Jebran ZAKHEL, étudiant à Sciences PO Grenoble, 3ème année
Qui est tu ?
Je suis Jebran ZAKHEL, un étudiant Franco-Afghan, et je dirai même Franco-Européano-Afghan. Je suis arrivé en France en 2016 à l’âge de 13 ans. Je poursuis une double licence à la fois dans le domaine POL à l'IEP de Grenoble et à la faculté d'économie de Grenoble en économie-gestion dans le parcours Développements économiques des politiques publiques.
Quelles sont les grandes étapes de ton parcours ?
J’ai quitté l’Afghanistan très jeune en tant que réfugié au Pakistan. Quand je suis arrivé en France, j’ai été mis dans un foyer pendant un an dans le Hauts-de-Seine. Là-bas, j’ai fait ma 5e ou j’ai pu apprendre le français grâce à mes cours de FLE (français langue étrangère). A la fin de ma 5ème j’ai rencontré ma famille d’accueil à Saint-Elois-les Mines avec qui j'ai vécu 3 ans, ma 4e, 3e et 2de. Grâce à ma mention « Très Bien » sur mon Brevet, j’ai pu partir dans un lycée à Montluçon. J’ai donc dû quitter le domicile familial pour aller m’installer dans un FJT (foyer jeunes travailleurs) sur place, où je devais me gérer tout seul avec un budget hebdomadaire pour mes courses. Je suis également sorti de mon lycée avec un bac mention « Très Bien » en poche, avec les spécialités SES et HGGSP.
Pourquoi Sciences Po Grenoble ?
Je suis hyper curieux, j’adore découvrir de nouvelles choses, faire des rencontres, je voulais donc faire du commerce international, car selon moi ça me permettrait de voyager, de découvrir plus sur le monde qui nous entoure, mais également de rencontrer tous types de personnes. Pendant mon année de première, j'ai fait mon BAFA, et c'est à ce moment-là que j’ai rencontré Paul, mon directeur de stage qui m’a parlé des IEP. A partir de là, mon objectif pour la terminale, ce n’était plus seulement d’obtenir le BAC, mais aussi d’intégrer l’un des dix IEP de France. J’ai candidaté pour le concours commun, que je n'ai pas eu, pour les IEP de Bordeaux et de Paris dont j’ai été admis à l'oral mais pas plus loin, et finalement j’ai été pris à Grenoble.
Comment est-ce que Sciences Po Grenoble t’a aidé à te développer ?
La première année à Grenoble m’a aidé à apprendre les fondamentaux, j’ai également apprécié le fait que mes études supérieures me donné le temps de me concentrer sur mes autres projets hors de ma vie académique. En deuxième année j’ai eu la chance, grâce à Sciences Po, de voyager à Cologne en Allemagne. J’ai pu justement voyager, découvrir d’autre culture et rencontrer de nouvelles personnes. En rentrant, lors de ma troisième année, j’ai justement pu suivre des cours dans deux établissements, sous un grand thème de la Gestion et de l’Economie, ce qui me permet d’approfondir un sujet qui me tiens à cœur, tout en voyageant en France, et en observant de types d’apprentissage différent. Maintenant grâce au tremplin de Sciences Po, j’ai eu le master Gouvernance Européenne à Sciences Po Grenoble.
Cependant je t’avoue que même si j’apprécie la théorie, il me faut faire aussi de la pratique. Je suis un peu nostalgique de mon année passer où je pouvais apprendre tout en vivant des expériences : découvrir de nouvelles personnes, de nouvelles manières de penser, etc… J'aime la théorie, mais j'ai quand même hâte de faire de la pratique et de mettre ces compétences en pratique dans mon futur métier.
De quels projets non-académique parles tu ?
J’ai toujours travaillé pendant mon temps libre. Pendant mes étés de 3e et de 2??, je faisais du bénévolat international, pendant deux semaines à chaque fois, avec l’association Concordia.
