Patrick Geoffray, 1983 SP
Patrick Geoffray sort diplômé de Sciences
Po en 1983. « Cela commence à dater » comme il dit
aujourd’hui. A l’époque, en 1980, bien que titulaire
d’un bac scientifique, il se dit qu’il est très attiré
par l’histoire et les sciences politiques. D’origine grenobloise,
il se dirige tout naturellement vers l’IEP de Grenoble.
Mais Patrick Geoffray aime la difficulté, et mène en parallèle
un cursus à la fac de droit. « C'était assez difficile,
faire deux facs en même temps, c’était même l'enfer
» reconnaît-il.
Il aime côtoyer deux approches complètement différentes.
« J’aimais bien les enseignements en droit, cette culture
juridique, ces enseignements magistraux, très orthodoxes, tout
en appréciant par ailleurs énormément les enseignements
plus vivants et plus interactifs qui étaient dispensés à
l’IEP ».
Titulaire d’une maîtrise en droit et diplômé
de la section service public de l’IEP, Patrick Geoffray passe le
concours de l’Ecole nationale des impôts puis celui de l’Ecole
nationale d’administration. C’est bien simple : il a toujours
été attiré par la chose publique, il a toujours exercé
dans la fonction publique et il lui reste indéfectiblement fidèle.
Le fil rouge de son début de carrière, ce sont les finances.
Les finances publiques à la Ville de Paris, puis les finances sociales
à l’IGAS, « le summum de la technicité et de
la complexité » avec les questions de financement des politiques
sociales, la santé, le handicap, la dépendance, le RSA,
à traiter à chaque fois avec différents partenaires
et de multiples financements. Après deux ans et demi de missions
de contrôle à l’IGAS (hôpitaux, fonds social
européen), Patrick Geoffray rejoint le Centre administratif de
la Ville de Paris et s’imprègne du métier des ressources
humaines. Il est depuis une quinzaine de mois DRH adjoint de la Ville
de Paris, positionné sur les relations sociales.
Difficile dans ces conditions de ne pas croire Patrick Geoffray quand
il affirme que « c’est important de bouger, d’avoir
des expériences dans différents échelons d’action
publique, au niveau national, territorialisé, décentralisé
».
Ce qu’il aime dans son métier de DRH adjoint : le fait que
ce soit très général. « La
particularité de la Ville de Paris par rapport à d'autres
collectivités, c’est qu’elle gère tout le spectre
d'activités des ressources humaines : c'est elle qui assure le
recrutement, la formation, la gestion, l'évolution de carrière,
le statut de ses agents, la rémunération, etc. ».
Et puis comme il aime à le rappeler, la Ville de Paris est forte
de 50 000 agents et de 300 métiers. Patrick Geoffray essaie d’avoir
toutes les qualités du bon DRH à savoir la disponibilité,
l’écoute, l’anticipation. Sans oublier ce qui est fondamental
: essayer de faire en sorte que les gens se sentent bien dans un «
vivre-ensemble » au travail.
C’est donc peu dire que le métier des ressources humaines
est difficile. « Les finances c'est un monde fini, c'est carré,
c'est techno, on manie des crédits, des consommations, alors que
les RH c'est plus compliqué, on manie de l'humain, de la complexité,
on gère et on valorise les personnes » explique Patrick Geoffray.
« Manier de l’humain, c’est pouvoir répondre
aux attentes à la fois des agents et des directions de la Ville.
C’est pouvoir répondre aux changements réglementaires
et normatifs, aux évolutions de la société. Les agents
de la Ville doivent nécessairement s'adapter puisqu'ils doivent
répondre aux besoins des usagers. Tout ça, cela représente
une pression extrêmement importante, parce que les attentes sont
énormes. » Alors bien sûr, les journées sont
toujours chargées, et l’agenda complètement blindé
de réunions avec les directions ou les organisations syndicales.
Les objectifs sont nombreux, et les enjeux majeurs : les conditions de
travail, la santé et la sécurité au travail, la formation,
le management et l’animation d’équipes, l’évolution
des besoins en emploi et les redéploiements. Sans compter l’impératif
du changement. « Nous sommes quotidiennement confrontés à
la nécessité du changement. Il faut gérer le changement,
l'accompagner et l'expliquer. C’est l’image de marque du secteur
public qui est en jeu. Il faut montrer que le secteur public est utile
et adaptable, et qu’il peut être performant. » Quand
on l’interroge sur la formation dispensée par Sciences Po,
Patrick Geoffray reconnaît qu’elle apporte des bases en droit,
en histoire, en économie, etc., qui sont indispensables : «
Quelqu’un qui oeuvre dans une collectivité locale ne peut
pas ne pas savoir quels sont les mécanismes juridiques et économiques
de base. En matière de RH par exemple, on a besoin de bien connaître
le marché du travail qui impactera notre politique de recrutement
». Bien sûr la formation peut être améliorée.
Patrick Geoffray souligne la nécessité pour la puissance
publique d’avoir à sa disposition des connaissances pointues
en matière d’environnement, de développement durable
et d’aménagement urbain, pour pouvoir décider et agir
aujourd’hui et dans les années à venir. « Il
y a besoin d’étudiants qui s’intéressent à
ces objets, qui soient formés à l'aménagement de
l'espace, au développement de l'urbanisation, aux enjeux de la
ruralité ». Pour penser et agir dans le cadre du Grand Paris
par exemple, et même au-delà sur tout le bassin parisien.
On manque également selon lui de gens qui sachent faire jouer les
interfaces et combiner les moyens du privé et du public. «
Aujourd’hui il faut connaître les logiques du privé,
les logiques du public, et en connaître les associations et les
montages. Les Délégations de service public, les Partenariats
publics-privés, tout le monde en a plein la bouche mais personne
ne sait comment ça marche. On manque de gens qui maîtrisent
ces outils qui fonctionnent selon un double équilibre, économique
et juridique ».
Alice CHOCHEYRAS
2007 PO
Interview tirée du Magazine n°45 (Janvier 2012)