Stéphane ARPIN (2001 EF), Consultant, Expert Economique Indépendant chez Arpin Expertises à Lardy.
Stéphane Arpin exerce aujourd’hui comme « économiste au service du dialogue social d’entreprise ». A son compte depuis 2012, il décrypte les enjeux économiques et sociaux des stratégies d’entreprise pour les salariés et leurs syndicats. Une passion pour l’économie qui l’a conduit du monde bancaire feutré au dialogue social à la française aussi conflictuel qu’enrichissant.
Pourquoi le choix de Sciences Po Grenoble ?
Comme beaucoup de bacheliers, l’année de
mes 18 ans était une année décisive : l’enchaînement
du bac, du permis de conduire durant l’été tout en
préparant le concours d’entrée à Sciences Po.
J’ai eu un « coup de foudre » pour l’économie
politique au lycée grâce à Monsieur Massy, professeur
de sciences économiques au lycée d’Albertville, lui-même
diplômé de Sciences Po Grenoble. Dès le lycée,
comme d’autres enseignants soixante-huitards de sa génération,
il nous a transmis le goût du débat et de l’argumentation
tout en éveillant en nous un intérêt croissant pour
les questions de société à travers la macro-économie,
la sociologie et les sciences politiques.
La découverte de ces nouveaux champs de connaissance au lycée
fut la genèse de mon intérêt pour Sciences-Po. Notre
classe de terminale avait fait le déplacement à Grenoble
pour visiter un certain nombre de formations universitaires : j’avais
bien entendu cocher depuis longtemps la case « IEPG » dans
le programme de visite… (rires)
J’avais ensuite conservé religieusement, jusqu’au concours,
la brochure de l’établissement détaillant l’ensemble
du cursus tellement j’étais impatient de découvrir
ces enseignements.
Dès le lycée, j’étais donc attiré par
le débat politique et les questions de société mais
toujours avec le prisme de l’économie : j’ai toujours
pensé que l’économie était au fondement des
sociétés modernes et qu’elle structurait la société
et les conflits inhérents.
C’est ainsi qu’en 2ème année à l’IEP,
j’ai tout naturellement opté pour la section « économie
et finance » dans le but futur d’exercer une fonction au cœur
de la vie économique.
Comment ce vif intérêt pour l’économie
s’est concrétisé dans votre parcours professionnel
après Sciences Po ?
Avec la fragmentation actuelle du monde et le grand
retour de la géopolitique, on a un peu perdu de vue que les années
2000 étaient celles du triomphe de l’économie au sein
d’une mondialisation que beaucoup (dirigeants d’entreprise,
classe politique, universitaires…) croyaient alors comme inéluctable
dans une sorte de communion planétaire permise par la « fin
de l’Histoire » selon la célèbre formule de
Fukuyama.
Ces années-là étaient clairement celles de la financiarisation
du monde et je trouvais cet univers là aussi sulfureux qu’intéressant
car « au cœur du système » me semblait-il à
l’époque.
J’ai donc débuté mon parcours professionnel à
Paris au sein de la banque Dexia Crédit Local spécialisée
dans le financement des collectivités locales. Cette double appartenance
au monde bancaire et au secteur des collectivités locales convenait
parfaitement à mon cursus à l’IEP.
J’ai alors débuté dans un poste polyvalent d’économiste
au sein de la direction des marchés où j’étais
chargé de suivre la conjoncture macro-économique, de réaliser
des audits internes, de conduire des études sur les prêts
délivrés aux collectivités locales, de préparer
des éléments de langage pour la direction générale…
Quelle a été ensuite votre évolution professionnelle ?
J’ai ensuite voulu me sentir plus utile pour la
société en associant concrètement la dimension économique
et sociale. C’est alors que je me suis orienté vers le conseil
aux comités d’entreprise, instances représentatives
du personnel créées en 1945 et dont les prérogatives
ont ensuite été étendues par les lois Auroux de 1982.
Durant 3 ans, j’ai fait l’apprentissage au sein d’un
cabinet parisien de ce métier riche et complexe d’expert
économique au service des élus représentants du personnel
dans les entreprises. Je me suis peu à peu spécialisé
dans l’industrie, fasciné par les processus de fabrication,
la richesse technique et humaine de ces métiers.
Nos missions d’expertise sont régies par le Code du travail,
et notre métier rassemble en France à peine 2000 salariés
et mobilise un large champ de compétences (analyse macro-économique,
comptabilité, diagnostic stratégique, analyse financière,
droit social, sociologie du travail).
