Elise CARDE EP. SANSAC (1991 PO)
Sur ma carte de visite, sous le titre Secrétaire Générale de Web Report, il est noté en tout petit « Couteau suisse ». Non pas pour mes nombreux lingots d’or amassés et cachés chez les Helvètes, mais pour son aspect certes pointu (!) mais aussi multitâches.
Cela fait maintenant près de 25 ans que j’ai eu mon diplôme à l’IEP de Grenoble (Po 1991) et je reste toujours marquée justement par la grande variété des domaines que j’ai pu aborder pendant ma scolarité iséroise.
Si je commence ce texte avec toutes ces références montagnardes, c’est pour mieux parler de mon seul enracinement et la seule constante dans mon parcours : ma ville, Bordeaux.
Alors bien-sûr, j’aurais pu faire l’IEP de Bordeaux, comme ça vous n’auriez pas entendu parler de moi….Mais les circonstances (un échec cuisant après le bac et après le Deug de Droit) et surtout un programme passionnant de la plaquette (oui, c’était au XXème siècle) de l’IEP : la section Politique et son énigmatique mais prometteuse conférence « Analyse du Temps Présent »… ont eu raison de ma déception de ne pas entrer dans l’IEP bordelais.
Ce fût deux années intenses de découvertes dans tous les domaines : la vie dans une ville plate, je connaissais mais avec des montagnes tout autour, c’était beaucoup plus exotique ! J’ai pu aussi rencontrer des professeurs passionnants, des étudiants merveilleux et y cultiver ma curiosité sans limite pour des matières comme la sociologie politique mais aussi le cinéma et plus particulièrement le réalisateur Gérard Frot-Coutaz, thème de mon mémoire de fin d’année.
Cet éclectisme, je l’ai gardé et cultivé précieusement lors de mon retour à Bordeaux. Car, si je suis revenue avec beaucoup d’expériences, une chose était sûre : je voulais rester travailler à Bordeaux, et c’était moins tendance qu’aujourd’hui !
Je me suis inscrite à un DEA Communication Arts et Spectacles pour continuer à travailler sur les politiques culturelles qui étaient devenues mon pôle d’intérêt. Mais j’ai aussi prolongé « en live » mon intérêt pour la politique avec un mémoire sur « Noël Mamère, un humaniste éclairé », rien que ça ! Je fus propulsée sur la liste des élections régionales de 1992 malgré mon faible engagement politique jusque-là. A côté de cette activité militante au sein de Generation Ecologie, je participais à ce qui était aussi une action associative auprès d’Yves Parlier qui cherchait un sponsor pour faire le Vendée Globe 1992. La voile étant mon autre passion…
Ces deux activités ont été fondatrices de ma vie professionnelle: toujours privilégier le projet et ses acteurs plutôt qu’une « carrière » et ne jamais dire que l’on ne sait pas faire ! Je me souviens du directeur de Cacolac, sponsor historique du bateau de Parlier, qui me demandait si je pouvais faire un dossier de presse. « Pas de souci ». Je savais à peine de quoi il parlait … Mais avec un peu de curiosité et une bonne dose de culot (qui est enseigné à l’IEP), j’ai continué ce projet qui a été mon premier CDI, en tant que cadre, parce qu’on avait des abattements sur les charges ! Au sein d’Antipode, nous avons suivi les tours du monde du navigateur, les traversées de l’Atlantique, dans un sens et dans l’autre. Nous gérions et produisions l’ensemble des images du projet et d’Yves Parlier. Ce fût des années intenses d’apprentissage rapides, de sensations inoubliables de peur mais aussi de grandes joies lors des victoires (nombreuses !).
Mon choix de ne pas bouger de Bordeaux devenait de plus en plus évident puisque je pouvais vivre des expériences internationales, sans bouger de chez moi. Il fallait bien-sûr accepter un salaire minimum, très minimum et être capable de se remettre en question très régulièrement au sein d’une TPE. Mes années de droit et ma méthode iepienne ont fait le reste et m’ont permis de devenir le couteau bordelais que je suis aujourd’hui.
La politique m’a rappelée en 1997 pour les élections législatives que Noël Mamère a gagnées brillamment à Bègles. Je pensais devenir attachée parlementaire en Gironde mais, comme souvent dans ce milieu là, cela ne s’est pas passé comme prévu … Le temps de me marier avec un IEP Bordeaux, de faire un enfant et même deux filles, et me voilà en train de suivre une formation ISO 9002 à la Chambre de Commerce de Bordeaux pour faire certifier l’entreprise familiale ( du côté de mon mari) de négoce de fruits et légumes.