Quand je suis parti de ma famille d’accueil, à la fin de ma seconde, j’avais plus d’autonomie et donc plus de temps à consacré dans d’autre projet. Je me suis donc mis à faire du bénévolat au sein d'Emmaüs en échange d’une aide au permis. Après avoir fait les 150 heures, j’ai continué à y aller bénévolement les samedis jusqu’à avoir reçus mon bac. Vers la fin, je m’occupais du recrutement des jeunes qui voulaient aussi avoir une aide au permis et je transmettais leur dossier à la région.
J’ai un autre projet aussi. Ça a commencé un été, je chercher un job en relation avec mon Certificat de BAFA, et j’ai trouvé un CDD en tant qu’animateur de séjours pour les adultes en situations de handicap. Depuis, toutes les vacances j’encadre un séjour pour personnes en situation d’handicap, que ça soit mental ou physique. Mon rôle de responsable consiste à faire en sorte que le séjour d’une à deux semaines se passe dans les meilleures conditions, en gérant le budget alloué pour l’alimentation, en préparant les repas si c’est en gestion libre, en planifiant les activités avec l’équipe et en gérant le traitement des personnes, leur argent de poche, leurs médicaments. J’aime ce travail, car cela me permet de développer différents aspects comme la gestion d’une équipe, l’organisation, la comptabilité ou encore la conduite d’un minibus 9 places, etc. Parfois je suis un bénévole comme dans l’association Accès Aventure, une association spécialisée dans les séjours adaptés à l’étranger, où je suis adhérent-bénévole depuis 2024. Mais la plupart du temps, avec les autres associations ou agences de voyages pour les personnes handicapé, je suis rémunéré. Cela demande beaucoup de responsabilité, et j’aime ce cadre professionnel et concret qui diffère des cours.
En parlant d’aide, je suis aussi auxiliaire de vie depuis ma 1ère année à l’IEP. Pendant mon année de mobilité, j’étais assistant de vie d’un jeune travailleur qui avait besoin d’une personne à ses côtés 24 h/24 h pour la douche, la nourriture, la toilette, l’habillage, le conduire à son travail.
En cette 3e année de double licence avec la faculté d’économie, je suis auxiliaire de vie auprès d’un jeune doctorant en thèse chez qui j’interviens les soirs du week-end. Mais aussi chez un CPE, les jeudis, vendredis soir et parfois les midis des week-ends. Deux fois par mois, je l’emmène voir sa maman qui est dans un EHPAD dans l'Ain, à deux heures d’ici avec sa voiture PMR. Et à la rentrée, je vais m’occuper, les jeudis, d’une enfant de 6 ans qui est en situation de handicap mental et qui ne parle pas. Je retrouve ce même sentiment d’utilité à la fin d’un de mes créneaux que quand j’encadre mes séjours.
Je suis aussi réserviste dans l’armée de terre au sein du 7e bataillon de chasseurs alpins depuis l’été 2023 et en 2024, j’ai participé à la sécurisation des JO en tant que sentinelle. Chaque été la compagnie peut mener des « Opérations Sentinelles » où l’objectif de la mission est d’exercer une présence visible dans des lieux publics à moments de grandes affluences pour dissuader un potentiel attaque. L’organisation de ces opérations demande également beaucoup de formations en amont.
Comment arrives-tu à aménager ta semaine avec tous ces projets ?
Cela dépend vraiment car entre lundi et mercredi, je ne travaille pas, sauf si je suis appelé pour un remplacement, mais je peux choisir de décliner. Je peux donc me concentrer sur mon double diplôme. Sinon je travaille les jeudis et vendredis soir, les week-ends presque toute la journée. Concernant mes devoirs de réservistes de chasseurs alpins, je mis rends, les weekends, quand je suis disponible. Pour mon travail en tant que responsable de séjour adapté, je me soucis de ça, seulement quand je suis en vacances. C’est un emploi du temps chargé, et mes notes on en payé les conséquences (je n’ai plus les mêmes notes que celles au lycée qui m’ont octroyé un « Très Bien » au bac), mais comme ça j’ai de l’expérience dans plusieurs domaines, et je ne m’ennuie pas.
