Ancien élève Eco-Fi 1990, Jean-Michel MOLLIER est un atypique. Ouvrier imprimeur dans sa jeunesse, il a été le créateur et le directeur de la filiale d’ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), la structure voulue par le conseil régional Rhône-Alpes pour internationaliser son économie (structure liquidée en 2015). Jean-Michel MOLLIER est docteur en Science Politique. Depuis 30 ans, il accompagne les PME à l’international.
Peux-tu nous faire un portrait de toi ? / Peux-tu te présenter rapidement ?
Lors de l’examen d’entrée par la 3e voie à Sciences Po, le directeur des études me fit cette remarque : « la gestion des cas particuliers n’est pas toujours simple ». À 29 ans, je partais pour le Japon afin d’échapper à l’horizon de l’ennui et concrétiser un rêve d'enfance. Sur place, tout en travaillant, je passais le bac, puis le diplôme des Langues O’, celui de Sciences Po Grenoble à l’occasion d’un retour en France et beaucoup plus tard, j’obtenais un doctorat de science politique. Je totalise 35 ans de vie au Japon, suis marié avec une Japonaise. Je fais de ma passion un métier, et réciproquement.
Pourquoi Sciences PO ? Pourquoi ta section ou ton master ? Pourquoi avoir fait (si c'est le cas une formation complémentaire après Sciences Po)
Je n’avais pas d’idée déterminée sur Science Po avant de tenter la 3e voie. En quittant la France pour le Japon, j’étais plutôt guidé par une vague idée (devenir un lien actif entre les économies japonaise et française). Une fois au Japon et diplômé des Langues O en japonais, j’ai souhaité passer par cursus économique et commercial. Les écoles privées anglo-saxonnes étaient chères. Lors d’un bref retour en France, j’ai été encouragé par un de mes mentors à tenter Science Po. Je me suis ainsi retrouvé quelques mois plus tard parmi quelques autres « vieux » de la troisième voie, en section éco-fi.
Quel a été ton parcours depuis Sciences Po Grenoble ?
En 1990, j’ai intégré ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), l’association créée par Alain Mérieux pour accompagner les PME rhône-alpines à l’international, en qualité d’homme Japon basé dans un premier temps à Lyon. Pendant les 24 années suivantes, j’ai accompagné plusieurs centaines de PME à l’export Japon. J’ai aussi initié des partenariats avec le Japon pour de nombreux clusters, pôles de compétitivité. J’ai enfin concrétisé plusieurs projets d’investissements industriels japonais en Rhône-Alpes. En marge de cela, j’ai créé un DESS spécialisé Japon à Lyon, devenu ensuite Master Affaires Asiatiques. L’idée était d’offrir aux entreprises françaises les compétences spécialisées de jeunes maîtrisant le japonais.
Après mon passage à Science Po, j’ai très tôt eu envie de préparer un doctorat. Mais ma situation de résident au Japon m’a valu des refus de la part de Science Po Grenoble et Science Po Lyon. C’est finalement une rencontre à Tokyo avec le regretté Bruno Etienne, éminent politologue et spécialiste de l’islam qui me permit de concrétiser ce projet avec Sciences Po Aix, projet mené en parallèle de mon activité de directeur d’ERAI Japon.
En 2014, j’ai mis fin à ma carrière à ERAI et ai fondé Cetana, une société de développement international entièrement dédiée aux PME de toutes origines.
En quoi consiste ton travail ?
Être aux côtés des PME est pour l’adepte de Ernst Friedrich Schumacher que je suis davantage un engagement de vie qu’un choix stratégique. C’est donc naturellement le premier de mes 3 métiers dans le cadre de Cetana. J’interviens prioritairement sur les thématiques santé et production, restant ouvert à tout projet intéressant et viable, indépendamment de la taille et de l’entreprise. Mes services vont de l’étude de faisabilité à l’implantation physique, en passant par le développement des affaires, l’audit de partenaire, le trouble shooting, etc.
Mon deuxième métier consiste à accompagner les territoires dans leur internationalisation. Ici aussi, je capitalise sur près d’un quart de siècle d’expérience au profit de la deuxième région économique de France.
Mon troisième métier se situe entre la formation interculturelle et le mentorat. Je propose des cursus sur-mesure aux cadres et dirigeants d’entreprises engagés au Japon. L’idée est de booster leur autonomie sur ce marché très spécifique afin de limiter les risques d’échecs. J’interviens bien sûr au profit de PME, mais il m’arrive d’être sollicité par de grandes organisations, comme récemment avec la BPCE.
Pourquoi avoir choisi ce secteur d’activité, cette fonction ?
