Lilas CHABOT (2015 PES -
Master VTS)
Mon envie d'intégrer Sciences PO remonte au lycée : j’ai d’abord été intéressée par l’interdisciplinarité, la complémentarité des matières enseignées, et l’étude des enjeux contemporain. Un beau mélange pour satisfaire ma curiosité et m’éviter de devoir me spécialiser trop tôt alors que je me sentais encore bien loin du monde du travail ! Comme je n’étais pas vraiment préparée aux concours d’entrée des IEP, je suis passée par une Hypokhâgne B/L lettres et sciences sociales avant d’arriver à Grenoble en “accès direct” deuxième année. J’ai choisi la spécialité PES au moment du concours, pour l’approche “sociale” des politiques publiques. J’ai par la suite intégré le master “Villes, Territoires, Solidarités”, parce qu’il était pour moi dans la continuité des enseignements que j’avais suivis depuis mon entrée à l’IEP. A l’occasion des deux mémoires et du stage de master 2, je me suis tournée vers les politiques éducatives et me suis découvert un véritable intérêt pour ce champ des politiques publiques.
J’ai choisi de passer mon année de master 1 à l’étranger, avec un échange universitaire en République Tchèque et un stage au Canada. Si cette expérience professionnelle outre-atlantique m’a été profitable sur le plan culturel et humain, elle restait trop éloignée des enseignements de l’IEP et des débouchés professionnels que je visais. Mon conseil aux étudiants serait le suivant : définissez précisément les objectifs que vous cherchez à atteindre à travers ces expériences de stage, que voulez-vous, qu’en attendez-vous, et dans quelle mesure ce stage pourra-t-il être un tremplin professionnel ? La recherche de stage peut effrayer lorsqu’on connaît peu le secteur d’activité vers lequel on souhaite se tourner, mais appuyez vous sur les outils qu’offre l’IEP. L’association des diplômés est une très bonne porte d’entrée pour découvrir des parcours inspirants, et solliciter des personnes pour qu’elles vous conseillent ! Nous avons la chance, au sein du master VTS, de pouvoir compter sur un réseau d’anciens élèves qui participent activement aux différents séminaires d’enseignement, et partagent régulièrement des offres d’emploi et de stage.
J’ai profité de la deuxième année de master et des six
mois d’alternance pour découvrir l’univers des collectivités territoriales.
L’action éducative locale connaissait alors un petit chamboulement avec
la fameuse “réforme des rythmes scolaires”, et c’est dans ces circonstances
que j’ai découvert de l’intérieur les rouages d’une collectivité. Durant
cette même année de master, j’ai passé et obtenu le concours d’attaché
territorial. L’IEP nous prépare très bien aux épreuves écrites d’admissibilité,
car nous sommes habitués à analyser, synthétiser et problématiser. Avoir
expérimenté le grand oral de Sciences Po est un entraînement utile pour
l’épreuve d’admission pour ne pas se laisser effrayer par le formalisme
de l’épreuve. Le jury cherche néanmoins à évaluer la capacité du candidat
à se projeter en situation professionnelle; avoir une expérience en collectivité
vous aidera assurément à formuler des réponses concrètes et éclairées.
J’en souris aujourd’hui mais à l’époque, j’avais un peu d’appréhension
à l’idée de faire partie des fameux “reçus-collés” (c’est à dire les lauréats
qui ne trouvent pas de poste dans les trois années qui suivent l’obtention
du concours). Finalement, c’est juste après la fin du master que j’ai
intégré la mairie de Saint-Etienne en tant que “Cheffe de projet rythmes
éducatifs”. J’y ai passé trois années riches en apprentissages, ponctués
de changements. Pour moi, il est évident que c’est l’obtention du concours,
ainsi qu’une expérience directement transférable sur le poste pour lequel
j’avais postulé, qui m’ont permis d’intégrer une collectivité aussi rapidement.
L’environnement de travail de la territoriale est très opérationnel, la
déclinaison des politiques publiques se fait en lien direct avec l’usager
et le terrain. Aussi, le grade d’attaché territorial recouvre des réalités
très différentes d’une collectivité à l’autre, en terme de responsabilités,
de relations avec l’exécutif, ou de proximité avec le terrain. Connaître
l’univers territorial vous aidera à décrypter les offres d’emploi, comprendre
le jargon administratif et les enjeux du poste plus facilement. Les postes
de chargé de mission ou de chef de projet font pour moi partie des meilleures
portes d’entrée en collectivité, car ils comportent encore peu de responsabilités
managériales.
A Saint-Etienne, mes missions ont toujours été très variées et “j’ai appris en marchant” : j’ai lancé des appels à projets et instruit des subventions aux associations, j’ai organisé des partages de locaux scolaires, établit des procédures de sécurité pour l’accueil des enfants, recruté du personnel, accompagné des professionnels sur du montage de projet éducatif, collaboré avec l’UNICEF sur le respect des droits de l’enfant en France, ou encore travaillé avec les élus en “aidant à la décision”. Je trouve passionnant d’être au coeur de l’éducatif local, car c’est un ensemble immense et complexe de logiques d’acteurs. Mon rôle consiste à articuler les orientations politiques avec la mise en oeuvre, sur le terrain, d’un projet éducatif cohérent. J’ai également eu la belle opportunité d’intervenir en 2018 en tant que professionnelle de l’éducation auprès des étudiants du master VTS : c’était la première fois depuis mon départ de l’IEP que je prenais un tel recul, distancié et critique sur mes fonctions.
Un des avantages lorsqu’on est fonctionnaire territorial, c’est que l’on peut être amené si on le souhaite à occuper des postes très différents au sein de sa collectivité. Pour ma part, j’étais désireuse d’évoluer mais j’ai préféré changer de collectivité, et c’est vers Annemasse, ville frontalière de Haute-Savoie, que je me suis dirigée. J’occupe depuis début 2019 les fonctions de coordinatrice du Projet Éducatif Territorial. J’avais hésité à changer de secteur d’activité, mais c’est finalement mon coeur qui a parlé en faveur de l’éducation. J’ai quitté une grosse collectivité de plus de 3 000 agents avec une organisation hiérarchique laissant peu de place à la transversalité, pour prendre mes fonctions dans une collectivité jeune et à taille réelle, qui s’appuie sur un management “d’entreprise libérée”. Je passe d’un territoire de 90 écoles à un territoire qui en compte une quinzaine. C’est un véritable changement que je cherchais : je souhaitais être plus proche du terrain et des acteurs, car c’est en ayant une connaissance précise des besoins qu’on produit du sens et qu’on peut co-construire.
L’administration peut parfois paraître dépassée, difficile
à faire changer, mais je pense qu’il y a de réelles possibilités d’innovation
dans les collectivités si l’on ose s’appuyer sur ses capacités d’analyse
et son esprit critique. Nos devoirs de fonctionnaires ne sont pas incompatibles
avec notre propre système de valeurs, bien au contraire. Je pense qu’il
faut savoir exprimer une pensée divergente ou une idée originale lorsqu’elle
peut servir l’intérêt général. En outre, le statut des fonctionnaires,
n’est pas un privilège; c’est avant tout un gage de continuité du service
public et un garde-fou qui doit nous permettre d’impulser une vision de
long terme de l’action publique. N’oublions par l’école par laquelle on
est passée : elle nous a appris à penser, à prendre du recul, et à critiquer.
Alors, on doit s’en servir quotidiennement.
Lilas CHABOT
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