Xavier FOURNEYRON (Promo 1997-PO) et Sébastien CAVALIER (Promo 1992-EF), tous deux diplômés de l’IEP Grenoble, occupent respectivement les fonctions de Directeur Général Adjoint des Services, en charge de la Culture et du Patrimoine de la Ville de Lyon et de Directeur de l’Action Culturelle de la Ville de Marseille.
Dans cette interview croisée, ils échangent sur leurs parcours respectifs, l’exercice de leur métier et les enjeux du secteur de la culture.
1) Pourriez-vous nous présenter vos parcours respectifs ?
SC
L'un des côtés très agréables de la fonction de « Directeur des Affaires
Culturelles » est la diversité des profils des personnes qui l'occupent.
Cette multiplicité de parcours professionnels, et du coup de points de
vue, explique certainement les discussions toujours passionnantes et animées,
qui nous animent lorsque nous nous retrouvons.
En ce qui me concerne, j'ai un parcours très international. Je suis arrivé à Marseille en juillet 2012, juste avant l’effervescence extraordinaire de la Capitale Européenne de la Culture de 2013. Je venais de Pékin où j'ai occupé pendant presque 4 ans la fonction d’Attaché Culturel près l'Ambassade de France. J'avais précédemment passé 4 ans à Taïwan comme Conseiller technique auprès du Conseil National des Affaires Culturelles de Taiwan, qui aspirait à se transformer en un Ministère de la Culture aux compétences élargies. J'ai également travaillé plus de 4 ans au Cambodge, au Bureau de l’UNESCO, sur les programmes de sauvegarde et de développement du site d’Angkor, et à Lyon, dans un musée original que Xavier connaît bien, le Musée Urbain Tony Garnier.
XF
De mon côté, j’ai d’abord été l’administrateur d’un ensemble de musique,
spécialisé dans la musique ancienne. Ma grande chance a été de débuter
ma vie professionnelle avec cet « orchestre » que je ne connaissais pas
mais qui était lui, en plein développement : tournées en France et à l’étranger,
dans les festivals et grandes salles, soutien des collectivités et des
Ministères de la Culture et des Affaires étrangères. Après 6 années, je
suis ensuite arrivé à la Cité du Design, à Saint-Etienne, comme Secrétaire
Général, pour aider à créer et structurer un établissement public culturel
et économique, au service du développement du territoire, et regroupant
une Ecole supérieure en Art et Design, l’événementiel (Biennale du Design)
et des actions permanentes (expositions, actions en lien avec les entreprises,
etc). En 2011, j’ai été nommé à la Ville de Lyon, comme Directeur Général
Adjoint des Services, en charge de la Culture et du Patrimoine.
2) Qu'aimez-vous particulièrement dans votre fonction ?
XF
Ce sont des postes très stimulants et passionnants, et évidemment très
prenants. Un aspect fort est qu’à l’échelle de grandes Villes, dotées
de moyens et mettant en œuvre une politique publique d’envergure pour
la culture, on arrive à suivre les sujets et les projets et les voir aboutir.
Cet échelon local est sans comparaison…
SC
Je partage complètement le point de vue de Xavier. Le contact avec le
terrain permet de voir concrètement les résultats de son action, ce qui
est très gratifiant. La diversité des dossiers dont on a la charge offre
une stimulation intellectuelle permanente. Les rencontres avec des personnalités,
qui portent très souvent un regard acéré sur le monde qui nous entoure,
sont une source d’enrichissement extraordinaire.
3) Quelle est la partie la plus complexe à gérer ?
