Nicolas VIGNOLLES (PO 2004), Conseiller parlementaire de la Ministre de la Culture et de la Communication, Fleur PELLERIN.
Entretien avec Angelo LUSARDI, étudiant en
M2 Carrières Publiques à Sciences Po Grenoble
Questions sur votre parcours à Sciences Po Grenoble
A.L: Quel regard portez-vous sur votre cursus à Sciences Po
Grenoble ?
N.V: Je garde un excellent souvenir de ma formation à
Sciences Po Grenoble. D'autant plus, que la formation est très
intéressante dès lors que l'on sait ce que l'on recherche.
Pour ma part, j'avais décidé d'intégrer Sciences
Po avec l'ambition de faire de la politique.
A.L: Avez-vous un souvenir tout particulier de votre
formation universitaire à Sciences Po Grenoble ?
N.V: Oui, plusieurs moments me viennent à l’esprit.
Mais si je dois en retenir un seul, je choisirais le Cours Spécialisé
(CS) sur l'Afrique noir et les cours de Sciences Politique de Pierre BRECHON.
A.L: Avez-vous un conseil à donner aux étudiants
qui préparent leurs avenirs professionnels ?
N.V: Le seul conseil à donner, c'est de prendre
la formation pour ce qu'elle est, et être malin pour en tirer le
meilleur. L'objectif est tout de même de ressortir plus intelligent
qu’à notre entrée ! Durant ma scolarité, j'étais
membre du BDE et de l’équipe de football de l’IEP.
C’est important de s’investir pleinement dans sa scolarité.
C’est comme cela qu’on se fait des amis et un premier réseau
! Je constate d’ailleurs que les anciens du Lokomotiv Grenoble (l’équipe
de foot de l’IEP) ont tous de belles responsabilités aujourd’hui.
Alors, investissez-vous, dans votre école autant que dans votre
scolarité !
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Questions sur votre parcours politique
A.L: Pourquoi avoir choisi le métier de collaborateur
parlementaire à vos débuts ?
N.V: Le fil rouge de mon parcours c'est la politique.
Tôt je me suis posé la question de la poursuite de mon engagement
militant. Le métier de collaborateur parlementaire m'a permis d'apprendre
beaucoup de choses, des choses qu’on n’apprend pas sur les
bancs de Sciences Po ou dans les manuels de droit public. C’est
un premier « job » très formateur car vous y apprenez
la vie en quelque sorte. Quand vous recevez à la permanence parlementaire
des personnes souhaitant une carte de séjour ou un logement, vous
êtes dans la vraie vie, dans la politique dans ce qu’elle
a de plus dure mais aussi de plus noble.
A.L: Etes-vous d’accord avec les propos tenus par une ancienne ministre de gauche, Michèle DELAUNAY, dans son texte « Le Tunnel – La politique et la vraie vie » ?
N.V: Oui, ce qu'elle dénonce est en partie vrai,
car beaucoup de collaborateurs d’élus ont le même profil.
Elle a raison également de dénoncer un certain manque d'oxygénation
de la vie politique. Il faut permettre des passerelles entre le public,
le privé et le monde politique, en créant enfin un vrai
statut de l’élu. Mais, la critique de Delaunay a aussi ses
limites. Stop à la caricature ! La nouvelle génération
de collaborateurs d’élus est souvent directement aux prises
avec la réalité sociale... Par ailleurs, je suis bien placé
pour savoir qu’on peut être en cabinet ministériel
la semaine et être tous les samedis et dimanche sur les marchés
populaires.
A.L: Les raisons de votre entrée en cabinet ministériel
auprès de Fleur PELLERIN ?
N.V: D’abord un concours de circonstances et ensuite, lorsque j’ai pu la rencontrer, j'ai eu « un coup de foudre professionnel ». Fleur PELLERIN pense plus vite que la moyenne et a une qualité particulière dans le monde politique ; c’est une personne élégante et gentille.
A.L: Que retenez-vous de vos expériences multiples en cabinet ministériel ?
N.V: C’est harassant mais tellement exaltant. On a l’impression d’aider un peu à changer les choses. La politique peut encore changer beaucoup de choses contrairement à ce que j’entends et lis !
A.L: Pourriez-vous nous décrire votre quotidien de conseiller parlementaire auprès de Fleur PELLERIN, Ministre de la Culture et de la Communication ?
