Célia MERCIER – Politiques et Economie Sociales 1999 - Chargée de Projets Editoriaux chez Pollinis à Paris.
Après une prépa littéraire, je suis entrée à l’IEP en 1998. Ce furent deux années très formatrices, avec des enseignements passionnants, une grande ouverture d’esprit, un bouillonnement d’idées. J’ai eu l’occasion au cours de la dernière année d’effectuer un stage au Dauphiné Libéré, une initiation au journalisme qui m’a donné envie de poursuivre dans cette voie. Après mon diplôme de l’IEP, j’ai quitté à regret cette belle ville de Grenoble pour entamer une maîtrise de journalisme au Celsa à Paris. Je voulais ensuite m’installer à l’étranger comme correspondante, mais je ne savais pas encore où.
Après mes études, j’ai entamé un périple de six mois en Amérique du sud, en réalisant des reportages dans tous les pays que je traversais. J’avais interviewé à l’époque un député bolivien encore peu connu, Evo Morales, et j’étais allée rencontrer les cultivateurs de coca au beau milieu d’une forêt de la province du Chapare. En Argentine, la crise sévissait, le pays était plongé dans une récession dramatique, je m’étais rendue dans les cantines socialesdes faubourgs de Buenos Aires qui distribuaient des repas aux familles démunies. Je suis ensuite arrivée au Brésil pour l’investiture du nouveau président Lula, dans une ambiance d’euphorie, de fête et d’espoir.
Mais c’est au Pakistan, sur un autre continent, que j’ai finalement posé mon sac à dos. J’y resterais près de cinq ans, en voyageant parfois dans l’Afghanistan voisin où le régime des Taliban venait d’être renversé. J’ai d’abord vécu à Karachi, le cœur économique du Pakistan, frénétique et poisseux, qui n’abritait alors … que 12 millions d’habitants. Puis j’ai déménagé à Islamabad, la capitale, ville nouvelle tirée au cordeau, au pied des collines de Margalla. Cette année-là, un tremblement de terre dévasta le nord du pays, les maisons s’écroulèrent en quelques secondes sur leurs habitants, des enfants agonisaient sous les murs de leur école, des files interminables de villageois traumatisés descendaient des montagnes en portant leurs blessés. Il y eut plus de 70.000 morts.
Sous la présidence du général Pervez Musharraf, ce furent des années intenses, de guerre américaine contre le terrorisme, de traque de Ben Laden dont les rumeurs de l’arrestation revenaient régulièrement, de guérilla talibane repliée dans les célèbres zones tribales. En 2007, le pays sombra dans le chaos, la vallée de Swat était passée sous contrôle des Taliban, le siège de la Mosquée rouge d’Islamabad où s’étaient retranchés des insurgés mis le feu aux poudres, les attentats et les attaques suicides devinrent quasi quotidiens.
J’écrivais aussi beaucoup sur les problématiques sociales, la violence, les inégalités et la répression : les jeunes filles brûlées à l’acide, les danseuses du quartier rouge de Lahore, les familles d’esclaves piégées dans le système féodal du Sindh rural, les indépendantistes baloutches assassinés par les services secrets, l’effroyable loi du blasphème qui envoyait des innocents en prison, ou à la mort.
Puis en 2011, pour des raisons familiales, je suis partie vivre chez le grand ennemi du Pakistan : l’Inde. Plus précisément à Bangalore, la silicon valley du pays, où j’ai continué à travailler comme journaliste. J’ai découvert un autre pan de la culture du sous-continent, l’Incredible India, ses temples imposants aux divinités somptueuses, ses villes démesurées où erre le bétail perdu dans le béton, sa folie vertigineuse et sa sagesse apaisante. Le sacré aussi, lors du plus pèlerinage du monde de la Maha Kumbh Mela, au confluent de la Yamuna, de la Sarasvati et du Gange, où s’élancent les moines nus de l’ordre des naga babas. La violence encore, avec le viol collectif atroce d’une étudiante de Delhi dans un bus de nuit. Et le mystère des petites filles disparues de la région de Jaisalmer au Rajasthan. Puis un nouveau chapitre commença pour l’Inde avec l’élection de Narendra Modi.
Je suis finalement rentrée à Paris. J’ai continué à
réaliser des reportages, en Irak cette fois, sur le supplice des jeunes
filles yézidies enlevées par l’Etat islamique, et la traque des « collabos
» de Daech dans les ruines de Mossoul. Puis j’ai décidé de changer de
voie. J’avais pris conscience depuis plusieurs années de l’ampleur du
désastre écologique en cours et je voulais m’engager dans une démarche
professionnelle liée à cette problématique. Je travaille à présent dans
une Ong environnementale, sur la question des pesticides, de la transition
agricole et de la protection de la biodiversité.
Célia MERCIER
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07/12/2020