Et demain ?
Mon objectif est de travailler dans les ambassades en tant que diplomate, les affaires étrangères et la gestion ainsi que la résolution de conflit m'intéressent particulièrement. Mon souhait est de renouer les relations franco-afghanes, mais aussi avec l’ensemble du Moyen-Orient. Que ce soit pour la France, mais aussi, plus généralement pour l'Europe, car on doit être unis pour agir efficacement et peser sur la scène internationale face à l'émergence de nouvelles puissances. J’ai candidaté pour le master MMO et Gouvernance Européenne et j’ai aussi l’intention de candidater pour GEM en double master.
En quoi l’amélioration des relations franco-afghan vont changer les choses selon toi ?
Mon ambition est l’amélioration des conditions de vie des femmes et filles afghanes, en particulier depuis le retour des talibans. Je pense qu’une relation forte avec des pays démocratiques comme ceux en Europe, permettrai de mettre une plus grosse pression sur les talibans sur les questions des Droit Humains et plus spécifiquement des Droits de la Femme. La condition des femmes en Afghanistan, est un sujet qui me tiens particulièrement à cœur et j’espère qu’un jour, elles auront autant de droit et de libertés que les hommes là-bas. Ainsi, mon objectif est de créer une fondation appelée Marwa qui rendrait ce « rêve simple » possible, en aidant les femmes à avoir une éducation et un travail. Un projet comme ceci demande du temps, mais aussi une personne qui connait la complexité de la culture et des traditions afin de voir comment le changement peut être amené et sous quel angle. J’ai décidé d’y retourner pour la première fois depuis mon départ en tant qu’enfant, là-bas, j’essaierai de comprendre la situation, pour voir ce que je peux faire, maintenant, à mon échelle actuelle.
Les Droits Humains, et l’égalité de ces droits sont un concept important pour toi ?
Je suis directement concerné, car mes sœurs, resté en Afghanistan se sont vues privées d’école, car elles avaient dépassé plus de 13 ans. Mes sœurs me voient comme un espoir pour l’évolution des mentalités. Je dois t’avouer que j’essaie souvent de me mettre à la place de mes sœurs et j’ai réalisé que si j'étais une fille, je n'aurais pas pu devenir ce que je suis aujourd'hui juste parce que ma seule faute aurait été d'été née une fille et non un garçon et cela m’affecte profondément. Mais je pense qu’il est possible d’entamer un dialogue et de mettre en place des choses pour que ces femmes et filles retrouvent une vie "normale".
Pour moi, on ne peut les abandonner au nom de la solidarité humaine.
De la même façon que nous ne pouvons abandonner les personnes souffrant d’un handicap. C’est pour ça que, mon projet de séminaire est la prise en compte de l’enfant en situation de handicap par les acteurs locaux. Pour moi, tout le monde peut se trouver en situation de handicap à un moment donné de sa vie. Et une société qui se dit juste doit donc être basée sur une égalité équitable des chances. C’est pourquoi aussi, j’encadre ces séjours adaptés pendant les vacances scolaires et l'été, et je suis aussi auxiliaire de vie.
Si tu avais un conseil pour les personnes qui te suivront dans tes pas à Sciences Po ?
Oula, déjà bravo. Mais n’oublier pas de diversifier votre source d’apprentissage. Sciences Po est un endroit fabuleux, remplis de connaissance. Mais il faut toujours oser aller au-delà, voir ce qui est dit ailleurs, sortir de la théorie et faire un peu de pratique. La vie peut vous mener dans pleins de directions différentes.
Interview réalisé par Luke BERTRAND,
étudiant en 1ère année
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03/04/2025