Il s’agit donc d’un métier de généraliste
de l’entreprise totalement adapté pour un cursus Sciences
Po !
Pourquoi préférez-vous parler de « mode de vie professionnel » que de « carrière » ?
La notion de « carrière » me paraît
dorénavant quelque peu datée car renvoyant à des
parcours professionnels rectilignes des « Trente Glorieuses »
jusqu’aux années 90.
Je pense qu’il vaut mieux désormais raisonner en termes de
« mode de vie professionnel » : une notion plus large du cadre
professionnel englobant la vie personnelle, le lieu de résidence,
le temps de transport pour aller travailler, la place donnée au
temps libre…
Je pense qu’il est salutaire de s’interroger à différentes
étapes de sa vie professionnelle sur le mode de vie que l’on
souhaite mener avec ses avantages et ses contraintes.
Personnellement, j’exerce depuis 12 ans maintenant mon métier
d’expert économique à mon compte. Car à l’aube
de la trentaine, fatigué par la « 6ème journée
cachée » de la semaine de travail par les transports en Ile
de France et devenu père, je recherchais avant tout la liberté
afin d’organiser moi-même mon travail.
Je travaille aujourd’hui avec un réseau de cabinets partenaires
et j’ai installé mon bureau chez moi dans un charmant petit
village en pierres de l’Essonne au milieu des rivières et
des forêts mais seulement à 45 minutes du centre de Paris.
La crise du covid a grandement accéléré la transformation
du salariat cadre avec le télétravail et le désir
grandissant des cadres de créer leur entreprise ou de valoriser
leurs compétences en devenant « free-lance ». Je crois
que l’on se dirige à termes vers une société
de « free-lance » comme réponse à l’épuisement
actuel du salariat et grâce à la puissance des outils technologiques
d’aujourd’hui.
Que retenez-vous de vos années à Sciences Po Grenoble ?
Sur le fond, la formation intellectuelle bien sûr
avec une culture générale forgée grâce à
cette fascinante diversité de cours qui permet d’avoir une
vision structurée du monde contemporain et d’injecter du
sens même dans les situations les plus chaotiques.
Sur la forme, des méthodes de travail orientées vers l’efficacité,
la synthèse, la rigueur de l’expression écrite comme
orale et le sens de l’argumentation. Soit à mes yeux autant
de qualités déterminantes dans l’environnement professionnel
d’aujourd’hui, quelques soit le secteur d’activité
ou la fonction occupée. Dans mon travail, tous les jours je «
fais du Sciences Po » ce qui me permet de générer
d’importants « gains de productivité » au service
de ma vie personnelle ! (rires)
Et puis bien sûr, des souvenirs de soirées étudiantes
passées à faire la fête ou à refaire le monde
avec des amis rencontrés sur les bancs de l’IEP dont certains
sont devenus des « amis pour la vie ». C’est toujours
avec le même plaisir que je les revois. Comme si le temps s’était
arrêté, nous nous revoyons et poursuivons nos débats
comme lors de nos jeunes années à l’IEP : une vraie
cure de jouvence !
Quels conseils donneriez-vous à nos étudiants ?
Interrogez-vous sincèrement sur des problématiques de « mode de vie » que personne n’aborde réellement lorsque l’on est étudiant mais qui me paraissent pourtant décisives dans la construction d’un parcours professionnel :
• Suis-je plus à l’aise dans le travail solitaire ou collectif ?
• Est-ce que je préfère vivre à la campagne ou dans une grande ville ?
• Est-ce que je préfère être reconnu pour mes compétences intellectuelles, ma créativité, mes aptitudes relationnelles ou mes qualité managériales ?
• Quel est mon rapport à l’argent ?
• Avoir du temps libre, est-ce important pour moi ?
• Quel rapport ai-je à l’autorité et à la hiérarchie ?
• Ai-je envie plus tard de manager ou bien l’expertise me convient mieux ?
Bref, il s’agit à mes yeux de questionnements
existentiels fondamentaux qui vont orienter les étudiants dans
des secteurs d’activité et des familles de métiers.
Répondre sincèrement à ces questions permet d’éviter
les erreurs de parcours et certaines déceptions.
Pour paraphraser Socrate, pour trouver sa voie après l’IEP,
avant toute chose « connais-toi toi-même ! ».
Stéphane ARPIN
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28/03/2024