Didier CHABANET (1990 PO), Chargé de Recherche HDR, IDRAC Business School Lyon.
Un retour sur mon parcours :
A la sortie de mon Baccalauréat « Science économie » en 1985, j’ai commencé mes études supérieures dans un IUT GEA (Gestion des Entreprises et des Administrations). A cette époque, mon objectif était d’être journaliste et je ne me destinais pas encore aux sciences sociales et politiques. En IUT, je ne me suis pas vraiment retrouvé dans le cursus, à cause notamment d’une matière : la comptabilité qui ne me convenait pas. J’ai donc souhaité me réorienter tout d’abord vers une licence AES (Administration Economique et Sociale). Puis, suivant l’exemple d’un ami du lycée, j’ai passé le concours de Sciences Po Grenoble en « accès direct », ce qui m’a permis de rentrer en deuxième année.
Dans mes deux années à l’IEP, j’ai découvert un monde académique nouveau qui m’a beaucoup plu, où la grande majorité des enseignements m’intéressait. C’était la première fois que je me faisais complètement plaisir dans mes études. A la sortie de Sciences Po, j’ai réalisé un DEA à Lyon pour pouvoir poursuivre mes études et avoir du temps pour continuer ma passion de l’époque, qui était le tennis de table. Inscrit ensuite en doctorat, j’ai obtenu une bourse d’allocataire-moniteur qui m’a permis d’être payé dès ma première année et d’être rattaché à l’ENS. Je devais donc enseigner quelques dizaines d’heures par an, en même temps que je commençais la rédaction de ma thèse. En milieu de thèse, j’ai subitement arrêté la pratique du tennis de table dès lors que j’ai eu le sentiment de ne plus progresser beaucoup. J’ai alors reporté l’esprit de compétition qui m’animait depuis plus de 10 ans sur mes études : C’est à ce moment que je me suis vraiment inscrit dans l’exercice de la rédaction de thèse.
A partir de 1995, une fois obtenu mon doctorat, j’ai essayé pendant 4 ans de chercher un métier dans la science politique et la sociologie en France, mais sans aucun succès. Durant cette période, j’ai cependant passé deux années fabuleuses à Oxford, où j’ai pu rencontrer des professeurs de renommée internationale, en particulier Vincent Wright. Ces deux années m’ont énormément apporté. J’ai tissé des réseaux de recherche de grande qualité, perfectionné mon anglais, poursuivi ma formation intellectuelle avec une très grande ouverture à l’international et obtenu plusieurs prix prestigieux. Grâce à l’aide de certains professeurs et à la renommée de l’université, j’ai également pu organiser deux colloques internationaux importants et faire valoir mes travaux. J’ai aussi intégré St Antony College, un lieu prestigieux spécialisé dans les relations internationales, grâce à l’obtention de la Deakin Fellowship. Avec le recul, je peux dire que ces années à Oxford ont été déterminantes dans ma carrière, me permettant notamment de commencer à me faire connaître dans l’analyse des mouvements sociaux européens. Avec le soutien de Vincent Wright, j’ai ensuite intégré l’IUE (Institut Universitaire Européen) de Florence où j’ai passé deux ans dans une structure appelée le « Forum européen », qui regroupait une vingtaine de spécialistes mondiaux des questions européennes. L’expérience a été passionnante mais difficile, car j’étais l’un des plus jeune chercheur, entouré de chercheurs qui pour certains étaient des stars de leur domaine, à l’image de Sidney Tarrow, avec qui j’ai eu la chance de collaborer.
A ce moment-là, je me suis retrouvé dans une situation assez paradoxale, puisque je commençais à bénéficier d’une certaine reconnaissance, mais sans obtenir un poste stable dans une université française ou au CNRS.
Heureusement, en 2001, j’ai été recruté en tant que chargé de recherche à l’INRETS (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité). Cependant, cet organisme était spécialisé dans des thématiques qui étaient loin de celles qui me passionnaient et n’était pas vraiment inséré dans les réseaux de recherches académiques qui faisaient mon bonheur. Ne voulant pas renoncer aux approches qui m’avaient motivé et pour lesquelles j’avais tant donné au préalable, j’ai donc multiplié les séjours à l’international pour le compte de différentes universités (à Hong Kong, Barcelone, Limerick, Sienne, Oxford encore, etc.). En 2011, j’ai obtenu une Marie Curie Fellowship de deux ans pour revenir travailler à l’IUE de Florence à nouveau, pour un projet de recherche consacré à la « société civile européenne organisée », un domaine qui me correspondait parfaitement. A l’issu de ce financement, en 2013, j’ai participé au montage de trois projets de recherche européens portés par le CEVIPOF (Centre d’Etudes de la Vie Politique Française) de Sciences Po, dont deux ont été retenus. Au même moment, j’ai été approché par l’IDRAC Business School, où j’ai tout d’abord été embauché comme conseiller scientifique pendant 9 mois, puis, à partir de 2014, comme enseignant-permanent chercheur. En 2018, je suis finalement devenu directeur de la recherche de l’IDRAC, poste que j’occupe toujours aujourd’hui en 2025.
