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« DIRECTEUR GENERAL »

 

Jean-Claude GELHAAR (1978 SP), Directeur General à l'Union de Banques Arabes et Francaises à Paris La Défense.

-) Sciences Po Grenoble, une indomptable vocation manifestée dès la petite enfance ?

Pas vraiment. Originaire de la Haute Savoie, venir faire des études supérieures à Grenoble était une décision assez mécanique dans les années 1970. Je me souviens qu’il y avait très peu d’informations au Lycée et le bouche à oreille servait de conseil avisé. Ayant passé l’aptitude au probatoire puis le probatoire au Diplôme d’Etudes Comptables Supérieures dès la classe terminale, je désirais m’inscrire sagement à l’Institut d’Etudes Commerciales de Grenoble pour finaliser ce cursus et devenir expert-comptable. Pas de chance, cette honorable institution interrompt cette formation au moment même de mon inscription et je m’oriente un peu penaud et dubitatif vers l’IEP en espérant poursuivre dans une section Eco-Fi un parcours équivalent qui me permettrait de boucler la boucle ultérieurement.

-) Donc tu as fait Eco-Fi dès la deuxième année ?

Pas du tout. J’ai poursuivi avec Service Public. Le tronc commun très polyvalent de la 1ère année a certainement modifié mon câblage neuronal et d’autres intérêts et goûts se sont révélés au fil du temps, probablement sous l’influence d’enseignants peu communs comme le spécialiste de la gérontologie Michel Philibert en cours de philosophie politique, le libertaire Roland Lewin en histoire contemporaine ou le passionné Jean Leca avec son cours d’introduction à la science politique. Le monde de la micro-économie et de l’entreprise me semblaient désormais un peu étroits au regard des domaines sociétaux plus vastes qui étaient proposés. Simple préférence du moment sans aucun jugement de valeur sur la filière Eco-Fi.

-) Naturellement, concours administratifs et fonction publique en sortie de 3ème année ?

Quelle idée ! Service militaire dans une compagnie de combat parachutiste à Pau et découverte d’une autre réalité, celle du nécessaire engagement individuel dans l’atteinte d’un objectif, de l’indispensable solidarité au sein d’un groupe, de l’efficacité imparable des actions simples et bien exécutées. Découverte aussi dans cet environnement rustique d’une autre France que celle des campus universitaires, la France des populations paupérisées, parfois illettrées et souvent sans point d’ancrage éthique. Puis entrée dans la vie active, facile à obtenir au début des années 80, dans le secteur bancaire au sein du Crédit Lyonnais à Paris.

-) Retour à l’entreprise. Bravo ! Certainement comme jeune cadre prometteur dans un beau bureau douillet avec moquette sous les aisselles ?

Non, non, surtout pas…. Au tout début des années 1980 commencent à apparaître en France les activités de marchés financiers (change, taux, dérivés….) et les grandes banques de la place embauchent et forment de manière empirique et parfois sans méthode bien structurée ce que nous appelons aujourd’hui les « traders ». On y recrute un peu de tout, on secoue bien fort et on trie ce qui flotte à la surface au bout d’un an environ. Un peu comme la première année de l’IEP avant l’instauration du concours d’entrée en 1982…. Il s’ensuit une formation en « vivier » de quatre années, dans un vaste espace de travail ou cadres supérieurs et employés se mélangent sans distinction, environnement peu conventionnel meublé en permanence par les crépitements des téléscripteurs, les batteries de haut-parleurs hurlants connectés à des dizaines de courtiers internationaux, les vociférations des collègues dépités par des variations inattendues de paramètres de marché, les commerciaux frustrés d’avoir manqué une opération, tout ceci constituant les étapes initiatiques indispensables à l’époque pour maîtriser les arcanes des marchés financiers et les bons réflexes pour intervenir dans ces sables mouvants. Il n’y avait rien du « grand oral » de l’IEP dans cet apprentissage et les bousculades pour se frayer un chemin dans la file d’attente du restaurant universitaire Diderot ou Barnave se sont avérées très formatrices. Un complément international indispensable avant de pouvoir voler de ses propres ailes m’a permis de finaliser cette formation « sur le tas » en effectuant des stages de plusieurs mois à Londres auprès de la Midland Bank puis à New York chez Merrill Lynch et Salomon Brothers et enfin à Chicago en tant qu’apprenti courtier sur les marchés à terme de marchandises.

-) Et après, il doit bien y avoir un petit œil humide pour l’IEP Grenoble ?

Après, ce sont près de quarante années de vie professionnelle passées au Crédit Lyonnais puis dans le Groupe Crédit Agricole (qui a absorbé le Crédit Lyonnais en 2004), dans des activités bancaires et de gestion d’actifs, dont près d’une vingtaine à l’étranger réparties entre Hong Kong (8 ans), les USA (6 ans), l’Italie (3 ans), en tant que responsable de salle de marchés, puis en tant que responsable du contrôle interne, directeur financier, responsable des risques et de la conformité et enfin responsable du pilotage des risques opérationnels pour la filiale de banque de financement et d’investissement du Groupe Crédit Agricole (CACIB).

Où est l’IEP dans tout ceci ? Nulle part au titre du contenu fugace des matières mémorisées le temps d’un examen et qui deviennent vite obsolètes. Omniprésent pour la méthode de travail acquise à l’IEP : identifier les points saillants dans une montagne d’informations disparates et parfois contradictoires, structurer sa pensée avec une logique de progression vers une conclusion personnelle forte, polyvalence des centres d’intérêt afin d’éviter l’enfermement du spécialiste, ouverture permanente sur l’actualité et la remise en cause des idées, maîtrise de l’expression pour projeter une pensée concise et convaincante….. On a beau tortiller le sujet dans tous les sens, il y a peu d’équivalent dans l’enseignement supérieur français.

-) Tu arrives bientôt à la fin de ta vie professionnelle, un conseil pour ceux qui vont y entrer ou qui viennent de commencer ?

« The train never passes twice ». Adage entrepreneurial américain qui s’avère très efficace à l’usage. Si des opportunités se présentent, il faut se décider vite et aller résolument de l’avant. Ensuite, on gère les détails et les imprévus. La meilleure des décisions est souvent celle que l’on prend rapidement, la pire des décisions est toujours celle que l’on n’ose pas prendre.

Jean-Claude GELHAAR
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19/10/18


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