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Le social au quotidien

 

Thierry Heurteaux, 1988 PO - DEA Et. Pol. 1989
Après un DEA d’Etudes Politiques (1989) et des recherches en géographie politique, Thierry Heurteaux a finalement trouvé son cheval de bataille : le conseil aux entreprises. Il s’exerce à la direction des ressources humaines à Unilog dès 1994. De fil en aiguille, il apprend les rudiments du métier sur le terrain : droit du travail, négociation, organisation de réunions, et conflits aussi. Après un passage comme formateur à la Cegos en 1997, il prend la décision avec trois collègues de monter leur propre entreprise de consulting en stratégie sociale. Pactes Conseil voit donc le jour en 2001. Aujourd’hui, elle compte plus de 65 clients actifs dont SFR depuis 2002, Orange, DHL, Louis Vuitton, Hermès ou de grands groupes agro-alimentaires comme Lactalis et Bon grain. Avec toujours en sourdine cette idée que le social reste un levier de performance – industriel, économique et de bien-être – qu’il faut savoir actionner.

Pourquoi avoir choisi le conseil en stratégie sociale, auprès des entreprises ?
Pour nous, il est important d’avoir des convictions dans ce métier qui s’approche au plus près des relations sociales, c’est ce que nous pensons détenir. Tout d’abord, il ne faut pas négliger l’importance du social au sein d’une entreprise. Ca ne nécessite pas forcément des sommes d’argent importantes mais cela suppose surtout un engagement en énergie et en temps de la part des salariés et dirigeants. Avoir une relation mâture avec ses interlocuteurs est un passage-clé, pour éviter la haine ou la naïveté dans les relations de travail. Enfin, il ne faut pas camper sur des positions légalistes et s’enfermer dans le droit. Il faut savoir prendre des risques et chercher un point d’équilibre entre économique, relationnel et juridique.

Quels sont vos principaux domaines de compétence ?
Le diagnostic social est un premier outil : savoir détecter où sont les tensions et comment agir. Ca concerne la gestion des conflits bien sûr, mais aussi l’appui à la négociation ou le fait d’aider un comité de direction à piloter sa stratégie. Depuis 2003, le sujet montant de l’absentéisme au travail et des risques dits psychosociaux (stress, incivilités, etc.) nous concernent au premier chef. On a publié à l’occasion un livre sur ce thème, sous forme de 50 fiches pratiques énonçant la façon de gérer les tensions au quotidien. On veut garder une vision de terrain, un côté pratique et utile, c’est ce qui nous démarque. C’est pour ça qu’on s’axe sur la pédagogie et la transmission de nos savoirs et méthodes via des stages de formation aussi bien aux digireants d’entreprise qu’aux agents de maîtrise. Le but est qu’ils puissent à leur tour faire face aux situations de conflits ou simplement savoir démarrer une réunion de travail par exemple.

Quel regard portez-vous sur des phénomènes comme celui des suicides à France Telecom ?
Je pense que le principal problème à France Telecom réside dans le fait que syndicats et dirigeants n’ont pas le même langage ni la même vision des problèmes au sein de l’entreprise. Quand Didier Lombard évoque une « mode des suicides », il veut parler d’effet de contagion. Mais il témoigne aussi d’un certain déni de la part de la direction, qui ne sait pas comment prendre ce problème à bras le corps. Les dirigeants ont mis beaucoup de distance avec leurs salariés en souffrance. Or ils ne se rendent plus compte des problèmes qui en découlent. Les suicides ne sont que le résultat d’un continuum. Depuis les premiers signes de souffrance, les salariés passent par différents degrés sur « l’échelle de Richter sociale » : mésentente, déprime, colère, mise en pratique de la violence. Deux cas de figure apparaissent alors : cette violence peut être extériorisée et s’exprimer sous une forme de solidarité (comme à Molex ou Continental) ou alors – et c’est plus dramatique – les salariés retournent cette violence contre eux-mêmes (c’est le cas à France Telecom) ou contre leurs dirigeants. On le voit avec le phénomène de la séquestration de patrons. Nos indicateurs servent justement à montrer et prévenir autant que possible cette montée en tension.

Estelle FAURE
2011 POL - Journalisme

Interview tirée du Magazine n°43 (Novembre 2009)



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