Anne-Laure Saint-Dizier, 1994 SP
Ancienne élève de l'IEP, agrégée de sciences
sociales, et désormais administratrice au Sénat depuis 2002.
Entretien avec une femme qui a réussi l'un des concours les plus
difficiles et les plus prestigieux de la fonction publique.
Pourriez-vous résumer rapidement votre
parcours universitaire - éventuellement professionnel - jusqu'au
concours d'administrateur du Sénat ?
Après le bac, j’ai fait deux ans de classe préparatoire
(Hypokhâgne et Khâgne B/L) et ai passé le concours
d’accès en deuxième année de l’IEP de
Grenoble. J’ai intégré la section « Service
public », dans l’optique de passer les concours d’entrée
dans la fonction publique. Après mes deux années à
Grenoble, j’ai rejoint la prép’ENA de Science Po Paris.
Et j’ai finalement réussi l’agrégation de Sciences
sociales en candidat libre ! Je n’ai réussi le concours du
Sénat que six ans plus tard, en le préparant en candidat
libre tout en enseignant en lycée. J’y suis rentrée
en septembre 2002.
Pourquoi avoir choisi d'intégrer l'IEP de Grenoble ? En
gardez-vous un bon souvenir (formation/ambiance) ?
Je savais depuis très longtemps que je voulais faire des études
de Science politique. J’ai toujours été passionnée
d’histoire et de sociologie politique. De ce point de vue, la formation
que j’ai reçue à Grenoble a été tout
à fait à la hauteur des mes attentes. Je garde un parfait
et excellent souvenir des cours d’Institutions publiques, d’«
Histoire des dictatures et des totalitarismes » et d’«
Histoire du Moyen Orient ». Nous avons eu la chance d’avoir
des professeurs passionnés et compétents dans leurs disciplines.
Avec quelques camarades de promo et notre professeur de culture générale,
nous avions organisé un échange avec le Département
de Sciences politiques de Tarabya en Turquie. Nous nous sommes rendus
sur place et avons organisé l’année suivante à
Grenoble un colloque sur « La laïcité en Turquie »
avec une trentaine d’intervenants turcs et français.
Le concours d'administrateur du Sénat est pour ainsi dire,
un des plus difficiles parmi ceux proposés dans la fonction publique.
Qu'est ce qui vous a amenée à tenter votre chance ? Il s'agit
au final d'un métier assez peu connu des étudiants, finalement
en quoi consiste celui-ci ? Et plus particulièrement au sein de
la commission des affaires sociales ?
Plusieurs de mes amis de Prép’ENA avaient réussi le
concours en 1996. Leur témoignage m’a incité à
tenter ma chance six ans plus tard. Je ne le regrette pas aujourd’hui.
L’un des attraits de cette administration est de permettre aux administrateurs
d’exercer à l’intérieur de l’administration
sénatoriale des fonctions très diverses. Pour ma part, j’ai
déjà occupé trois postes différents : dans
les services financiers du Sénat, à la commission des affaires
sociales et depuis quelques mois, j’ai été affectée
à la Direction du Protocole et des relations internationales. Evidemment,
lorsque l’on passe le concours, on espère travailler sur
les projets de loi avec les sénateurs. Le passage dans les services
législatifs constitue le moment le plus exaltant de la carrière
: auditions, rédaction des amendements, rédaction du rapport
législatif, de rapports de contrôle, … Il s’agit
de devenir un expert dans son domaine au service des sénateurs.
Pour ma part, j’étais spécialisée sur la politique
de la ville, le logement social, les politiques de lutte contre la pauvreté
et en faveur des personnes handicapées.
Quel conseil pouvez-vous donner à ceux qui souhaitent passer
des concours aussi exigeants ?
Il faut d’abord le vouloir bien sûr et beaucoup travailler.
Il faut déjà s’assurer de connaître les bases
du droit constitutionnel et parlementaire et d’être très
attentif à l’actualité politique et législative.
Il est recommandé de venir rencontrer des administrateurs du Sénat
et parler avec eux de leur métier, mais aussi de suivre les débats
sur la chaîne du Sénat, Public Sénat. Le site du Sénat
www.senat.fr recèle également une mine d’informations
!
Quel regard portez-vous sur l'état du Parlement aujourd'hui
(phénomènes d'absentéisme, perte du monopole législatif...)
?
En tant que fonctionnaire je suis assujettie à certain devoir de
réserve. Il convient néanmoins de rappeler que la séance
publique ne représente qu’une petite partie du
travail d’un parlementaire. D’autant plus que la réforme
constitutionnelle de 2008 a fait du travail en commission le temps fort
du travail législatif, puisque, désormais, l’examen
en séance publique se fait sur la base du texte issu des travaux
en commission et non plus sur la base du projet du Gouvernement (ou du
texte transmis par l’Assemblée nationale). Le travail en
commission est très chronophage et les sénateurs y participent
avec une grande assiduité et implication : auditions, examen des
amendements, etc. Ils sont membres d’une commission et se spécialisent
sur certains sujets. Ils interviennent donc logiquement sur les sujets
qu’ils maîtrisent. On ne peut être expert à la
fois sur les sujets de défense, d’environnement, de fiscalité
et de handicap !
Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?
Très positivement. Tout est ouvert. Je peux poursuivre ma carrière
au Sénat et occuper différents postes. La communication
m’intéresse. Je retournerai très certainement en commission.
Pourquoi pas les affaires étrangères ou les affaires européennes
après mon passage aux relations internationales ?
William SCHNEIDER
Etudiant, 3e année SP
Interview tirée du Magazine n°45 (Janvier 2012)