Laetitia
CLAVREUL, journaliste, Le Monde (IEP 1995 PO)
Après un bac ES obtenu en 90, Laetitia Clavreul intègre
un IUT Infocom à Paris pour 2 ans. Malgré le fait que cette
formation ne lui convienne pas, elle décide tout de même
de la poursuivre jusqu'à la fin. Elle part ensuite en Allemagne
en 92 (après la réunification donc) afin de travailler dans
un institut chargé de réinsérer les jeunes issus
de l'ex-RDA en leur trouvant des stages en France, en Espagne, au Portugal
(etc) et de les "ouvrir à l'Europe".
Forte de cette expérience professionnelle enrichissante mais néanmoins
ayant encore soif d'apprendre, Laetitia Clavreul gardait en tête
sa volonté de devenir journaliste qui continuait de grandir au
fur et à mesure qu'elle "pigeait" en écrivant
"quelques papiers par-ci par-là" pour le journal Ouest-France
(depuis la fin de son bac, avec un stage de deux mois en tant que localière
chaque été). C'est à la suite de cette année
en Allemagne qu'elle réussit le concours de l'IEP de Grenoble de
2ème année section politique. Son objectif était
de rejoindre et d'intégrer le monde de la presse régionale.
C'est d'ailleurs ce qui constituera en partie le thème de son mémoire
de 3ème année : "le pluralisme politique dans la presse
régionale", ou le rôle que joue la presse régionale
en terme de démocratie à l'échelle locale.
Le master journalisme n'existant malheureusement pas à l'IEPG à l'époque, Laetitia Clavreul intègre ensuite donc le CUEJ à Strasbourg, l'une des écoles de journalisme reconnues par l'Etat. On lui proposera à la sortie un stage d'édition à Libération, et malgré le fait que son objectif était de rédiger des papiers, elle précise que ce n'est "pas quelque chose qui se refusait". Finalement, elle est très vite séduite par l'édition et multiplie les postes pour Libération, Télérama ou encore le JDD pendant 2 ans. Elle participe par ailleurs également au lancement d'un journal pour ados parallèlement, l'Actu, où elle s'occupe d'une double page d'infographie mettant en lien actualité et programme scolaire. Elle est ensuite sollicitée par Le Monde pour un long CDD d'édition, occasion sur laquelle elle rebondit également afin de pouvoir enrichir sa carrière pourtant déjà riche et diverse.
Comme elle le rappelle au cours de notre entretien, "faire de l'édition dans un quotidien national n'était absolument pas [son] rêve au départ", c'était même loin de ce pourquoi elle avait fait une école de journalisme, elle qui souhaitait "faire de la rédaction en presse régionale".
Laetitia Clavreul restera secrétaire de rédaction pour Le Monde entre 99 et 2004, année où elle accèdera enfin à un poste de rédaction au service économie, notamment sur les questions d'énergie. Elle changera par la suite assez fréquemment de thème de travail en passant par plusieurs services comme l'agroalimentaire pour le service régions puis économie. Durant cette période, elle a été relativement marquée par des évènements comme les émeutes de la faim, où encore la question de l'accaparation des terres agricoles africaines par la Libye ou la Chine lui donnant l'occasion d'aller réaliser des reportages en Afrique. Elle écrira également très vite successivement pour tous les services du journal. Ceci constitue pour elle une période qu'elle décrit encore comme "très enrichissante d'un point de vue professionnel".
C'est depuis 2009 qu'elle travaille au service France
sur des questions de société et particulièrement
de santé. Les thèmes qu'elle y développe le plus
fréquemment sont par exemple les problématiques d'accès
aux soins, avec les dépassements d'honoraires, les déserts
médicaux, mais aussi le problème de la toxicomanie, la psychiatrie
ou encore le débat actuel autour de la fin de vie et de l'euthanasie.
Son travail quotidien consiste à analyser les politiques de santé
publique. Néanmoins, elle met en garde sur le fait qu'elle n'est
"pas là pour donner [son] avis, mais pour relater un débat".
Ainsi, "ce n'est pas toujours facile de rester objectif sur des sujets
de société" toujours selon ses mots, "on est facilement
catalogués". Ceci prend par exemple tout son sens avec la
question de l'euthanasie. Elle se force à ne pas avoir d'opinion
sur le sujet afin de rester aussi neutre que possible.
Elle décrit volontiers son métier comme
"passionnant". Le sujet de la santé est d'autant plus
intéressant pour elle que "tout le monde a un point de vue
sur des sujets qui sont toujours "très concernants".
Aussi, elle essaie autant que faire se peut de répondre à
tous les courriers et messages de ses lecteurs pour faire avancer le débat.
Elle est relativement libre du choix de ses sujets, et bien que certains
sujets s'imposent tout de même au regard de l'actualité,
elle semble très attachée à cette liberté
qui caractérise son quotidien professionnel.
A propos de la question de la précarité
de la presse, Laetitia Clavreul déclare que seul le "contenant"
est en danger et non le "contenu". En effet, selon elle, le
métier de journaliste n'est pas en danger puisque le devoir d'informer
est toujours d'actualité même si la façon de le faire
évolue. Certes, "ça va plus vite qu'avant" et
le réel défi est de "trouver les priorités"
: quel article publier et quand, faut-il publier d'abord sur internet
avant la version papier, etc.
Elle publie plusieurs papiers par semaine aussi bien pour la version papier
que pour la version internet. Le "luxe" pour elle étant
de pouvoir se consacrer pendant 4 à 5 jours à une enquête
ou un reportage. Elle se désole tout de même du manque de
temps dont pâtissent les journalistes pour aller sur le terrain.
C'est donc "une belle maison" qu'est Le Monde pour Laetitia Clavreul qui n'envisage absolument pas de changer d'employeur. La rubrique pour laquelle est travaille est "intellectuellement très enrichissante" et elle souligne, de toutes façons, les facilités qu'il y a à changer de rubrique ou de service, lui offrant toujours des perspectives d'évolution après ses 13 ans déjà passés au sein du journal.
Le mot aux étudiants
Il faut s'accrocher pour y arriver! Le métier n'est plus aussi
ouvert qu'il n'a pu l'être. Il faut absolument profiter des possibilités
qu'offrent internet et les nouvelles technologies pour "exister".
Car oui, il faut se faire connaître pour réussir dans le
milieu. Mais avec de belles idées d'angle d'attaque pour ses articles
et une motivation à toute épreuve, tout le monde peut y
parvenir selon Laetitia Clavreul.
Interview réalisé par Hugo Schmitt
17/06/2013