Anthony SPITAËLS (MGE 2019), Chargé des affaires
publiques et européennes chez Nestlé - Ambassadeur au One Young World
Summit de 2021 à Munich, le « Davos des Jeunes ».
1. Peux-tu décrire votre parcours universitaire et professionnel ?
Nombreux sont les portraits de diplômés débutant parle sentier traditionnel des « prépas », des « Hypokhâgnes », des « Khâgnes », des « CPEG ». J’ai fait partie de ceux pour qui, « prépa », « Sciences Po » et autres grands motsrelevaient d’un lexique inconnu à la fois dans ma famille et au sein de mon petit lycée niché au cœur du Cantal, département où j’ai grandi.
L’achat de livres n’étant pas sur la liste des dépenses familiales j’avais toutefois la chance d’habiter en face de la petite médiathèque municipale. J’y ai découvert une passion pour la littérature et davantage encore pour les mots. Volontiers impliqué dans la vie locale, j’écrivais çà et là des discours pourquelques politiques du territoire, participais aux assemblées intercommunales, aux dépouillements où les sièges se jouaient dans les petites communes à la voix près.
J’y ai appris à cultiver ce qui anime mon engagement en ce début de parcours professionnel et qui relève finalement du bon sens : ne jamais déconnecteridées et engagements de la réalité du terrain.
C’est naturellement que j’ai d’abord opté pour un parcours en lettres. L’occasion de prendre du recul sur la place des mots dans une société où l’on n’a jamais tant communiqué. C’est le jeu d’une virgule de changer la portée d’une loi, celui d’un synonyme de faire la force ou non d’un engagement d’entreprise.Rapport des mots à la société que j’ai affinéen orientant mes recherches autour de l’étude de la rhétorique dans les discours parlementaires.
Puis est venue l’occasion de partir à l’étranger. J’ai coché sur le formulaire la case « Canada » sachant que je n’avais pas les moyens financiers de partir au moment de signer les papiers.
Pour y remédier, j’ai organisé ma propre levée de fonds autour d’un projet de recherche franco-canadien. J’ai fait la tournée du territoire pour récolter des souscriptions, me menant jusqu’au cabinet du Président de Région, et développé au passage un goût certain pour l’esprit d’entreprise qui ne m’a plus lâché.
J’ai donc ainsi pu passer une année outre-Atlantique dans la province du Manitoba, où j’ai découvert la vie en laboratoire de recherche sur le sujet encore très vivace dans cette partie du pays de la francophonie en contexte minoritaire. Cela m’a valu de pouvoir publier deux articles sur la question et de participer l’année suivante à des colloques internationaux sur la thématique. Le Canada fut également pour moi l’occasion de quelques pas dans le journalisme pour un hebdomadaire local puis dans la communication et la diplomatie culturelle auprès du détaché du ministère des Affaires étrangères et directeur de l’Alliance française.
J’ai finalement eu la chance de me voir confier la charge d’aider au développement de partenariats internationaux de l’Université du Manitoba où je suivais des cours etoù j’ai pris plaisir également à participer à la refonte du programme de relations publiques.
C’est donc avec un goût pour une forme de« littérature appliquée », des mots au service de l’action que j’ai, enfin, postulé à l’IEP qui m’attirait comme une suite logique.
Là encore, pas question d’un parcours uniquement sur les bancs. Le parcours Management et gestion des entreprises (MGE) me semblait le plus concret, avec un M2 en apprentissage, sur le terrain. Et plus que cela, cette fois centré non plus autour des mots mais des chiffres, non plus du public mais du privé.
J’y ai appris à devenir polyglotte : parler le langage du comptable, du RH, du directeur d’usine. Que dit-on à ses actionnaires ? Pourquoi les modèles actuels doivent être remis en question ? Qu’est-ce qu’un retour sur investissement ? Quels sont les enjeux d’une usine ? Loin de l’approche uniquement théorique des manuels de stratégie, celle de ce master m’est aujourd’hui toujours essentielle : revenir, dans l’entreprise, à celui qui fait, comprendre précisément son métier et se confronter à des situations réelles, des problèmes complexes et concrets d’aide à la décision.
2. Quelles sont les missions de ton poste actuel de chargé des affaires publiques chez Nestlé France ?
En master 1 à l’IEP, j’ai eu le plaisir d’être recruté en stage au sein d’un département alors en pleine création. J’ai eu la chance exceptionnelle de participer à la création des outils et de la stratégie du service directement sous l’égide du directeur et du directeur général à qui je dois beaucoup pour leur confiance et pour tout ce que j’ai, et peux toujours, apprendre à leurs côtés. Après 6 mois de stage, j’ai été recruté pour une année supplémentaire en apprentissage puis finalement en CDI, que j’ai pu signer avant ma sortie de l’école.
À ma charge aujourd’hui de participer à la représentation du groupe auprès des pouvoirs publics et notamment sur les territoires accueillant les sites industriels et les centres de recherche.
L’atteinte d’engagements ambitieux et complexes comme zéro émissions nettes de gaz à effet de serre, zéro déforestation importée, le déploiement d’une feuille de route climat ou encore les enjeux économiques d’une multinationale nécessitent un travail commun avec les pouvoirs publics à tous les niveaux et un dialogue étroit avec la direction générale et la présidence du groupe. Être au cœur du centre névralgique de l’entreprise c’est bien sûr une occasion formidable d’apprendre mais c’est aussi tout simplement une tâche particulièrement passionnante où l’impact de son travail est immédiatement lisible et pétri de responsabilités.