Aucun rapport avec le reste ? Tout à fait et j’en suis assez fière ! Il a fallu manager des équipes de production pour changer les habitudes avec en fond l’arrivée des 35 heures. Des grands chantiers qui bouleversaient les habitudes de cette société qui avait grandi très, trop vite. Je me surprends encore aujourd’hui à puiser des informations de cette période : comment manager des équipes, faire accepter des contraintes, négocier et travailler mieux.
J’ai aussi expérimenté le management au sein d’une structure, certes familiale mais d’une autre dimension puisqu’il s’agit de Lagardère. A la Rochelle, au sein du Journal de Chez Vous, un service interactif diffusé sur CanalSat qui ambitionnait de parler des régions à travers un outil très performant puisqu’une partie d’un satellite était requise pour diffuser toutes ces informations depuis le décodeur. En 2000, c’était assez révolutionnaire et l’on pariait à l’époque sur la prévalence de la télévision sur les ordinateurs dans les foyers français. Pas sûr que les conclusions seraient les mêmes aujourd’hui.
A 34 ans, j’étais pratiquement la doyenne de cette équipe de journalistes, tous fraîchement sortis de leur école. Recrutée pour m’occuper des relations avec les collectivités territoriales, j’ai basculé à la direction du pôle Culture. Toujours l’occasion de faire quelque chose de nouveau où je pouvais tester sur les journalistes mes acquis de management dans les fruits et légumes ! Et cela a fonctionné : nous avons réussi à créer un esprit d’équipe, un ton et une envie de progresser, de proposer toujours des idées nouvelles. Je fais ma demande de carte de presse. Lorsque je la reçois, j’ai l’impression pour la première fois d’avoir enfin un « vrai » métier.
Maisje savais que mon épopée rochelaise ne durerait pas : à l’époque, mes filles sont petites et je travaille à 200 kilomètres de la maison, 4 jours par semaine. Un gymkhana rendu possible par mon mari qui doit gérer les couettes le matin, les nounous l’après-midi et les repas du soir…
C’est alors que mon premier employeur me rappelle pour me proposer de travailler dans l’agence de presse qu’il a créée avec son ami reporter de guerre, Morad Aït-Habbouche. Une nouvelle aventure différente encore, dans une structure en devenir : finis les shows de la société du CAC40 et bonjour l’huile de coude ! Mais je ne veux pas revenir pour être « la fille qui va tenir la maison, alors qu’ils seront en tournage dans le monde entier » : je veux une réelle mission et c’est ainsi que je me retrouve aux Gobelins à suivre une formation de monteuse, pour réaliser des documentaires avec eux. Ce fût compliqué et douloureux de maîtriser la technique du montage que je ne connaissais pas avec la narration du documentaire. Mais ce fût passionnant ! J’ai même eu la chance de réaliser mon propre reportage pour Envoyé Spécial ! C’était un peu surréaliste mais entourée de grands professionnels qui m’ont toujours poussée à être plus curieuse, à tenter des expériences.
C’est au même moment où j’ai aussi eu la chance de gagner un concours de nouvelles, organisé par le magazine Elle : pour la première fois de ma vie, un de mes textes était publié dans un ouvrage, vendu en librairie. Je n’ai pas résisté à l’envie d’aller faire cet achat dans la plus belle librairie de Bordeaux, mais certainement de France, chez Mollat. J’ai demandé un papier cadeau à la plus connue et merveilleuse employée de cette institution. C’était très émouvant, d’autant plus que je citais cet établissement dans mon texte.
Bordeaux et encore Bordeaux quand les directeurs de l’agence de presse ont décidé de fermer l’antenne bordelaise pour tout rapatrier à Paris : licenciement !
Bizarrement (sic), à plus de 40 ans, je n’ai pas eu envie de refaire ma vie à Paris, moi qui ai employé toute mon énergie à ne pas y aller … C’est alors que je prends contact avec Benjamin Rosoor, un ancien journaliste que je connais depuis 15 ans et qui préside le CJD : je pense qu’il peut m’aider à trouver un nouvel emploi, sans avoir d’envie précise. Et il me propose de travailler avec lui : mon aspect polymorphe lui plaît. Le gaucher a besoin d’un bras droit !
Sa société Web Report est une agence de contenu éditorial pour le web dès 1999 et elle a évolué au fil des années pour devenir spécialiste de la e-réputation et de la relation client sur les réseaux sociaux. Une des têtes de gondole est Cdiscount, entreprise bordelaise , un des plus premiers e-commerçants français.
Je suis Secrétaire Générale de la société avec des missions administratives mais aussi plus stratégiques. Et je ne rechigne jamais à passer à la production en me coltinant aux messages un peu véhéments des internautes ou en menant des projets de webdocumentaires, une sorte de pont entre mes deux derniers métiers !
C’est Benjamin qui a voulu noter sur ma carte
de visite « couteau suisse ».
Elise CARDE EP. SANSAC
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