Arnaud LACHERET (2000 PO) est Directeur de la FRENCH
ARABIAN BUSINESS SCHOOL (Arabian Gulf University) à Manama.
De la banlieue à la business school de classe mondiale,
de Rillieux la Pape au Royaume de Bahreïn… la drôle de
crise de la quarantaine d’Arnaud Lacheret
Arnaud, pourquoi faire ton portrait maintenant ?
Mais parce que j’ai un livre à vendre bien entendu ! Très sérieusement, je suis en pleine promotion de mon premier livre qui parle de la façon dont on gère le fait religieux dans une banlieue populaire quand on est aux commandes de la Mairie. Je ne sais pas s’il est vraiment bien, mais j’ai pris du plaisir à l’écrire et les quelques premiers lecteurs semblent avoir apprécier.
Il parle de quoi ton livre ?
Le titre, c’est « les territoires gagnés de la République ? » qui vient en écho à un livre beaucoup plus ancien qui s’intitulait « les territoires perdus de la République ». J’essaie de raconter comment, pendant trois ans au cabinet du Maire de Rillieux la Pape, nous avons réussi à faire face - et quelque part à faire reculer - le communautarisme et faire reexister la République et la laïcité.
Mais tout n’est pas rose, j’insiste sur la notion de « bricolage », c’est à dire que nous n’avons que peu d’informations, peu de moyens juridiques, peu de soutien de l’Etat et qu’en parallèle, nous avons des échéances électorales et devons développer une politique d’attractivité économique et vis à vis de nos partenaires et financeurs.
C’est à travers une série de petits cas pratiques que je raconte comment, en tâtonnant, en négociant, tout en restant fermes sur les valeurs républicaines, nous avons, sans heurts, pu faire reculer le communautarisme et limiter le risque de ce que Francois Hollande appelait la « partition ».
Bref, il est très bien, commandez-le sur toutes les bonnes plateformes !
Et sinon, que fais-tu en ce moment, et pourquoi ?
Alors maintenant que vous savez ce que je faisais avant, je vais vous dire ce que je faisais encore avant. J’ai eu une carrière de conseiller politique, directeur de cabinet, chef de cabinet, attaché parlementaire entrecoupée de passages dans le privé et dans l’enseignement supérieur. Cela m’a permis de faire une thèse – à l’IEP bien entendu - sur le tard. J’étais d’ailleurs bien parti pour me stabiliser au sein de la direction générale d’une école de commerce lyonnaise bien connue quand un cabinet de recrutement m’a demandé de reprendre du service en politique dans cette ville de la banlieue nord de Lyon qu’est Rillieux la Pape.
Puis, au bout de trois ans, j’ai commencé ma crise de la quarantaine et, avec ma compagne et nos trois enfants, nous sommes partis au Royaume du Bahreïnoù le ministère des affaires étrangèresfrançais cherchait quelqu’un pour diriger et relancer la French Arabian Business School, département d’une université locale, l’Arabian Gulf Universityqui dispense un MBA en coopération avec l’Essec. J’y suis depuis deux ans maintenant.
Et ça fait quoi de diriger une école de commerce comme l’Essec ?
Je n’ai que la moitié de mes profs qui viennent de l’Essec mais c’est vrai que c’est impressionnant ! Plus sérieusement, je m’inscris dans une dynamique régionale extraordinaire avec la volonté des monarchies du Golfe de sortir de la dépendance au pétrole, de diversifier l’économie, de former des cadres nationaux et particulièrement des femmes. Avec cette Business School et ce MBA destiné aux cadres des 6 pays du Conseil de coopération du Golfe, j’ai vraiment l’impression de faire partie de ce mouvement, de l’accompagner, de participer à cette modernisation arabe qui se fait à bas bruit mais très efficacement, d’une manière qu’on pourrait croire inexorable : le changement dans les mentalités se voit à l’œil nu !
Tes étudiants, c’est quel profil ?
Des cadres de 27 à 58 ans actuellement, qui sont poussés par leur gouvernement, leur employeur, et d’une façon générale par l’ère du temps, le changement de référentiel, à se former, à acquérir de nouvelles compétences et qui se tournent vers l’excellence française.
Donc oui, c’est un boulot de diplomatie d’influence, d’intelligence économique car cela nous permet d’avoir des anciens élèves qui deviennent de véritables ambassadeurs de la France, même si souvent ils ne parlent pas un mot de notre langue : c’est grâce à une école en partie française cotée au niveau mondial qu’ils ont boosté leur carrière. Dans une région où les anglo-saxons sont omniprésents, c’est un vrai défi à relever et un vrai atout pour notre économie.
Je vais juste donner quelques exemples : le plus gros producteur d’aluminium au monde, Alba, vient de nommer son nouveau PDG, il s’agit d’un de mes diplômés, le nouveau DRH de Gulf Air, la compagnie aérienne de Bahreïn est aussi un de mes diplômés, la DRH saoudienne d’un groupe familial de 10000 salariés est une de mes étudiantes actuellement, je forme également des cadres de l’entreprise la plus riche du monde, SaudiAramco… Bref, ces gens là, qui viennent car ils savent que leur pays changent, sont attirés par cette école qui devient de plus en plus prestigieuse et s’impose dans la région, formant l’élite économique arabe d’aujourd’hui et de demain.
Et la suite ?
Franchement, nous sommes bien ici, ma femme est directrice académique de Vatel, d’une grande école de management hôtelierfrançaise qui s’est installée sur Bahreïn, les enfants sont contents… ça ne donne pas super envie de rentrer, mais si tu regardes ma carrière, tu comprendras que bon… les prévisions, ça n’est pas mon fort !
L’IEP, ça t’a apporté quoi ?
Alors plein de bons souvenirs, et une petite culture
générale. Et le gout d’écrire aussi. Aujourd’hui,
les gens n’écrivent plus, ne savent plus vraiment écrire
et au fur et à mesure que j’avance dans la vie, je m’aperçois
que celui qui tient le stylo, finalement, c’est celui qui influence
le plus la décision. Après, franchement, ça ne fait
pas tout. J’ai même parfois l’impression que ce qui
m’a vraiment aidé, c’est ma thèse, soutenue
à36 ans. Le parcours de recherche doctorale au long cours, permet
vraiment de changer d’état d’esprit sur plein de choses.
On ne le comprend hélas que quand on le fait – et surtout
quand on l’achève.
Arnaud LACHERET
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