S’il m’arrive d’être en contact avec les ministères, la dimension locale auprès des usines m’attire encore davantage pour le concret et l’immédiat des problématiques. Travailler pour un groupe qui s’engage en faveur de l’agriculture régénératrice et la transition agricole me permet d’ailleurs de retourner à ce que j’ai connu dans mon enfance en pays auvergnat. Quand ses camarades, ses voisins, sont agriculteurs, quand on a passé ses journées dans les champs, on garde à vie ce qu’est une terre, ce que représente le prix du lait, ce que signifie développer une exploitation.
3. Pour t’engager tu avais choisi l’industrie ?
Absolument. Et je regrette d’avoir à m’en justifier souvent. En effet, la réflexion développée à Sciences Po nous amène à questionner le monde qui nous entoure : c’est le propre de cette école.
Quand, à la sortie de son diplôme, on souhaite changer les modèles, il peut paraitre plus naturel de s’engager en ONG ou dans des missions publiques, surtout au sein d’une école qui forme historiquement au service public. Mais je pose la question : n’a-t-on pas autant besoin, en première ligne, de personnes qui sont précisément au cœur des schémas qu’ils souhaitent changer ? Je suis convaincu que c’est bien au cœur de ce qu’on prétend transformer que l’on trouve les solutions les plus adéquates pour le faire.
Dans cet esprit, j’ai eu la chance de me voir confier la mise en place du premier Shadow ComEx RSE du groupe Nestlé. Une communauté de 26 jeunes collaborateurs en charge de participer à la prise de décision puis promouvoir les politiques de l’entreprise en matière de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE). Le Shadow ComEx est ainsi directement impliqué dans les réflexions et décisions stratégiques du Comité exécutif RSE du groupe en France avec le P-DG et la direction générale.
J’ai également été nommé comme Ambassadeur au One Young World Summit de 2021 à Munich, souvent surnommé le « Davos des Jeunes ». Le Sommet rassemble les jeunes talents du monde entier et de tous les secteurs travaillant à accélérer l’impact social. Ils sont conseillés par des personnalités de haut niveau et de différents horizons (Chefs d’État, PDG, Prix Nobel, industriels, scientifiques …) au travers de divers programmes du sommet. Il se tiendra fin juillet à Munich.
Être ambassadeur du One Young World n’est pas anodin. Cela implique de retourner, après le Sommet, dans l’organisation qui vous mandate avec les idées, les moyens et la motivation pour accélérer les initiatives existantes ou en créer de nouvelles.
Pour garantir une vision la plus proche possible des transformations attendues de l’industrie et recueillir des idées pendant les quatre mois qui me séparent encore du Sommet, j’aurais notamment l’occasion d’aller à la rencontre comme jeune engagé dans l’industrie, mais aussi comme citoyen français, les acteurs du changement de l’industrie et de l’industrie agro-alimentaire : les agriculteurs, les scientifiques, les consommateurs, les ONG, les pouvoirs publics etc. et de les interroger sur leur vision.Je me ferai ensuite le porte-parole d’une position collective lors du Sommet lorsqu’il faudra réfléchir à des solutions concrètes et des leviers d’actions à des enjeux qui nous concernent tous.
4. S’il y avait un conseil, lequel donnerais-tu aux étudiants venant d’entrer à l’IEP ? Et à ceux qui sur son le point d’entrer sur le marché du travail ?
Dessiner son projet professionnel le plus tôt possible. Cela ne signifie pas nécessairement avoir immédiatement, à son entrée à l’IEP, une idée précise du métier auquel on se destine, mais commencer par se créer les moyens d’ouvrir les portes des domaines qui nous intéressent, et ce dès ses premières années.
Laisser libre cours à sa curiosité et s’ouvrir à de nouvelles rencontres reste le meilleur réflexe. On se rend compte que beaucoup d’étudiants sous-exploitent ou sous-estiment par exemple la richesse des rencontres possibles au sein du réseau des diplômés. Les diplômés occupant de très hautes fonctionssont toujours ravis d’accorder du temps pour décrire leur parcours, donner des conseils et même parfois, à l’issue d’une entrevue, proposer une collaboration plus directe.
Lors de ma dernière année d’étude je m’étais organisé une série de rencontres avec des diplômésen sollicitant des entretiens auprès de ceux qui occupaient des postes en rapport avec les métiers auxquels je me destinais. Au total, une vingtaine de rencontres avec des directeurs de secteurs variés, aux parcours complètement différents, et dont les conseils m’ont été particulièrement précieux. Ils m’ont permis d’écarter des options, de me conforter dans d’autres, et surtout d’avoir une vision réelle des débouchés, des compétences attendues mais aussi de pouvoir aborder librement certaines questions, souvent encore taboues et pourtant essentielles : salaire, évolution, passion réelle pour le métier, engagement etc.
On aurait d’ailleurs tort de croire que les réseaux
sociaux, comme LinkedIn, suffisent à trouver un emploi. Il ne faut pas
oublier que le marché du travail est majoritairement composé d’opportunités
qui n’auront jamais besoin d’être publiées sous forme d’offres et le contact
humain peut vous ouvrir des portes auxquelles vous n’auriez jamais songé
!
Anthony SPITAËLS
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19/04/2021