N.V: Dans tous les cabinets ministériels, il y a un conseiller parlementaire. C’est généralement le plus politique de tous les conseillers. Je suis chargé des relations avec les parlementaires mais aussi de coordonner le travail sur les projets de loi que la ministre souhaiterait élaborer. Bien souvent, je suis associé à la communication de la ministre, car j’ai souvent mon mot à dire sur la ligne politique à tenir. Pour moi, le rôle du conseiller parlementaire est essentiel ! Le Gouvernement est responsable devant le Parlement ; il ne faut jamais oublier la logique des institutions. C'est pourquoi il est décisif d’entretenir un dialogue de grande qualité avec les parlementaires en répondant à leur demande de manière adaptée et réactive !
A.L: Aujourd’hui, la fonction de conseiller parlementaire ne doit pas être de tout repos avec la présence de députés frondeurs au sein de la majorité ?
N.V: C’est une fonction très prenante mais il y a bien pire encore : le directeur de cabinet a sans nul doute la mission la plus exigeante ! Frondeurs ou députés de droite, le conseiller parlementaire doit répondre à toutes les demandes. Nous sommes le garant d’un dialogue républicain entre l’exécutif et le législatif. Naturellement, il est plus facile de nouer des liens amicaux avec certains parlementaires, lorsqu’ils appartiennent à la même formation politique que vous...
A.L: Est-il vrai de dire que le cabinet endurcit un homme ?
N.V: Je ne sais pas s’il l’endurcit, mais il lui fait prendre 10 ans d’expérience professionnelle en une année !
A.L: Pour quelles raisons avez-vous choisi d’entrer dans la vie politique et plus particulièrement à Paris ?
N.V: J'ai choisi Paris, et plus particulièrement le 13e arrondissement pour une raison simple, j'y habite. Faites de la politique là où on habite, c’est simplement pouvoir être crédible !
A.L: Votre engagement politique en tant que conseiller municipal délégué et votre fonction de conseiller parlementaire sont-ils conciliables avec une vie de famille ?
N.V: On peut tout réussir si on sait s’organiser. D'après moi, il y'a plus que 24 heures dans une journée si on sait être malin. J'emmène tous les matins mon fils à la crèche. Je fais en sorte de pouvoir voir mon fils. Cette conciliation entre activité professionnelle intense et vie familiale est une des grosses conquêtes des nouvelles générations.
A.L: Quelles sont vos ambitions politiques pour Paris sachant que vous êtes conseiller municipal du 13ème arrondissement de Paris délégué au numérique et aux nouveaux médias ?
N.V: Autour de la BNF, la Halle Freyssinet est un quartier assez développé qui va voir arriver le plus gros projet d'incubateur de starts ups (il est prévu 1 000 start-ups). Ce projet va positionner Paris et le 13ème arrondissement comme la nouvelle "Silicon Valley". Avec ce nouveau positionnement, le 13ème va devenir l'arrondissement le plus en pointe en termes d'innovation numérique à Paris, en Europe et à l'International. Ce projet bénéficiera à toute l'économie locale également. Ce projet m’inspire !
A.L: Quelles sont vos perspectives pour la suite de votre carrière professionnelle et politique ?
N.V: Beaucoup de choses me tentent, et notamment un passage par le secteur privé et l’entreprise, pour conduire des projets et les voir aboutir ! S'agissant de mes ambitions politiques, elles restent intactes !
A.L: Après deux années budgétaires de rigueur, le budget du ministère est conforté et connaîtra surement une légère augmentation. Les choix budgétaires réalisés par le Gouvernement sont le signe d’une priorité accordée au secteur culturelle et audiovisuelle qui est aussi touché par la crise ?
N.V: Le budget 2015 déçoit certains mais en réalité c'est un budget de crise et de gauche ! Quand on donne la priorité à l’éducation, à la culture et à la justice, alors même qu’on se trouve dans une période économique et financière très délicate, on n’est pas franchement dans une logique d’austérité !
A.L: Lors de son discours de politique générale du 16 septembre dernier, le Premier Ministre déclarait que « la culture est un moteur économique pour notre pays ». Ainsi, l’industrie culturelle comme vecteur de relance de la croissance économique ?
N.V: Cette déclaration constitue un signal politique fort et une prise en compte que la Culture rapporte plus qu'elle ne coûte ! Le solde entre ce que coûtent et ce que rapportent les industries culturelles est largement excédentaire. La culture rapporte plus à la France que des secteurs comme l'agroalimentaire ou l'automobile...