SC
Quand on exerce dans une grande ville, comme c'est notre cas, le pilotage
et la gestion des équipements culturels (archives, bibliothèques, musées,
opéra, etc.) est une composante centrale de l'activité. Dans ce domaine
la gestion des ressources humaines est certainement la dimension la plus
complexe…
XF
C’est en effet l’une des difficultés. L’autre particularité présente pour
ce poste, et très forte pendant la crise du Covid, est le pilotage dans
le même instant de sujets et de dossiers très diversifiés et très différents,
aussi bien sur le plan technique (RH, budget, juridique, etc.) que thématique
(archéologie, spectacle vivant, cinéma, ,etc.). Il faut être agile et
disponible pour passer de l’un à l’autre sans perdre pied et sans faire
de zapping superficiel…. Evidemment avec le soutien de nombreuses équipes,
ce qui est rassurant.
4) Comment voyez-vous l'avenir des politiques publiques de la culture ?
XF
A l’instar de tous les secteurs économiques, en France et en Europe, la
Culture est déjà durement touchée et va subir une crise sans précédent,
malgré la capacité de résilience des professionnels et les mesures d’aides
impulsées par l’Etat, les collectivités territoriales et les organismes
professionnels.
Ce n’est pas neutre pour le pays… n’oublions pas que l’ensemble du secteur culturel (depuis le secteur subventionné jusqu’aux industries culturelles comme le cinéma et l’audiovisuel) pèse 91,4 Milliards d’euros et 2,3% du PIB, soit un poids comparable à celui de l’industrie agro-alimentaire et 1,9 fois plus important que celui de l’industrie automobile.
SC
Les années qui s'annoncent vont effectivement être compliquées.
Si l’on tente de se projeter, je pense que les politiques culturelles, mais surtout leurs acteurs (artistes, écrivains, commissaires, directeurs de lieux, etc.) ont une capacité forte à porter un regard décalé sur les choses, à poser des questions dérangeantes et à y apporter des réponses originales. C'est une force extraordinaire, surtout dans un monde en mutation rapide, dans lequel il faut se préparer à voyager sans cesse en incertitude... Cette force, il nous faut l'utiliser pour faire évoluer, enrichir et bonifier toutes les politiques publiques : éducation, social, jeunesse, aménagement, environnement, tourisme, etc.
Si la culture se pense et agit comme une politique sectorielle, elle risque de vivre des moments difficiles. Si elle est à l'écoute, qu'elle infuse, qu'elle s’imagine dans l'hybridation, l'expérimentation, alors elle pourra beaucoup apporter aux politiques publiques en général en les aidant à faire de petits pas de côté salutaires.
5) Quels souvenirs gardez-vous de l'IEP ?
SC
A posteriori, ce que j'ai apprécié à l'IEP c'est la diversité des enseignements
qui offre une vision transversale des sujets, la curiosité et l'ouverture
d'esprit que cela suscite. Quand on est jeune diplômé on trouve tout cela
un peu théorique et on aimerait se rassurer avec des compétences plus
techniques et plus immédiatement applicables. Mais en fait ce qui nous
permet de nous adapter et d'évoluer sereinement dans l'environnement changeant
qui est aujourd'hui le nôtre, ce n'est pas la technicité, c'est vraiment
cette capacité à mettre en perspective, à associer des idées, à se poser
les bonnes questions.
XF
En complément de Sébastien, qui a tout dit (sourire), j’ajouterai la diversité
des personnalités, des profils et des parcours entre étudiants. L’IEP
est unique dans la mesure où il brasse des jeunes très différents, ce
qui rend ces années d’apprentissages très joyeuses puis les retrouvailles
régulières avec d’anciens camarades de promo toujours très stimulantes.
Pendant l’IEP, j’ai également beaucoup apprécié la diversité
des cours, dans leurs thématiques et leurs modalités (cours magistral,
conf de méthode) et j’ai pu suivre la 1ere promotion du séminaire de spécialisation
alors créé et dirigé par Guy Saez sur les politiques culturelles…. Un
déclic pour moi sur cette 3e année, qui a construit mon projet professionnel
et qui m’a amené à poursuivre en DESS de gestion culturelle… dans un autre
IEP, celui de Lyon (sourire)…
Sébastien CAVALIER & Xavier FOURNEYRON
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09/07/2020