Hafida BELRHALI-FAUCON (1995 SP), Professeure de droit public à l’Université Grenoble-Alpes.
Pourquoi avoir voulu faire Sciences Po ?
Purement par hasard ! L’une de mes amies préparait le concours de l’IEP de Grenoble et j’ai fait comme elle ! Je ne connaissais pas du tout cette formation, personne n’évoquait Sciences po autour de moi. Je savais vouloir m’inscrire à la Faculté de droit de Grenoble, mais je réalisais que je n’avais pas envie de faire uniquement cela. J’ai réussi le concours d’entrée de l’Institut d’Etudes Politiques et j’ai tenu à faire les deux en parallèle, pendant trois ans.
Pourquoi avoir voulu suivre les deux formations ?
Même sans en avoir complètement conscience, j’avais besoin de l’ouverture permise par Sciences Po Grenoble et en même temps de mener des études plus spécialisées, aux débouchés clairement identifiables. C’était donc idéal pour moi de suivre une formation juridique et une formation interdisciplinaire. Cette démarche était absolument personnelle car il n’y avait pas de double cursus institutionnalisé à cette époque, seulement quelques équivalences admises.
Comment résumerais-tu tes années à l’IEP ? Qu’en ressort-il ? Qu’est ce qui t’a marquée ?
Des professeurs m’ont particulièrement marquée. Par exemple Jean-Paul Burdy et son cours sur le Moyen-Orient, sur la construction de l’État d'Israël ou encore l’histoire de la Turquie. Je me souviens des séances sur le génocide arménien, avec un amphithéâtre complètement silencieux et pendu à ses lèvres. Les cours de droit public d’Henri Oberdorff et de Jean Marcou restent aussi de beaux souvenirs. Et surtout l’un des derniers cours de Jean-Louis Quermonne…
Je me souviens aussi de la quantité de lectures que je faisais. Je lisais ce qu'écrivaient les professeurs que nous avions et je lisais beaucoup la presse aussi. Je ressentais la nécessité absolue de suivre l’actualité et de lire beaucoup, pas seulement parce que j’y étais encouragée par les enseignants, mais par volonté personnelle. J’avais besoin de me construire une culture générale, en particulier sur la vie politique. Je n’avais pas beaucoup d’acquis en entrant à l’IEP sur les questions politiques et internationales et j’en avais conscience.
Quel est ton parcours en sortant des 3 ans de Sciences Po Grenoble ?
Pendant l’IEP, d’abord, j’ai choisi la spécialisation Service Public. J’aimais déjà le droit public. Je décide en sortant de Sciences Po de finaliser mon cursus de Fac de droit et poursuis donc avec une année de maîtrise. Je fais ensuite un DEA de droit public, après lequel je décroche une allocation pour faire une thèse. En même temps que ma première année de thèse, je fais un deuxième DEA en Défense, sur les questions militaires. Je soutiens ma thèse en 2001, et l’année suivante je suis recrutée comme maître de conférences. L’année qui suit, je passe l’Agrégation de droit public. Je deviens alors professeure de droit public au sein de la Faculté de Grenoble. Toute une carrière donc en tant qu’étudiante, maître de conférences puis professeure dans cette Université !
Et maintenant, où en es-tu ?
Au début de ma carrière j’ai enseigné des matières très diversifiées. Ensuite j’ai beaucoup publié en responsabilité administrative. Je donne donc aujourd’hui essentiellement des cours de contentieux administratif et de responsabilité administrative. Ce sont des matières qui ont une vocation pratique. Cela importe beaucoup pour moi car je ressens de plus en plus le besoin d’avoir un rapport utilitaire au droit.
Très centrée sur mes activités d’enseignement et de recherche, j’ai publié notamment un ouvrage sur les grandes affaires de responsabilité de la puissance publique et étudié par exemple les grands scandales sanitaires, les affaires climatiques ou encore les préjudices de l’Histoire.
Par ailleurs, j’ai une activité d’expertise depuis 2022. J’ai alors été nommée membre de la Commission Nationale Indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis (CNIH). On m’a proposé au même moment de rejoindre le groupe d'indemnisation des victimes du valproate de sodium rattaché à l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).
J’ai donc travaillé dans la première commission pendant deux ans, je l’ai quittée en fin d’année dernière, et continue aujourd’hui à travailler sur des dossiers de victimes du valproate.
Ce travail d’expertise est très important pour moi, parce qu’il ajoute une expérience concrète à mon activité professionnelle.
Est-ce que tu souhaites donner un conseil aux étudiant.e.s actuelles de l’IEPG ?
C’est difficile de donner des conseils…
En te parlant, je réalise à quel point les professeurs dont
je t’ai parlé tout à l'heure m’ont marquée.
Je trouve que la marque qu’on peut laisser est très profonde.
J’aime me dire que cette transmission est vraiment importante. Aujourd’hui
cela me touche beaucoup quand mes étudiants après 5 ans,
10 ans, m'envoient un mail et me donnent de leurs nouvelles. C’est
quelque chose de fort, et de précieux humainement. C’est
donc l’occasion pour moi de saluer mes professeurs.
Aux étudiants, j’ai envie de dire : lisez,
lisez, lisez ! Et pas seulement sur écran. Sans tomber dans quelque
chose de moralisateur, je veux souligner l’importance de la lecture.
Avec mes étudiants, je pratique les cours sans ordinateur : c’est
une belle expérience et en termes de qualité d’attention
et de lien humain, c’est formidable pour moi d’avoir de tels
cours avec eux !
Interview réalisé par Nina BELRHALI,
étudiante en 3e année
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02/05/2025