J’aime la diversité, découvrir de nouveaux environnements industriels, être confronté à une certaine dose de complexité. J’aime la relation directe avec le client, la mise en commun de nos expertises. J’évolue à mon aise en mode Project Management. Ma sensibilité japonaise est un atout pour sécuriser les processus sur les projets que je gère. Par-dessus tout, j’aime voir mes clients satisfaits. Je suis congruent avec ma polyvalence, ma soif de nouveauté, de dépassement et de valeur ajoutée en pratiquant ce métier. Le nom de ma société est à lui seul une profession de foi : Cetana c’est en sanscrit le moment où l’esprit pointe vers un objectif. En phénoménologie de l’esprit, n’est-ce pas le premier geste mental qui fait de l’homme un entrepreneur ? Il faut ensuite que cela soit relayé par une volonté en action. d’où mon slogan : Will in Action.
Selon toi, que t’a apporté Sciences Po Grenoble ? / Quels souvenirs gardes-tu de Sciences Po Grenoble ?
Dès le premier jour à Science Po Grenoble, j’ai choisi de cultiver mon jardin japonais aussi souvent que possible (j’avais vécu 5 ans au Japon) : en conférence de méthode, en cours optionnel, pour le choix de mon mémoire, etc. J’étais aux yeux de mes condisciples « le fada du Japon », mais leur regard sur moi ne fut jamais condescendant, à la différence du jury du grand O qui me reprocha ce tropisme. En ce qui concerne le contact avec la méthode Science Po, je me souviens avoir au début souffert de devoir passer rapidement sur les sujets étudiés. Pour autant, de retour dans l’univers professionnel après 2 ans à Science Po Grenoble, j’ai rapidement réalisé les bienfaits d’une méthode centrée sur le « savoir-connaître », le « savoir-restituer ». C’est une approche pédagogique qui valorise notamment l’adaptabilité, l’esprit de synthèse, le sens critique et bien sûr une solide culture.
Quels conseils donnerais-tu à des étudiants ou des jeunes diplômés de l’IEP ?
Considérez autant, si ce n’est davantage, la personne que vous êtes que vos compétences intellectuelles. Près de 100 % des jeunes sont dans un souci de bonne conformité comportementale en suivant certaines normes dictées sur Internet : consensus sur tout, sourire et posture figés lors des entretiens de recrutement. C’est précisément cela qui empêche le recruteur de cerner la personne que vous êtes. Osez, soyez ! Intéressez-vous vraiment à l’autre en toutes circonstances, qu’il s’agisse du recruteur et de sa société ou du personnel que vous allez être amené à coacher. Ne confondez pas fonction et compétences. La fonction vous est donnée. Les compétences sont à conquérir.
Comment vois-tu la suite de ta vie professionnelle ?
Je souhaite continuer à être un acteur social et économique entre le monde et le Japon. La PME reste une dimension pertinente pour observer une société et interagir avec elle, dans le monde réel. Je suis bien sûr actif dans d’autres sphères. Le métier de conseil évolue et comme toute évolution, il convient de la précéder, en d’autres termes de l’impulser. La routine reste ma hantise. Je veux continuer à cultiver mon atypisme. Chacun possède sa petite collection de phrases cultes. Celle du philosophe Eugène T. Gendlin illustre assez bien mon approche du monde : thinking at the edge. René Char est, sans doute à son insu, le plus grand théoricien du management. Il suffit de se reporter à quelques-uns de ses aphorismes pour s’en convaincre : agir en primitif et prévoir en stratège. À mes yeux, le management est une discipline en devenir.
Évoquer l'importance des stages durant les études, l'excellente connaissance des langues et la nécessité du réseau.
Je revois mon professeur de relations internationales demander en amphi, à l’occasion d’un cours magistral, qui était intéressé par un stage à l’étranger. Je me souviens de ma consternation lorsque 3 personnes (dont moi-même) répondirent à cette invitation. J’ai fait un mois de stage non rémunéré au service d’information des Nations Unies à Tokyo (analyse de la presse japonaise, travail documentaire) suivi d’un mois de stage rémunéré dans les services touristiques de l’ambassade de France à Tokyo, où l’on m’a confié une étude de marché. Ces stages ont fortement contribué à nourrir ma réflexion autour de mon mémoire de fin d’études, consacré à l’étude des relations Rhône-Alpes - Japon à travers l’exemple du tourisme.
Le stage est donc bien autre chose qu’une formalité.
Le réseau et sa bonne gestion sont également
un facteur d’efficacité pour tout diplômé à
la recherche de débouchés. On voit se développer
partout en France des réseaux d’entrepreneurs qui échangent
des informations et sont capables d’initier des collaborations.
Je suis moi-même représentant au Japon du réseau Beeleev
qui compte plusieurs milliers d’entrepreneurs connectés entre
eux. Identifier et intégrer ces réseaux est indubitablement
un plus pour exister au sein d’une communauté d’affaires
et prendre sa destinée en main.
Jean-Michel MOLLIER (1990 EF)
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30/03/2018