Qu’est-ce que Sciences Po Grenoble a pu m’apporter ?
Sciences Po Grenoble a été particulièrement important en raison des rencontres faites dans l’école. Quelques professeurs m’ont impressionné par leur érudition, leur passion et leur engagement total au service de leurs élèves. Je pense notamment à Rolland Lewin, historien expert de la Seconde Guerre mondiale, qui avait visiblement donné toute sa vie à ses travaux et à ses étudiants. Grâce à lui, j’ai pu réaliser des dossiers sur des collaborationnistes comme Maurice Papon et Paul Touvier, bien avant que ces derniers ne soient jugés pour leurs crimes. Je voudrais aussi citer le nom de Danièle Demoustier, récemment décédée, spécialiste de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), que j’ai eu comme professeure à Grenoble et avec qui j’ai eu la chance de collaborer vingt ans plus tard, peu avant que la loi-cadre sur l’ESS ne soit votée en juillet 2014. Une très grande dame ! De telles figures m’ont fortement marqué pendant ma scolarité à l’IEP.
Plus globalement, je retiens l’ambiance de Sciences Po Grenoble, que ce soit la vie étudiante, mais aussi les discussions politiques avec les autres élèves dont certains étaient très engagés, une ambiance qui contrastait avec celle que j’avais pu connaître en IUT ou en Licence, où les gens ne parlaient pas beaucoup de politique. On retrouvait à Sciences Po des idéaux, de l’engagement et une confiance en l’avenir qui faisait du bien.
Toujours au sein de la « famille » Sciences Po, la rencontre avec Vincent Wright, qui avait été étudiant à Sciences Po Paris et avait gardé des liens indéfectibles avec l’établissement, a changé ma vie, tant sur le plan personnel que professionnel. Même s’il est décédé en 1999, je pense encore souvent à lui et dans les périodes de doutes, je me demande ce qu’il aurait fait ou pensé …
Quels conseils pour des étudiants de premier cycle ?
- Privilégier des choix de vie qui vous conviennent
plutôt que des stratégies. Un conseil que je nuance parce
qu’il faut sans doute faire les deux et que le monde d’aujourd’hui
est incroyablement difficile pour les jeunes générations.
Au cours de mon parcours, j’ai eu beaucoup de chance, notamment
dans mes rencontres, mais l’aventure aurait pu être moins
heureuse.
- S’ouvrir à l’international : des opportunités
différentes et intéressantes existent n’importe où
sur la planète, par exemple dans certains coins d’Amérique
latine, d’Asie, d’Australie, en Nouvelle-Zélande. Pour
les jeunes qui ont la chance d’avoir une bonne formation, le monde
est à portée de main, il faut en profiter. Il faut donc
se donner les moyens de ne pas rester prisonnier d’un cadre francocentré.
Interview réalisé par Darcy GILLHAM,
étudiant en 3e année
Afficher
leur courriel
02/05/2025





























































































































































































































































































































































































































































































































