en sachant que notre capacité à faire changer les choses est relativement limitée, il faut en avoir conscience. J'en veux pour preuve la similitude entre ce qu'écrivait Balzac sur l'administration dans son œuvre Les employés et l'administration d'aujourd'hui. Après de multiples réformes, modernisation et tout le toutim, l'œuvre de Balzac est d'une insolente actualité.

Il est vrai que l'étude des mathématiques m'a permis de mieux conceptualiser les problématiques et de m'accommoder assez facilement avec le caractère probabiliste de ce qui nous entoure.

 

Guillaume SELLIER
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09/10/18


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