A.L: Quelles sont les ambitions et les priorités fixées par la Ministre en matière de politique culturelle et audiovisuelle ?
N.V: Il faut tout d'abord arrêter d'être
sur le volet défensif pour définir une ambition culturelle
offensive. Pour y parvenir, la Ministre a fixé 3 priorités:
1. La jeunesse notamment grâce au développement de l'éducation
culturelle et artistique
2. Le brassage des arts, l’hybridation entre toutes les disciplines
artistiques
3. Le rayonnement international de la France par sa Culture.
La Ministre souhaite aussi mieux reconnaître les nouvelles formes
d'arts et créateurs comme le Street Art et croiser le plus possible
les innovations culturelles.
A.L: Les journées européennes du patrimoine du 20 et 21 septembre derniers ont connues un véritable succès ? Cela montre l’intérêt que portent les Français et les Françaises pour le patrimoine culturel de la France. D’autres actions en faveur de la valorisation et de la mise en valeurs du patrimoine sont-elles prévues ?
N.V: C'est vrai. Des mesures concrètes seront prises pour donner une vraie ambition pour le patrimoine français qui est vivant, dynamique. Début 2015, un projet de loi sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine sera présenté. Pourquoi ne pas réfléchir à tous ces lieux de patrimoine qui tombent en ruine et qui pourraient accueillir beaucoup d’évènements ou de manifestations culturelles populaires? Il faut rendre ce patrimoine au peuple en quelque sorte !
A.L: En Europe, il existe une solidarité entre les Etats membres pour soutenir par exemple les banques et l’agriculture. Une solidarité entre les Etats membres sur les questions culturelles serait-elle envisageable ? Je pense au dossier Netflix ou la Ministre « demande que les règles de concurrence doivent être les mêmes pour tous » tout en demandant une harmonisation des conditions fiscales au niveau européen ?
N.V: Sur la fiscalité, l’Europe est à la traîne. Je suis un fervent européen. Si l’Europe veut exister, il faut qu’elle s’affirme comme une place forte dans les domaines économiques les plus porteurs d’emplois et d’avenir, comme le numérique. Or, actuellement l’Europe, faute d’une fiscalité harmonisée, est très accueillante pour toutes les entreprises extra communautaire mais totalement incapable de faire émerger sur son propre sol de grandes entreprises technologiques. Il est temps que l’Europe exige les mêmes règles du jeu pour tous, et cela passe par la fiscalité.
A.L: Ou en est-on sur le dossier des intermittents du spectacle ? Un dialogue est en cours ?
N.V: Trois parlementaires ont été chargés
par le Premier Ministre d'une mission fin mai. Ils doivent faire des propositions
avec tous les représentants des intermittents dans un rapport qu'ils
doivent rendre début décembre. Il relève du paritarisme.
La Ministre est très attentive à ce dialogue. S’il
ne débouchait pas sur du concret, alors l'Etat prendra sa part
de responsabilité. Les intermittents sont essentiels au modèle
culturel français. Leur statut est dérogatoire du droit
commun, précisément parce que notre modèle culturel
tout entier est dérogatoire de ce qui se fait ailleurs dans le
monde ! Sur le fond, il faut une reconnaissance du travail effectué
par les intermittents à travers une meilleure prise en compte de
leur activité, notamment des heures qu’ils effectuent à
l’école, durant le temps scolaire.
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Bio express
- Chargé de mission auprès du président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et maire de Cergy, Dominique LEFEBVRE de 2006 à 2007.
- Assistant parlementaire des députés du Finistère, Annick LE LOCH et Jean-Jacques URVOAS.
- Collaborateur du député de Paris, Jean-Marie LE GUEN de septembre 2007 à juin 2012.
- Conseiller parlementaire de juin 2012 à janvier 2013.
- Chef de cabinet adjoint de la Ministre déléguée auprès du Ministre du Redressement productif, chargé des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Économie numérique, Fleur PELLERIN de janvier 2013 à mars 2014.
- Chef adjoint de cabinet, chargé des relations avec les élus et la société civile, de la Secrétaire d'État chargée du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l'étranger, Fleur PELLERIN d’avril à août 2014.
- Conseiller parlementaire de la Ministre de la Culture et de la Communication,
Fleur PELLERIN depuis août 2014.
Angelo LUSARDI
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31/10/2014